Post mortem, un texte de Luc Lavoie…

28 mars 2017

Dans le silence…  alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

Dans le silence et la solitude d’un fin rayon de lumière, les cadavres aux sourires idiots marinent au sous-sol. L’odeur y est insoutenable, mais les insatiables affamés dévorent…

Les diptères, ces sales bestioles ; mouches vertes et bleues, auront trouvé terreau fertile pour la ponte. Dans les bouillons et les gargouillis répugnants, bientôt les larves naissent, puis se nourrissent. Elles sont, tels les croque-morts ; oiseaux de mauvais augure. Elles entonnent un air putride. Chantent en chœur la décomposition. Dansent dans un tourbillon malsain. Peuplades visqueuses et révulsives. Troupes d’acteurs sur une scène rongée où les bides morts deviennent les instruments inertes d’une cadence infernale.

Léthargie animée. Descente vers les profondeurs. Bal des pourritures.

Vermines rampantes au resto. À table. Là s’anime la décrépitude dans la pénombre des lendemains. Les asticots grignotent dans les orbites. Engeance malsaine qui charrie, consomme et digère ces plats savoureux. Un dîner de viande froide ? Encore un peu de foie ? De cervelle ? Le Tartare se tarit. Matière immobile et flasque qui tombe en lambeaux. Sang coagulé. Corps bleuis, enflés. Nauséabonds. Villes et cités lugubres d’un temps d’effervescence éphémère, propice au développement excessif ; à la vie trépidante dans les miasmes urbains. On passe, on dépasse. On trépasse. Moments frétillants voués à l’intemporalité finie des abîmes. Cortège des avaleurs aux appétits gargantuesques qui mastiquent dans la solitude des espaces… Oasis périssables des immondices.
Blattes, scarabées, charançons, rats et vers repoussants ; citadins étranges de quartiers incertains ; zones hautement peuplées où on circule et s’affaire sur des autoroutes osseuses. Les excavateurs se déplacent dans les fosses et les rampants progressent dans les trachées. À l’intérieur de tunnels œsophagiques, fragiles d’une architecture en décrépitude constante, l’affaissement et le glissement des tronçons sont chose commune. Dans ces ruelles incertaines, univers des organes gisants à ciel ouvert, il y a des kilomètres de voies de contournement à franchir. Les légions rouges et noires vagabondent à travers la porosité des cavernes aux parois inertes… Que de chair à excaver ! De résidus à transporter. Les équipes de dépeceurs sont au travail. Fouisseurs et exciseurs sont à l’œuvre sur des chantiers en déclin. Ils se vautrent dans la mort exquise.

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecDents allongées, mandibules tranchantes, bouches broyeuses et trompes poilues. Tous sont là pour prendre part au festin. Les convives s’en donnent à cœur joie. Pour que rien ne se perde.
Quand viendra enfin le dernier jour, voraces, les videurs n’auront laissé que peu de chose derrière eux. Que contrées désertes, de carcasses en arêtes, squelettes jaunis par le temps et la poussière. Que paysages d’immobiles dépouilles où les incessants courants d’air des jours et des nuits traverseront encore agglomérations d’agrégats et charpentes. D’ossatures lisses à faire frémir. Ruines et débris sans subsistance. Instantané des victimes du temps qui passe. Dureté de l’éphémérité des éléments. Qu’absence des regards. Que deux trous béants dans des crânes vides. Qu’un bras allongé. Sa main ouverte sur le plancher, l’index recourbé ; doigt nu qui traverse la gâchette d’un révolver rouillé Smith & Wesson. 38 spécial recouvert d’une toile d’araignée tendue parmi quelques détritus.
Plus qu’un vent glacial qui lève, un coup de fouet au dos de la quiétude des éternités de ce que furent autrefois ces deux corps habités d’une vie.

Pour le meilleur, mais également pour le pire…

Luc Lavoie © tous droits réservés, 2013

Notice biographique

Âgé de 47 ans, Luc Lavoie vit à Roberval.  Il a suivi une formation en graphisme au Collège de Rivière-du-Loup.  Il est présentement courtier enchat qui louche maykan alain gagnon alimentation. Auteur autodidacte, il écrit pour le plaisir depuis quinze ans.  Il privilégie la nouvelle fantastique, d’anticipation ou de science-fiction.

Il aime voyager à travers l’espace des mots et traverser avec eux le temps.  Il explore la page blanche – cette toile vierge de l’immensité –  comme un cosmonaute aux commandes de son clavier numérique, et qui s’est lancé, de son propre chef,  dans l’infini littéraire.

Son rêve ?  Être un jour remarqué et publié. Il prépare, à cette fin, un recueil de nouvelles.  Il envoie également des textes à des magazines spécialisés.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


Quand l'automne… un texte de Luc Lavoie…

3 décembre 2016

Quand l’automne

(Crédit photos : Luc Lavoie)

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Feuilles en sursis.
Nées d’une trop courte saison.
Elles tombent. Elles chutent légères des arbres mûrs qui partagent à nouveau ce qu’ils ont reçu de la terre.

C’est le début d’une longue léthargie. La nature qui composera bientôt avec la musique de la décomposition. Un prélude à une lente liturgie. Le temps fera son œuvre. Spectacle symphonique. Aux forts vents de l’orchestre dans un grand désarroi d’épinettes pareilles à des archets agités ; vibrations des cordes de Vivaldi. Sous la pluie drue qui martèle la rythmique. Mélodie d’une morne lenteur. D’où la lumière s’estompe. Au froid qui s’installe et qui glace le sang sève.

Peu à peu.

 alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecCe sera le début du bain des fragrances. Portées par les courants d’air ; ces bouquets, qui exhalent dans les bruissements et les colorations, exciteront encore mes narines. Sous un soleil fade. La saison se commettra. Une fois de plus. Comme l’assassin revient sur la scène de son crime. On dira : C’est l’automne qui assassine l’été, puisqu’il rougit. Jusqu’à se pâlir jour après jour. Jusqu’à se tiédir dans l’aurore. Dans un quasi-évanouissement mortuaire.
La nuit, les cristaux de gel ; frimas et glaçons miroirs et fragments, multitudes de solitudes, auront paré de diamants tout le couvert forestier.

À la surface des étangs. alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec
Dans les sous–bois.
Aux grèves des lacs tranquilles.
Seul, sur les chemins de lots.
Derrière mes pas…

Ne nous froissons point surtout.
Les longs jours d’hiver suivront.
À nouveau…

Notice biographique

Âgé de 47 ans, Luc Lavoie vit à Roberval.  Il a suivi une formation en graphisme au Collège de Rivière-du-Loup.  Il est présentement courtier enchat qui louche maykan alain gagnon alimentation. Auteur autodidacte, il écrit pour le plaisir depuis quinze ans.  Il privilégie la nouvelle fantastique, d’anticipation ou de science-fiction.

Il aime voyager à travers l’espace des mots et traverser avec eux le temps.  Il explore la page blanche – cette toile vierge de l’immensité –  comme un cosmonaute aux commandes de son clavier numérique, et qui s’est lancé, de son propre chef,  dans l’infini littéraire.

Son rêve ?  Être un jour remarqué et publié. Il prépare, à cette fin, un recueil de nouvelles.  Il envoie également des textes à des magazines spécialisés.

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Sous la pluie, un texte de Luc Lavoie…

16 septembre 2016

Sous la pluie…

La pluie tombait. Drue. Les larmes d’un ciel triste et sombre s’abattaient sur les paysages. Un ciel peint d’unchat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, Québec interminable gris. Gris comme un Polonais. Un Polonais en costard assis au fond d’une ruelle. L’homme noyé. Une bouteille de vodka Wyborowa entre les doigts. Incapable d’affronter la tempête. Recroquevillé sur lui-même. Submergé par le chagrin…
Les milliards de gouttelettes s’éclataient en un fracas étourdissant sur les toitures et sur le bitume. De l’autre côté de la rue. C’était à la fin juillet. L’âge d’or de l’été. Où la saison donne du fruit. Les arbres aux feuillages fournis en pleuraient déjà. Tout allait si vite. Mes yeux suivaient la route sinueuse de l’eau au sol. Ruissellement, chargé d’alluvions humaines et de détritus naturels, qui emportait avec lui les pires saletés de la vie. Méandres menant vers des caniveaux obscurs. Dans de sombres endroits. Là d’où on ne revenait jamais. Là où les étoiles ne brillaient plus.
Je revoyais mes jours d’antan. Quelques éclairs de lumière qui s’étaient écoulés sans que j’accepte de les saisir. Sans que je tente de les retenir. Endigués par mes sanglots. À l’intérieur de la cage de mes malheurs passés. Puis les écluses formées par les fatalités de mon destin avaient fini par se rompre. Ces malchances, ces calamités, s’étaient déversées tel un torrent. Souvent dévastateur pour moi et pour ceux qui m’entouraient. Le sort en avait décidé pour moi. Pourtant, il n’en aurait tenu qu’à ma détermination pour en décider autrement. Mais peut-être était-ce écrit dans le ciel ? De toute façon, mon étoile en avait souvent appelé à ma sollicitude. À ma vigilance. Je le réalisais aujourd’hui avec une certaine amertume. Mais j’avais failli. J’avais abdiqué. Par lâcheté, sans doute. Je n’avais pas compris alors que ma destinée me tendait la main. Le temps d’un instant, pour que je la suive au moins un moment. Pour les minutes de ma pauvre existence. Du moins, jusqu’à la croisée des chemins. Mais j’avais eu peur. Cette satanée frousse de l’inconnu. Jusqu’au moment où je me serais libéré du corps lourd qui me sied si mal et que j’avais peine à soutenir. Hélas ! Je m’étais laissé emporter par le temps, charrié par son tumulte au lieu de demander l’aide nécessaire. Tout le long de ses rapides, de ses remous. Baigné par son courant, je m’étais laissé aller dans l’adversité. M’étais noyé. Par pure faiblesse. Jusqu’à ce que je ne devienne plus qu’un fragment. Qu’une infime particule arriviste, sédiment dissout dans les bas-fonds de l’infini océan.
L’averse avait cessé. La terre s’était saoulée. Nous, nous étions assez semblables à la fin du compte. Un silence paisible nous enveloppait, moi et les environs. Un soleil puissant s’était glissé entre les nuées. Bienfaiteur. Je n’avais pas encore rejoint le caniveau. Heureusement. Dans les rayons, mes doigts avaient laissé tomber le flacon de vodka qui roulait sur la surface du trottoir, à quelques pas de ma personne. Mon cœur battait à tout rompre dans ma tête et cette déchirure dans ma poitrine. J’avais réalisé mon erreur. J’étais prêt à la réparer. Mais en ces lieux-ci, il était trop tard. Je me sentais quitter ce monde de pair avec les vapeurs d’éther qui se dispersaient dans le lointain. Je retournais en cette chaleur enveloppante, plus léger, vers ce ciel si bleu.
Semblable à l’eau qui se répand pour ensuite retourner à son état premier. À la fin du voyage. À l’aube du recommencement.
Je reviendrai peut-être… pareil à la pluie. S’il le faut.

 Notice biographique

Âgé de 47 ans, Luc Lavoie vit à Roberval.  Il a suivi une formation en graphisme au Collège de Rivière-du-Loup.  Il est présentement courtier enchat qui louche maykan alain gagnon alimentation. Auteur autodidacte, il écrit pour le plaisir depuis quinze ans.  Il privilégie la nouvelle fantastique, d’anticipation ou de science-fiction.

Il aime voyager à travers l’espace des mots et traverser avec eux le temps.  Il explore la page blanche – cette toile vierge de l’immensité –  comme un cosmonaute aux commandes de son clavier numérique, et qui s’est lancé, de son propre chef,  dans l’infini littéraire.

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Variations pour une nuit, par Luc Lavoie…

11 juillet 2016

Opus 1

C’était une nuit.

Une nuit sans lune. Une nuit qui s’éternise. Un combat perdu d’avance. Une autre nuit qui se prostituait sous les regards des voyeurs.

Pour quelques malheureuses clopes…

Une sale nuit. Une nuit comme celles d’avant. Comme celles encore à venir…

À en finir…

Une lutte contre la promiscuité tragique des lieux. Intermittences ; transit entre les gouffres obscurs. Une vie qui s’amenuise. S’atrophie. Là où les étoiles se meurent. Petit à petit. Peu à peu. Emportée. Engloutie dans une redoutable torpeur.

À l’instant d’un dénouement cruel.

C’était une nuit sans nom. Une nuit troublée de l’écho des pas d’une marche funèbre. Loin de toute clarté. Quand le sommeil ne vient pas. Lorsque le triste sort a choisi. Que l’homme perd pied sur les escarpements d’une falaise.

Et que sa chute ne peut être alors… qu’inévitable.

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Opus 2

 

Nos rêves filent tels des cerfs-volants aux cieux et leurs teintes arc-en-ciel dessinent des mouvements dans l’aube du firmament. Ces oiseaux étranges et fragiles remontent dans les nuées et redescendent. Objets fugaces qui s’estompent parfois sur le bleu azur du ciel noyé de lumière.

Un fil ténu relie leurs ailes d’envergure à notre bras tendu, à notre regard brillant, et c’est lui qui ramène cet oiseau du paradis qui glisse et fend l’air. Pour ne pas qu’il chute. Pour ne pas qu’il s’écrase. La main et le regard en communion. Le rêve et l’oiseau en équilibre. La force et la fragilité dans l’instant.

Tout en mouvement.
Tout en contrôle.

La nuit.

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 Opus 3

 

La lune est massive et blême par cette nuit de novembre. C’est avec force et détermination qu’elle repousse encore les dernières nuées qui tentent de l’encercler. Un faible halo pénètre par la fenêtre de la cuisine inanimée. Dans ce silence froid, chaque goutte d’eau se gonfle. Se forme. Se sépare du tout. Tombe. Une à une. Pour se fracasser au fond de l’évier. Une perle qui, sur les traces de la suivante, minute après minute, marque un temps qui semble interminable au présent. Une seconde, une vie ; le chaos décomposé s’opère dans l’immense espace qui sépare la mobilité presque parfaite de l’insaisissable et qui, elle, s’oppose au mutisme de l’endroit ainsi qu’aux illusions fortuites de l’existence. Lorsque, au-delà de l’œil se soustrayant au vide, l’infini se révèle, le rythme de l’horloger est projeté dans les affres de l’ultérieur. Masse en mouvement lorsqu’elle fend l’air. Gravité exige. Ce plein vide. Cette sonorité, rythme sur la surface métallique, trouble la rigidité cadavérique d’une scène horrible. D’un événement insolite. D’un spectacle tragique. Gestes passés. Lointains.

Arrêt sur image.

Le couteau repose sur le parquet. Du sang écarlate en macule la lame au carbure. Une courbe liquide cramoisie entoure d’un côté le corps inerte. La plaie est au thorax. Apparente. Yeux vides. Membres tendus. Et ce regard absent plaqué au plafond dans une rigidité grave…

Une mouche bourdonne. Arrivée de nulle part elle exécute un ballet aérien compliqué au-dessus du visage d’une occulte finitude. Le diptère se pose sur le bout de son nez aquilin. Incline sa tête au regard composé. Par moment, l’insecte entre par une narine. Qui sait ce qu’il y mijote. Quel dessein odieux se trame encore par ici. Dans la pénombre. Après quelques minutes il en ressort. Il remonte ses pattes arrière et lisse ses ailes transparentes. Sa trompe sonde la peau froide dans une forêt de capillaires. Une autre fois, c’est par la bouche ouverte que l’intrus pénètre.

Le lustre du plafond se reflète dans la marre rubiconde qui glisse sur le carrelage en damier noir et blanc. La main féminine aux ongles manucurés y baigne. Elle tient entre ses doigts crispés une photographie. Celle d’un homme. L’image est éclaboussée de sang.

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Opus 4



Un Jack Daniels « on the rocks » sur le comptoir usé de ma vie.
Du midi arrosé aux goulots de mes nuits blues harmonicas étranglées
Les vapes dans ma tête et une taverne au fond d’un verre
Odeurs illicites
Fond de tonne
Quartier du désespoir
Entonnoir
Défonce
cale
De l’autre côté du mur hurle du dedans la douleur du bitume des nuits qui s’écoulent
Les pleurs engourdis sont fleuves lents
Des entrailles démembrées aux éclats de verre brisé dans la glace froide d’une soirée de décembre
Quand le feu brûle la gorge et noie le cœur
Qu’encore une lampée découpe les mots
Lame maudite entre les dents
Ressac
Aphrodite
Fer amer
Instrument pervers
Qui submerge la vie
L’aurore lève le coude et boit à l’eau-de-vie du moment d’osmose avec les brumes
Dans la noirceur le cri du vieux sorcier mohawk hante la langue ancestrale
Écho sur les masses liquides aux palais des mouvances inaudibles aux marées viscérales
Tremble
Du bout des doigts qu’un verre de trop ne tinte les glaciers sur la paroi miroir océane et que tout bascule

La coupe aux lèvres
Regard vitreux sombre aux abîmes dans une geste déséquilibrée aux étranges visions où chavire l’incertain
S’enfonce le lointain
La noirceur avale, la musique cavale et de ses déhanchements,  soubresauts sous les « spotlights » l’ivrogne trinque encore
Voir les corps qui se vrillent et oscillent
Ces femmes qui ondulent fluides sur le « stage » enfumé
Chambranle chancèle vacille
Jusqu’aux chiottes à minuit
Pisse détresse de dégoût aux égouts
Imbibé
Les vapeurs de cognac se libèrent du mal mené aux amygdales déchues
Macère dans ton jus tout le long des rivières en méandres
Rampe vers la claire lune des caniveaux
Couleuvre des forêts endormies et des marécages vaseux loin des villes sauvages
Au retour des mouvances éthyliques
Aux extases mystiques
Boit
Boit au sommeil de l’ivresse
À la kermesse de la veille
Ingurgite
alcoolique du biberon enfant de la boisson ton amour platonique ta bouteille
Cette bouche pâteuse qui dégueule les mots
Cette gueule farouche des héros à tête creuse
Boit
Boit à t’en tordre les boyaux
Branle encore au sommet des gratte-ciel et à l’aube de l’hécatombe meurs
Pleure l’alcool de ta jeunesse
Les déboires de ta vieillesse
ta vie frelatée
Ta fin fermentée
Avale ta tasse
Par les soirs qui passent
Pilier de bar s’écroule buveur éteint plein au bouchon
Le cœur brisé
Saoul
« Last call »
Le barman le videur la ruelle
Destination misère humaine et sacs-poubelle

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Luc Lavoie
© Tous droits réservés 2014

 

Notice biographique

Âgé de 47 ans, Luc Lavoie vit à Roberval.  Il a suivi une formation en graphisme au Collège de Rivière-du-Loup.  Il est présentement courtier enalain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec alimentation. Auteur autodidacte, il écrit pour le plaisir depuis quinze ans.  Il privilégie la nouvelle fantastique, d’anticipation ou de science-fiction.

Il aime voyager à travers l’espace des mots et traverser avec eux le temps.  Il explore la page blanche – cette toile vierge de l’immensité –  comme un cosmonaute aux commandes de son clavier numérique, et qui s’est lancé, de son propre chef,  dans l’infini littéraire.

Son rêve ?  Être un jour remarqué et publié. Il prépare, à cette fin, un recueil de nouvelles.  Il envoie également des textes à des magazines spécialisés.

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Innu aimun/ La parole de l’être humain, un texte de Luc Lavoie…

6 février 2016

Innu aimun/ La parole de l’être humain

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Sous le pied de l’Innu, il y a la Terre mère. Celle qui enfante. Celle qui nourrit. Celle qui donne. Qui guérit. Sous le couvert végétal, entre les sommets escarpés, il y a le monde qui murmure. Un lieu sacré au couvert forestier incrusté de sapins, de bouleaux, d’érables, de lichens ou d’herbes longues. Un sol veiné de rivières gorgées d’une eau vive qui s’engouffre dans des bassins aux contours souvent immenses. À l’intérieur de territoires morcelés, du Nitassinan jusqu’à la toundra du Nord. Sous le pied de l’Innu, il y a la vie qui foisonne. Il y a sa trace incrustée dans la mousse des tourbières.

Dans la main de l’Innu, il y a le Teuehikan. Le tambour qu’il frappe. L’instrument magique duquel il tire le pouvoir — les rêves. Il y a la lance habile qui perfore la ouananiche au fil de l’eau. Il y a le départ du feu qui s’attise entre les pierres. Le repas du soir. Dans la main de l’Innu, il y a celle du patriarche. Témoin et passeur des traditions orales, qui s’inscrivent dans la perpétuation du patrimoine ancestral. Pour la survivance de l’espèce.

Dans l’œil de l’Innu, il y a la brillance du Soleil. Il y a l’éclat de la Lune. Il y a les reflets miroirs sur les lacs tranquilles. Quand les animaux tout près s’y nourrissent. S’y abreuvent. S’y baignent. Il y a encore les étoiles dans le firmament et la profondeur de la nuit. Celle qui emplit l’œil de l’Innu de contes et de légendes.

Dans le souffle de l’Innu, il y a la tempête. Il y a l’orage. Il y a l’hiver rude et la survie dans les montagnes. Il y a Manitou qui chuchote à travers les branches le chemin à suivre. La piste qui s’enfonce dans la forêt boréale. La descente des rapides en canoë. Il y a la fumée purificatrice de l’homme médecine. Il y a la langue vivante. Il y a les pow-wow, grands rassemblements sur les rivages à l’aube où les vagues déferlent. Le long des lacs houleux. Aux sons des chants, aux rythmes des danses et des prières. Il y a le saumon qui remonte à travers le grondement et le tumulte des rivières surgies de gorges et de cavernes profondes. Sources d’eau fraîches qui coulent sauvages, à même les flancs des montagnes. Dans le souffle de l’Innu, il y a aussi le calme de l’existence.

Dans l’âme de l’Innu, il y a le craquement des branches de l’ours en fuite. Il y a la plainte lugubre du loup affamé à la pleine lune et le vol gracieux du faucon dans le ciel rouge de l’été. Il y a l’orignal à l’immense panache, qui, solitaire, fouille les marais en quête de sa pitance. Dans l’âme de l’Innu, il y a l’émerveillement dans le silence. L’amour de la vie au grand air, et bien plus encore.

Dans le sourire de l’Innu, il y a celui de l’enfant qui respecte l’ancêtre. Il y a la chasse, la trappe et la pêche. La cueillette des fruits sauvages. Il y a la guérison par les plantes. Les nuits brumeuses sous le tipi.
Il y a le respect de la nature. Il y a l’immensité. La pureté des territoires.

Dans le cœur de l’Innu, il y a le cercle des jours et des nuits, des saisons, de la vie, de la mort et celui de la course incessante des astres dans les cieux.
Il y avait, il y a et, il y aura…

Luc Lavoie
© Tous droits réservés, 2014

Notice biographique

Âgé de 47 ans, Luc Lavoie vit à Roberval.  Il a suivi une formation en graphisme au Collège de Rivière-du-Loup.  Il est présentement courtier enchat qui louche maykan alain gagnon alimentation. Auteur autodidacte, il écrit pour le plaisir depuis quinze ans.  Il privilégie la nouvelle fantastique, d’anticipation ou de science-fiction.

Il aime voyager à travers l’espace des mots et traverser avec eux le temps.  Il explore la page blanche – cette toile vierge de l’immensité –  comme un cosmonaute aux commandes de son clavier numérique, et qui s’est lancé, de son propre chef,  dans l’infini littéraire.

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Le siège, un poème en prose de Luc Lavoie…

1 février 2016

Le siège

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Ce texte en prose est inspiré d’une photographie de M. Steve Harrison.  Photographe et ami.

Asseyons-nous au grand damne du midi angélus

Le siège sied seul sur le sol

Fermons les yeux et baignons-nous de l’eau lumière sur les vastes océans prairies quand ceux-ci coulent et que la source aveuglant le jour de son éclair rejaillit sur les chemins destinés

Ces souffles qui se perdent dans les gerbes des blés sont telles les caresses chaudes du vent

Des bouquets de trilles à nos visages

Marchons du dedans au bien-être des éclats du repos où les fleurs parfois naissent de l’aride

Main dans la main réunis

Vers la plaine voile dans le lointain

Nos îles mortes illusions rejetées vers l’aube rescapée

Légers soyons pareils les feuilles filtrent les lueurs de la beauté aux grands arbres arches ployées au-dessus de nos pas

Ces longs bras comme le ressac ramènent les naufragés du ciel ici-bas

Aux dalles des passages d’espérance serpentent nos âmes frêles d’enfants innocents

Aux foulées décisives des grandes migrations aériennes du silence passager

Aux oiseaux glorieux des champs songeurs aux envols éclairés de fruits suaves et de ciel nu

Sentiers secrets empruntés en miroirs sur les flaques d’eau aux reflets de la geste des soleils en taches à vos pinceaux

Manet

Degas

Renoir

Cézanne

Monet

Nos sommeils lumineux des chemins prometteurs entre deux escales à la croisée des tableaux rêvés

Au départ des mouvements des bateaux qui portent à gué notre esprit qui s’égare encore un peu

Ailleurs

Là où l’envie à l’aventure enjambe le pont à l’autre rive

En vers… et contre tous

Débordants de visions dans la lumière nous renaîtrons à la traversée de la vie

Lorsque sied sur ce siège seul sur le sol nous entrouvrirons à nouveau les yeux

Conscients d’êtres libres enfin

Ou bien enchaînés à jamais

Luc Lavoie, Steve Harrison © Tout droits réservés 2014

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Âgé de 47 ans, Luc Lavoie vit à Roberval.  Il a suivi une formation en graphisme au Collège de Rivière-du-Loup.  Il est présentement courtier en alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec alimentation. Auteur autodidacte, il écrit pour le plaisir depuis quinze ans.  Il privilégie la nouvelle fantastique, d’anticipation ou de science-fiction.

Il aime voyager à travers l’espace des mots et traverser avec eux le temps.  Il explore la page blanche – cette toile vierge de l’immensité –  comme un cosmonaute aux commandes de son clavier numérique, et qui s’est lancé, de son propre chef,  dans l’infini littéraire.

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L’homme et l’hirondelle, un récit de Luc Lavoie…

17 octobre 2015

L’homme et l’hirondelle

 

Un filet de lumière m’éveille. Sa caresse réchauffe. Serait-ce l’été à ma fenêtre ? Oui. C’est bien lui. C’est son lointain visage qui me salue. Je lui souris, dans lachat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, Québec pénombre, par respect, mais au-dedans je me sens triste. Le vent dehors respire et apaise de son souffle. Il joue à cache-cache dans les feuillages qui frissonnent. Comme j’aimerais y prendre part… Je m’assois devant le battant ouvert. Le cœur lourd.

Mais j’ouvre grand les yeux. Je tends l’oreille. J’essaie encore une fois. Je veux y croire. Je n’ai pas oublié. Non. Je ne pourrai jamais oublier cela…

Dans l’obscurité j’écoute le chant du jaseur. Il s’enivre, heureux, de baies savoureuses tandis que la grasse marmotte aux aguets, à ses pieds, entourée de verdures, se dore sous ses rayons bienveillants. La campagne s’est fardée de mille couleurs. Elle s’est mise en mouvement. Elle est femme. Celles qui se vêtent, légères, par temps ensoleillé. Leurs magnifiques cheveux luisent et leurs corps voluptueux ondulent telles les herbes folles qui s’agitent au gré des regards des hommes qui les désirent, quand les beaux jours s’offrent en bouquets de lilas. Quand les fleurs sont femmes et que les femmes sont fleurs en retour. Lorsque les champs gorgés d’or donnent du fruit.

Alors je prends mon envol.

chat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, QuébecFrêle oiseau. Je déploie mon plumage sur l’air chargé d’humidité. J’interprète, de mes ailes pointues, un ballet aérien. En ce moment, je n’ai point plus de bonheur que l’hirondelle qui virevolte au-dessus des eaux bleutées. Une vrille, un piqué, et hop, j’y plonge un instant pour m’y rafraîchir. C’est la canicule… Aussitôt je reprends mon ascension. À gauche, j’y frôle le lys d’eau, ensuite le nénuphar, puis, à droite, un vieux chaland échoué, sa coque déchiquetée par les années qui passent et une cigale qui chante près des quenouilles. Elles font oui de leurs têtes émoussées, leurs faces au suroît, pour sans doute approuver l’allure de ma trajectoire un peu trop frivole. Mais je poursuis tout de même, sans oser me retourner, la libellule au vol agité et croise le vol rectiligne du faux-bourdon. J’entends le roulement des vagues tout le long des plages qui entourent le bassin aux reflets cristallins. Je me sens affranchie. Serein.

Mon cœur s’emballe. Ma raison chavire. Ma voix chante l’hymne à l’immensité et s’emplit de ce soleil radieux. Dans le midi, je célèbre la vie. Je reçois la lumière comme une bénédiction.

Une musique estivale m’emporte au gré de paysages verdoyants. Les grands espaces m’enseignent la liberté. Plus haut, toujours plus haut.

Plus loin…

Mais pour reprendre mon souffle, je dois me percher un instant sur un pieu de cèdre centenaire. Près d’un battant ouvert. Là, à l’intérieur, un homme hébété me regarde. Immobile dans le clair-obscur. Ses yeux remplis d’émotivité se noient dans l’eau. Mon gazouillis lui parle. Je tourne la tête, retrousse mes plumes de mon court bec, l’invite à sortir, pour voir la beauté du jour. Pourtant, une larme coule sur sa joue. L’homme assis dans l’ombre m’entretient un moment. Il ne sort jamais. Sa maladie l’en empêche, m’explique-t-il. Depuis, la force du jour lui brûle les yeux. Lui meurtrit la peau. Le condamne à vivre dans la noirceur. Malgré lui.

L’hirondelle incline la tête. Elle se sent abattue.

Mais l’homme dans la noirceur, dans un élan de lucidité, ferme les yeux et ouvre à nouveau son cœur. Il a donc réussi! C’est incroyable! Il laisse s’échapper une onde; chat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, Québecla force de son imaginaire dirigée vers le tendre oiseau. Alors, empreinte de mouvement, l’hirondelle bicolore déploie ses petites ailes pour reprendre l’air. Pour flotter légère dans les cieux. Le bonheur envahit l’homme à nouveau. L’hirondelle comprend alors mieux ce qu’il fait. Ce qu’il veut. À travers ses yeux, il désire voir. Il souhaite voyager grâce à sa fine enveloppe et sentir la clarté, puis la chaleur du jour sur son corps sans se blesser. Pour l’espace de cette saison, pour l’intervalle d’un été, pour le temps qu’il lui reste à vivre…

Le magnifique volatile se dit alors, fier de lui : « Je deviendrai sa substance, et lui  me prêtera son âme et nous vivrons tous les deux dans la lumière. »

Dorénavant, je sais que la vie de tous les êtres se veut semblable à un trop court été. Un trop bref instant dans le perpétuel cycle des saisons. Lorsque j’observe les énergies vives de la nature, couplées à celles de l’humanité, je m’aperçois qu’elles produisent de si grandes choses… Et il demeurera toujours en moi, les souvenirs impérissables de ces bouleversements profonds ; des moments d’une intense affection, d’une indicible beauté, d’un inconditionnel et réciproque amour.

Pareil à celui de l’hirondelle et de cet homme, qui ensemble, un beau jour d’été, se fondirent dans l’azur…

Luc Lavoie  © Tout droits réservés 2012

 

Notice biographique

Âgé de 47 ans, Luc Lavoie vit à Roberval.  Il a suivi une formation en graphisme au Collège de Rivière-du-Loup.  Il est présentement courtier en alimentation. chat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, QuébecAuteur autodidacte, il écrit pour le plaisir depuis quinze ans.  Il privilégie la nouvelle fantastique, d’anticipation ou de science-fiction.

Il aime voyager à travers l’espace des mots et traverser avec eux le temps.  Il explore la page blanche – cette toile vierge de l’immensité –  comme un cosmonaute aux commandes de son clavier numérique, et qui s’est lancé, de son propre chef,  dans l’infini littéraire.

Son rêve ?  Être un jour remarqué et publié. Il prépare, à cette fin, un recueil de nouvelles.  Il envoie également des textes à des magazines spécialisés.

 

 


Il y a des matins, un récit de Luc Lavoie…

1 avril 2015

Il y a des matins…

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 Il y a des matins comme ça.  Des matins d’où émergent ces aubes.  Ces heures si singulières.  Si uniques.  Matins trop marquants.  Rares de ces microsecondes qui passent dans le reflux du macrocosme, sans que nous ne puissions, immatures ou inconscients, les interceptées toutes.  Seuls, dressés, impénétrables, semblables aux récifs face aux ondulations océanes.  Barrières qui s’opposent aux mouvements de l’infiniment petit dans l’infiniment grand.  Quelque part, perdu dans les tréfonds de notre propre mer.  Étrange cosmos intérieur.

Pourtant, ce sont ces étincelles qui illuminent pour de courts instants les platitudes de l’existence.  Qui courbent le filament de la triste rectitude des hommes.  Lorsqu’elles voient le jour.  Un beau matin.  Quand la lumière se pointe.  Cette bonne vieille complice de toutes les saisons.  Compagne des heures les plus heureuses de nos vies.  Du temps d’un séjour.  D’une brève incursion ; fine lame en mode intervention chirurgicale au cœur de nos êtres.  Si nous y consentons un tant soit peu.

N’eût été sa présence, sa franche clarté, peut-être ne serais-je plus ici pour en parler.  Cela dit en toute modestie.  À ce jour, force est de constater mon incapacité à vivre dans l’ombre ou dans la noirceur.  L’obscurité est un abîme bien trop profond.

Tandis que les lueurs transpercent.  Puis apaisent.  Je les accueille au loin, timides.  Alors qu’elles obliquent à ma fenêtre.  Qu’elles lancent — pareilles à moi qui suis encore un peu endormie —, leurs faibles rayons dans la pièce.  Qu’elles bigarrent au-dehors les feuillages d’une panoplie de verts.  Qu’elles font resplendir les fleurs, habillent de cristal les eaux et réchauffent en mon corps et en mon âme… Ce sont elles qui, encore, dispersent avec douceur, de concert avec la brise, les brumes qui masquent l’horizon.  Elles, qui dissipent la rosée du matin qui s’attarde encore un moment, semblable aux tourterelles qui s’évaporent çà et là dans le lointain, légère comme l’air.  Dans un ciel bleuet.  De nuages guimauve.  Elles, composantes essentielles à la vie, elles sont là.  Au rendez-vous.  Voilà tout.  Nécessaires.

Sur ma table de cuisine, recouverte d’une nappe en damier, dansent les volutes d’une tasse de café noir.  Quelques rôties et tranches de fruits frais dans une assiette de porcelaine à motifs.  Mon fidèle bouquin à la couverture craquelée et aux coins de pages jaunies ; L’homme rapaillé de Gaston Miron gît là, en dessous du bouquet de lilas posé au centre de celle-ci.

Je hume les effluves de l’été.  Dans la tranquillité du moment.  Dans l’exaltation de l’attente.

Comme les teintes créées sont étourdissantes.  Tantôt aux boutons-d’or, en passant par l’asclépiade et bientôt des aubépines à l’épinette rouge, elles regorgent de vitalité.  Et que dire de leur chaleur. Flamboiements qui, rendent divine la robe sombre à épaulettes du carouge, réchauffent la grasse marmotte debout sur son monticule et provoquent peu à peu la naissance des paysages.  Cet éveil insoupçonné et le mien se marient déjà à l’autel de l’aurore.  J’ai tout à coup conscience d’une de mes pensées : « Que cette union soit un pacte.  Un saisissant réveil.  La main de ma promise pétillante.  L’espoir renouvelé de jours pleins de promesses.  De partages.  Où fusent les rires, où les cœurs battent la chamade. Où apparaissent à nouveau les moments magiques, les cris de joie d’une ribambelle d’enfants qui surpassent déjà en tout les nostalgies d’une existence trop vite effritée… »

Quelqu’un frappe à la porte.

Je sors de ma rêverie, me lève et vais ouvrir…

chat qui louche maykan alain gagnon francophonieQuel bonheur en ce crépuscule du début de juillet de le voir à nouveau. Après tout ce temps.  Son visage est enjoué.  Il resplendit.  Je lui souris.  Une larme que je ne peux contenir s’écoule sur la courbe de ma joue.  Cela fait longtemps.  Bien trop longtemps…  Je lui tends la main.  Je l’étreins de mes bras et l’invite à entrer.  À s’asseoir.  À prendre place dans la luminosité du matin.  Je lui sers un café.  Nous bavardons entre hommes.  Nous discutons de la journée.  C’est étrange.  J’inspire et je m’imprègne de toute cette harmonie.  De l’instant.  De lui dans les lueurs.  De mes souvenirs d’enfant.  Tel le peintre fou qui après s’être gavé du panorama, de sa geste impétueuse, immortalise sur la toile les moments fulgurants.  Ceux qui restent.  Ceux qui marquent.  Ces brillances, ces flammes aux coloris d’éternité, qui pour un court instant, — pareil à un baume bienfaiteur sur les aléas du temps qui s’enfuit, du poids de l’absence, — viendraient tout guérir.

Je le regarde encore un peu.  Je fige cette séquence en moi.  Avant que nous ne partions.  Ses yeux brillent d’un éclat particulier.  Pareils aux miens.  Il a vieilli.  Moi aussi.  Ma mère dit que je lui ressemble beaucoup.  Elle a raison.

Après tout, c’est mon père !

Nous allons à la pêche ensemble aujourd’hui.

© Luc Lavoie

 Notice biographique

Âgé de 47 ans, Luc Lavoie vit à Roberval.  Il a suivi une formation en graphisme au Collège de Rivière-du-Loup.  Il est présentement courtier enchat qui louche maykan alain gagnon alimentation. Auteur autodidacte, il écrit pour le plaisir depuis quinze ans.  Il privilégie la nouvelle fantastique, d’anticipation ou de science-fiction.

Il aime voyager à travers l’espace des mots et traverser avec eux le temps.  Il explore la page blanche – cette toile vierge de l’immensité –  comme un cosmonaute aux commandes de son clavier numérique, et qui s’est lancé, de son propre chef,  dans l’infini littéraire.

Son rêve ?  Être un jour remarqué et publié. Il prépare, à cette fin, un recueil de nouvelles.  Il envoie également des textes à des magazines spécialisés.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


Rétrospective : Un texte de Luc Lavoie…

31 décembre 2014

L’un des objectifs de ce blogue est de présenter des textes d’auteurs professionnels ou en devenir. (texte publié en juillet 2010)

 C’est avec plaisir que je vous présente celui de Luc Lavoie, un écrivain/écrivant qui possède  un style qui déjà s’affirme et interpelle.

Le gouffre du silencechat qui louche maykan alain gagnon francophonie

Si les mots n’existaient pas, nous serions rochers.

Des blocs monolithiques millénaires, faces impassibles et monotones tournées vers le ciel.

Nous aurions fait promesse de non ingérence. De non interférence.

Notre code de conduite serait l’implacable loi de l’omerta : un indéfectible silence mortifère…

Nous aurions bâillonné la voix de l’existence, museler son expression la plus subtile. Motus et bouche cousue. L’immobilisme de la propagation du verbe, l’anesthésie de la langue à l’état pur.

L’opacité étanche des choses…

Sans mot dire, nous resterions là, pétrifiés, figés, des hommes et des femmes au cœur de pierre. Des boucliers compacts, rigides, impénétrables. Imperméables.

Comme ces tonnes de roc reposant à flancs de montagnes, nous apprécierions bien trop l’absence, l’effacement, pour nous engager sur les chemins tortueux de la chat qui louche maykan alain gagnon francophoniecommunication. Préférerions-nous croupir emmurés, endigués sur quelque versant ombragé ? Ou surplomber des fjords majestueux, suspendus à  des corniches escarpées, aux abords  de précipices tranchants ?

Nous nous tairions surement, dans l’interdit d’un écho, massifs indomptables arrachés par le poids du silence, chutant d’une paroi abrupte au fond d’un canyon aux profondeurs  abyssales.

Muets comme des tombes, condamnés, glissants dans une vertigineuse descente.

Sans éloquence aucune, sans propos, il n’y aurait jamais nul débat, nulle négociation. Pas de tollé soulevé, ni d’acclamation par la foule.

Aucune clameur.

Pas une syllabe de trop, pas un mot de travers, l’abdication totale. Imperturbable. Oppressante.

Personne pour interrompre. Pour s’opposer.

Le calme plat.

Le silence radio…

Saurions-nous exister affublés d’un tel mutisme, d’une telle aphasie ?

Nous ne pourrions sans doute répondre à cette question, puisque pierres, nous demeurerions sans voix.

Que de tristes écueils s’engouffrant, privés d’un dernier cri, à jamais  prostrés pour l’éternité…

Notice biographique

Âgé de 46 ans, Luc Lavoie vit à Roberval.  Il a suivi une formation en graphisme au Collège de Rivière-du-Loup.  Il est présentement courtier en alimentation. Auteur autodidacte, il écrit pour le plaisir depuis quinze ans.  Il privilégie la nouvelle fantastique, d’anticipation ou de science-fiction.

Il aime voyager à travers l’espace des mots et traverser avec eux le temps.  Il explore la page blanche – cette toile vierge de l’immensité –  comme un cosmonaute aux commandes de son clavier numérique, et qui s’est lancé, de son propre chef,  dans l’infini littéraire.

Son rêve ?  Être un jour remarqué et publié. Il prépare, à cette fin, un recueil de nouvelles.  Il envoie également des textes à des magazines spécialisés.  Ce texte est sa première parution.


Un texte de Luc Lavoie…

22 septembre 2014

L’un des objectifs de ce blogue est de présenter des textes d’auteurs professionnels ou en devenir.  C’est avec plaisir que je vous présente celui de Luc Lavoie, un écrivain/écrivant qui possède  un style qui déjà s’affirme et interpelle.

 

Le gouffre du silencechat qui louche maykan maykan2 alain gagnon

Si les mots n’existaient pas, nous serions rochers.

Des blocs monolithiques millénaires, faces impassibles et monotones tournées vers le ciel.

Nous aurions fait promesse de non ingérence. De non interférence.

Notre code de conduite serait l’implacable loi de l’omerta : un indéfectible silence mortifère…

Nous aurions bâillonné la voix de l’existence, museler son expression la plus subtile. Motus et bouche cousue. L’immobilisme de la propagation du verbe, l’anesthésie de la langue à l’état pur.

L’opacité étanche des choses…

Sans mot dire, nous resterions là, pétrifiés, figés, des hommes et des femmes au cœur de pierre. Des boucliers compacts, rigides, impénétrables. Imperméables.

Comme ces tonnes de roc reposant à flancs de montagnes, nous apprécierions bien trop l’absence, l’effacement, pour nous engager sur les chemins tortueux de la communication. Préférerions-nous croupir emmurés, endigués sur quelque versant ombragé ? Ou surplomber des fjords majestueux, suspendus à  des corniches escarpées, aux abords  de précipices tranchants ?

Nous nous tairions surement, dans l’interdit d’un écho, massifs indomptables arrachés par le poids du silence, chutant d’une paroi abrupte au fond d’un canyon aux profondeurs  abyssales.

Muets comme des tombes, condamnés, glissants dans une vertigineuse descente.

Sans éloquence aucune, sans propos, il n’y aurait jamais nul débat, nulle négociation. Pas de tollé soulevé, ni d’acclamation par la foule.

Aucune clameur.

Pas une syllabe de trop, pas un mot de travers, l’abdication totale. Imperturbable. Oppressante.

Personne pour interrompre. Pour s’opposer.

Le calme plat.

Le silence radio…

Saurions-nous exister affublés d’un tel mutisme, d’une telle aphasie ?

Nous ne pourrions sans doute répondre à cette question, puisque pierres, nous demeurerions sans voix.

Que de tristes écueils s’engouffrant, privés d’un dernier cri, à jamais  prostrés pour l’éternité…

Notice biographique

Âgé de 46 ans, Luc Lavoie vit à Roberval.  Il a suivi une formation en graphisme au Collège de Rivière-du-Loup.  Il est présentement courtier en alimentation. Auteur autodidacte, il écrit pour le plaisir depuis quinze ans.  Il privilégie la nouvelle fantastique, d’anticipation ou de science-fiction.

Il aime voyager à travers l’espace des mots et traverser avec eux le temps.  Il explore la page blanche – cette toile vierge de l’immensité –  comme un cosmonaute aux commandes de son clavier numérique, et qui s’est lancé, de son propre chef,  dans l’infini littéraire.

Son rêve ?  Être un jour remarqué et publié. Il prépare, à cette fin, un recueil de nouvelles.  Il envoie également des textes à des magazines spécialisés.  Ce texte est sa première parution.


Un texte de Luc Lavoie…

29 juin 2014

L’un des objectifs de ce blogue est de présenter des textes d’auteurs professionnels ou en devenir.

C’est avec plaisir que je vous présente celui de Luc Lavoie, un écrivain/écrivant qui possède  un style qui déjà s’affirme et interpelle.

Le gouffre du silence

Si les mots n’existaient pas, nous serions rochers.

Des blocs monolithiques millénaires, faces impassibles et monotones tournées vers le ciel.

Nous aurions fait promesse de non ingérence. De non interférence.

Notre code de conduite serait l’implacable loi de l’omerta : un indéfectible silence mortifère…

Nous aurions bâillonné la voix de l’existence, museler son expression la plus subtile. Motus et bouche cousue. L’immobilisme de la propagation du verbe, l’anesthésie de la langue à l’état pur.

L’opacité étanche des choses…

Sans mot dire, nous resterions là, pétrifiés, figés, des hommes et des femmes au cœur de pierre. Des boucliers compacts, rigides, impénétrables. Imperméables.

Comme ces tonnes de roc reposant à flancs de montagnes, nous apprécierions bien trop l’absence, l’effacement, pour nous engager sur les chemins tortueux de la communication. Préférerions-nous croupir emmurés, endigués sur quelque versant ombragé ? Ou surplomber des fjords majestueux, suspendus à  des corniches escarpées, aux abords  de précipices tranchants ?

Nous nous tairions sûrement, dans l’interdit d’un écho, massifs indomptables arrachés par le poids du silence, chutant d’une paroi abrupte au fond d’un canyon aux profondeurs  abyssales.

Muets comme des tombes, condamnés, glissants dans une vertigineuse descente.

Sans éloquence aucune, sans propos, il n’y aurait jamais nul débat, nulle négociation. Pas de tollé soulevé, ni d’acclamation par la foule.

Aucune clameur.

Pas une syllabe de trop, pas un mot de travers, l’abdication totale. Imperturbable. Oppressante.

Personne pour interrompre. Pour s’opposer.

Le calme plat.

Le silence radio…

Saurions-nous exister affublés d’un tel mutisme, d’une telle aphasie ?

Nous ne pourrions sans doute répondre à cette question, puisque pierres, nous demeurerions sans voix.

Que de tristes écueils s’engouffrant, privés d’un dernier cri, à jamais  prostrés pour l’éternité…

Notice biographique

Âgé de 46 ans, Luc Lavoie vit à Roberval.  Il a suivi une formation en graphisme au Collège de Rivière-du-Loup.  Il est présentement courtier en alimentation. Auteur autodidacte, il écrit pour le plaisir depuis quinze ans.  Il privilégie la nouvelle fantastique, d’anticipation ou de science-fiction.

Il aime voyager à travers l’espace des mots et traverser avec eux le temps.  Il explore la page blanche – cette toile vierge de l’immensité –  comme un cosmonaute aux commandes de son clavier numérique, et qui s’est lancé, de son propre chef,  dans l’infini littéraire.

Son rêve ?  Être un jour remarqué et publié. Il prépare, à cette fin, un recueil de nouvelles.  Il envoie également des textes à des magazines spécialisés.  Ce texte est sa première parution.


Une prose poétique de Luc Lavoie…

13 mars 2014

Le grand voyage

Je sais… tout parait si étrange en ce lieu.  Si pénétrant à la fois.  Cela vous déconcerte ? Ne vous en faites pas.  Prenez le temps d’observer et de ressentir.  De vous immerger dans le panorama.  N’ayez crainte.  Ne résistez pas.  Laissez aller votre dernier souffle vers le grand extérieur…

Pour moi, les lumières, les ombres m’ont inoculé tant de verve.  Tant d’éclat à mon regard.  Je sais aujourd’hui que, depuis l’aube des origines, elles ont enfanté un nombre incalculable de contrées nouvelles.  Des régions que je n’imaginais même pas.  Que j’ai appris à connaître. Fresques d’éloquence.  Faune et flore enchevêtrées.  Pour vous, oui, vous qui venez tout juste d’arriver, ces vaporeux paysages s’illumineront bientôt d’intervalles délavés de safran.  Peu à peu embrassées.  Et à l’iris de nos yeux se noiera bientôt l’immensité…

Pareil à vous, j’aime les immensités.  Elles sont si subtiles.  Reposantes.  Illimitées.  Ne vous inquiétez pas.  Ce ne sont que de lents spasmes de vie à l’image des paisibles océans.  Qu’affluence d’agitations oisives.  Que voluptueux périples en allégories.  Aériennes sont ces infinitudes.  À peine perceptible dans les mouvances.  Peut-être, de l’éternité ce sont-elles déployées ?  Mais il n’y a pas d’évidence.  Non.  Aucune certitude hélas…  Vous vous en rendrez compte avec le temps qui passe.

Bulles d’éther éparses.  Orbes, suspendus au firmament.  Structures nées d’un autre temps, d’un autre espace, elles évoluent.  Elles s’évadent…  J’aime l’évasion.  Ne vous en déplaise.  Ou, plutôt, devrais-je dire, le déplacement.  La lente progression vers le grand extérieur.  Remonter avec eux les cours du temps.  Avec vous.  Un peu.  Pour le moment…  Isolés dans la transparence des courbures, dans la pureté du geste, à l’intérieur des surfaces lisses.  Calmes.  Nous saisirons l’instant.  Vous verrez.

En ces endroits, les griffes de l’irréel n’ont plus d’emprise.  Je l’ai constaté à force de lutter contre ma vraie nature.  Il n’y a plus aucune friction en ce monde.  Aucune lourdeur.  Tout tourne rondement, vous savez.  Tôt ou tard vous devrez l’accepter et faire acte d’abandon.  Si vous voulez atteindre le grand extérieur.  Mais nous verrons cela.  En temps et lieu.

À travers les quelques râles graves du vent ; les existences à la dérive, happées par les amplitudes de l’onde, vibrent.  Elles frappent en douceur.  Elles caressent à perpétuité.  Telles les saisons orageuses.  Leurs éclairs foudroyants.  Quand elles se meuvent au-dessus des dimensions.  Ainsi, notre présence en ces parages ne peut que s’amalgamer dans l’infinitude des esprits et des corps.  Je vous le dis encore : avec elles, sous un soleil de mai, nos voiles évanescents émigreront.  Vers de curieuses réalités.  Voyages supportés par la singularité des images qu’emportent nos regards ; elles fleuriront notre destin à tous et elles seront bientôt légions.  En nous…

Elles auront lancé le néant à nos yeux.  Nous aurons fait ressentir les secrets des commencements.  Nous émanerons d’elles.  Vous et moi.  Aromates venus des étoiles.

 Elles nous auront révélé leur présence en toute clarté.  Sans les voir, vous les aurez reconnues.  Je le sais… tout cela vous semblera sans doute un peu bouleversant au début, mais rassurez-vous, autant ce le fût pour moi, à mon arrivée…

Un soir sans lune, vous l’avez payé de votre sang.  Perdu, pareil à moi.  Dans la nuit, les évènements se sont précipités et vous vous êtes évanouie dans la torpeur…  C’est un peu mon histoire aussi.  Voyez-vous ?

Je ne sais trop si c’est celui qui décide de tout ; celui qui marche sur les univers, mais nous avons été emportés.  Je le crains.  Transportés.  Malgré nous.  Quelque part… autre part.

Et si par cette main — puisse-t-elle être toute-puissance ! —, rien ne subsiste en vain, c’est une volonté qui ne s’effritera jamais sur les crêtes des luminosités.  Inaltérable.  Incontournable dans son essence.  Si son parcours est un plan, son déplacement une étape, si son voyage est une odyssée qui ne se termine point en ce royaume, alors, je vous le dis — en tant que guide et sentinelle de ces domaines — : ne vous en faites surtout pas.  Nous en faisons tous partie.

Gardez confiance.

Nous n’y perdrons pas au change… vous verrez, c’est certain.

© Tous droits réservés
Luc Lavoie, 2012

Notice biographique

Âgé de 47 ans, Luc Lavoie vit à Roberval.  Il a suivi une formation en graphisme au Collège de Rivière-du-Loup.  Il est présentement courtier en alimentation. Auteur autodidacte, il écrit pour le plaisir depuis quinze ans.  Il privilégie la nouvelle fantastique, d’anticipation ou de science-fiction.

Il aime voyager à travers l’espace des mots et traverser avec eux le temps.  Il explore la page blanche – cette toile vierge de l’immensité –  comme un cosmonaute aux commandes de son clavier numérique, et qui s’est lancé, de son propre chef,  dans l’infini littéraire.

Son rêve ?  Être un jour remarqué et publié. Il prépare, à cette fin, un recueil de nouvelles.  Il envoie également des textes à des magazines spécialisés.

 (Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche : https://maykan2.wordpress.com/)


Rétro : La nuit, un texte de Luc Lavoie…

20 novembre 2013

La nuit

… Et le corbeau, immuable, est toujours installé, toujours installé sur le buste pâle de Pallas, juste au-dessus de la porte de ma chambre ; et ses yeux ont toute la semblance des yeux d’un démon qui rêve ; et la lumière de la lampe, en ruisselant sur lui, projette son ombre sur le plancher ; et mon âme, hors du cercle de cette ombre qui gît flottante sur le plancher, ne pourra plus s’élever, — jamais plus !

Le corbeau

Edgar Allan Poe
Traduction de Charles Baudelaire

La nuit avale le jour.

Les ombres se répandent dans les taillis. L’obscurité resserre ses griffes : le jour s’éteint. Une fois de plus, des confins de la noirceur, d’étranges créatures s’échappent…

La lune grimpe un ciel ténébreux. Un noir oiseau se déploie au-dessus des arbres morts que les fourmis ravagent avec entrain. Le nécrophage s’élève. En passant devant l’astre, de ses ailes légères, sur sa face, il dessine un sourire qui se veut lugubre. Un reflet disgracieux qui se noie sous la surface des marécages, le temps d’un bouillon venu profaner l’eau morte. De là, entonne la chorale morbide des crapauds.

La noirceur se meut. Elle rampe, saute et marche. Naturellement malsaine. Elle libère ses bêtes enragées. Lamentations et hurlements épars forment sa voix. Silhouette furtive, elle alimente la peur, tandis que son hypnotique regard fige la proie. Rapide et sournoise, elle donne la chasse. Dans ce monde sauvage et sans merci, elle se rue sur sa victime… pour tuer. Dans ses yeux de glace se reflètent la lente agonie, puis la mort.

Derrière les roseaux, sur une branche de merisier, la mante religieuse découpe la tête du mâle qui vient tout juste de l’engrosser. La pénombre impitoyable agrippe, étrangle et dévore. De ses mâchoires tranchantes, dans la lueur de ses yeux insensibles, s’écoule le sang des carcasses démembrées. La mort est reine en ce lieu. Assise sur son trône d’animosité. On n’échappe pas à l’assaut brutal des carnassiers.

La chouette, d’un chicot, cligne des yeux. Sur son axe, sa tête tourne sur deux-cent-soixante-dix degrés. Un polatouche s’élance dans la nuit. Son corps cerf-volant plane au faîte des grands arbres. Le rapace allonge ses ailes et le suit. Cette ombre au vol silencieux glisse et fend l’air. Il intercepte sa proie.   Le choc lui est fatal. Les serres effilées perforent sa chair molle. Sa vie lui échappe. Ses petits yeux noirs s’emplissent de vide et son frêle corps se relâche. Quelques coups de ses longues rémiges fouettent l’air, et l’augural volatile reprend de la hauteur. Il emporte sa pitance et bientôt disparaît aux abîmes. L’écho singulier de son hululement, ce cri insolite qui traverse les bûchers, est l’annonce incontestable qu’un festin sinistre aura lieu.

Des nuées lourdes roulent au ras des cimes. Le ciel menace. Même les étoiles se cachent derrière le rideau de cette mise en scène sinistre. Dans les montagnes d’épinettes et de savanes, les brumes s’étalent à nouveau. Elles s’entremêlent aventureuses. Sur les hauts plateaux ou sur les eaux de quelques lacs tranquilles, elles se risquent encore. Espiègles. Engeances fantomatiques ; errantes fumées issues de quelque royaume spectral oublié, elles sont devenues portes ouvertes sur d’autres univers ; des endroits clos où circulent péripéties et sagas d’époques évanouies. Elles osent même traverser de vieilles routes forestières, jadis achalandées ; passages devenus opaques à la lumière, même le jour, obstrués par les buissons d’aulnes et d’aubépines. Abandonnées des hommes. La nuit. Cédées aux revenants et aux esprits retors.

Sur ces voies difficiles d’accès, les mousses ont recouvert sols et constructions depuis longtemps. Elles s’y sont multipliées. Incrustées aux souches. Elles ont rongé les restes des campements qui les longent, témoins immobiles, ou presque, d’un passé depuis longtemps enseveli. Les brumes, elles, ont chuchoté et chuchoteront encore. Ad vitam aeternam. Elles rediront sans cesse ces mêmes phrases tout droit sorties des catacombes. Murmures et réverbérations sans consistance qui percent la toile nocturne, annonciatrice de terreur et d’épouvante. Ces embruns volubiles ont ramené aux yeux effrayés des rares perdus des légendes moribondes de colosses venus de lointains horizons. Géants trépassés de la terre ; héros aux mains équarries à la hache, aux bras veinés de la sève des grands conifères ; bûcherons massifs au sourire en dents de scie et à l’endurance de l’ours noir. Diables dévoreurs d’immenses forêts de sapins.

Ces malins brouillards leur ont chanté des ritournelles de chantiers forestiers animés, jonchés de troncs d’arbres qui se sont rompus et couchés avec fracas. Endroits habités de tous les mystères. D’énigmatiques images revenues du  lointain : on y aurait vu les loups de Satan, venus des tréfonds, enlever des hommes téméraires qui s’étaient égarés trop loin des camps. D’autres encore, libérés des profondeurs des eaux, entraînèrent en leurs royaumes des équilibristes aux jambes agiles ; flotteurs de pitounes ; de billes de bois en descente sur d’assourdissantes rivières. Revoir la disparition de grands maîtres-briseurs d’embâcles ; jongleurs engloutis sous de puissants remous. Draveurs emportés vers les gouffres de l’enfer. Régulateurs des flux, des routes liquides qui alimentaient jadis les bouches démoniaques, déchiqueteuses,  de ces machines aux mâchoires métalliques ; ogres affamés du règne infernal de la pâte et du papier…

Qu’une première lueur jaillisse enfin sur les agitations de l’eau trouble, que déjà un tout nouveau jour naisse… libéré des bras étouffants de Nyx.

Les chimères se seront tues. Après avoir parlé de vive voix, elles s’en seront retournées dans le précipice des âges. Visions ancestrales d’une ère  florissante, mais aujourd’hui vestiges d’une époque révolue.

Avec le temps et la végétation qui les ont englouties, seules les ombres auront subsisté dans les coins les plus reculés des pinèdes. Au fond des grottes obscures. Sous les eaux dormantes des étendues.

La lumière, encore une fois, aura dispersé les mythes. Fait fuir les fantômes des fables. Repoussé les esprits maléfiques.

Mais la nuit reviendra. Maligne. Pour sûr, elle n’a pas encore dit son dernier mot…

 

 Notice biographique

Âgé de 47 ans, Luc Lavoie vit à Roberval.  Il a suivi une formation en graphisme au Collège de Rivière-du-Loup.  Il est présentement courtier en alimentation. Auteur autodidacte, il écrit pour le plaisir depuis quinze ans.  Il privilégie la nouvelle fantastique, d’anticipation ou de science-fiction.

Il aime voyager à travers l’espace des mots et traverser avec eux le temps.  Il explore la page blanche – cette toile vierge de l’immensité –  comme un cosmonaute aux commandes de son clavier numérique, et qui s’est lancé, de son propre chef,  dans l’infini littéraire.

Son rêve ?  Être un jour remarqué et publié. Il prépare, à cette fin, un recueil de nouvelles.  Il envoie également des textes à des magazines spécialisés.

 


Une nouvelle fantastique de Luc Lavoie…

6 août 2013

Le petit roi

Je suis couché sur la paille fraîche.  Le souffle court.  Un brin d’herbe serré entre les dents.  Ma main crispée sur la poignée de ma fidèle épée.  Mon visage affiche sans doute un sourire bizarre.  Quelques gouttelettes coulent encore sur mon front.  De la sueur ou de la pluie ?

Difficile à dire…

Ouf !  Je l’ai échappé belle.  Tout tourne autour de moi.  Mais je n’ai plus peur.  Non !  Mon épée magique m’a sauvé.

La porte de l’entrée claque.  La force du monstre pousse contre elle.  Le seuil est quand même robuste ; il ne cèdera pas.  Comme mon père.  Un vrai rempart.  Une forteresse.  Normal, le charpentier du royaume, ça trime dur, toujours.  De plus, c’est lui qui l’avait réparée ce printemps lorsque je l’avais un peu esquintée en manœuvrant avec le tracteur.  Elle tient bon.  Elle empêche le souffle et le corps de la bête de pénétrer l’enceinte.  Mon château.  Mon domaine.  De s’introduire en ce lieu fortifié dont je suis pour l’instant le seul défenseur.  De tout mettre sens dessus dessous.  De m’attraper.

En haut, dans l’ombre, les poutrelles d’épinettes, qui forment les arêtes du plafond ouvert, m’invitent, par le montant central, à l’escalade.  Une autre aventure vers les confins du passé.

C’est moi, Richard Cœur de Lion.  Je suis le héros victorieux des grandes Croisades.  Je me déplace au rythme des craquements sournois, sur les planches embouvetées.  J’explore des endroits nouveaux à la découverte d’objets de légende.  De reliques recouvertes de la poussière d’un temps révolu.  D’envahisseurs, de conquérants.  Halte-là ! crierais-je à l’ennemi qui me tendrait une embuscade, me barrerait la route.  Ces bandits de grand chemin n’auraient qu’à bien se tenir.  Sinon, ils goûteraient à la lame de mon épée légendaire.

Sur la pointe des pieds, je me vois franchir les pièces garnies de toiles d’araignées.  À la recherche de squelettes ou de fantômes.  Le cœur battant, je traverse dans la pénombre le grenier recouvert de bran de scie, à l’affut du moindre bruit suspect.  Je m’assois près des nids de pigeons dans les lucarnes et je touche les œufs encore chauds des premières couvaisons.  Tels les régents ou les princes, il me faut regarder le monde de haut.  À l’abri dans ma tourelle.  Mes quartiers.

Me voici donc, roi des rois des contreforts.  Fier représentant de l’ordre des Templiers, monarque incontesté qui surplombe ses territoires bordés d’eaux bleutées et de forêts magiques.  Je règne sur les esplanades de mon domaine.  Une vieille chaise berçante brisée me sert de trône.  Une couverture rouge que maman m’a donnée me revêt comme une cape.  Une gamelle en acier inoxydable épouse la courbe de ma petite tête et me sert de couronne.  Enfin, dans son fourreau, à la taille, ma fidèle épée, sculptée dans l’odoriférant bois d’érable.

Je ne suis pas un roi de pacotille, moi !

Toute ma richesse est cachée ici, dans un antique coffret dissimulé sous un amoncellement de vieilleries.  J’ouvre le boitier avec précaution.  Mes yeux de gamin brillent.  Fasciné, j’en sors, une à une, pour les observer, les pièces qui constituent mon trésor.  À commencer par une longue plume d’une aile d’aigle – si lisse qu’elle me chatouille si je la passe sous mon nez.  Je m’en sers pour écrire des messages que j’attache aux pattes de mes pigeons voyageurs.  Un jour, mes preux chevaliers qui chevauchent encore leur monture dans le lointain, les recevront et reviendront au galop vers leur souverain.  Ce sont de fiers et valeureux combattants.  De loyaux serviteurs du roi.

Il y a aussi un pot de confiture au couvercle troué.  À l’intérieur attendent trois magnifiques papillons aux ailes safranées.  Ce sont des fées.  J’en suis certain.  Les fées exaucent les vœux.  Je les laisserai partir tout à l’heure, lorsque j’aurai fait fuir le Dragon.  J’obtiendrai alors mes trois souhaits.  C’est vrai !  Je l’ai lu dans mes livres de contes.

Pour finir, une magnifique bague en or.  Le joyau des joyaux du roi.  Celui qui la possède et la porte à son doigt peut brandir l’épée qui terrasse les dragons en furie et devient immortel…
J’aime à me rendre dans le fenil par les solives du toit.  Voir les particules légères danser dans les stries de lumière.  Je me sens alors invincible.  J’empoigne mon épée et je combats, moi aussi, pour la liberté.  Enfin ! je m’écris d’une voix provocatrice, voici un adversaire digne de mon rang.

L’orage menaçait.  La pénombre au grenier était inhabituelle.  J’avançai vers l’ennemi, épée pointée en sa direction, et le sommai de s’immobiliser : Prépare-toi à périr pour avoir osé pénétrer ce lieu interdit, infâme Chevalier noir, gardien et protecteur du Dragon !

N’écoutant que mon courage, je m’élançai vers le sac de paille suspendu au bâti central et, en un mouvement de ma lame sacrée, lui transperçai le cœur.  Un puissant éclair zigzagua alors le long du pilier central, dans lequel s’était fichée mon arme.  Je me sentis secoué, transpercé de toute part.  Le coup de tonnerre qui suivit fut terrifiant.  Il était déjà trop tard.

Je m’en souviens maintenant : les parfums de l’été se dissipent ; celui de la saison des fourrages avec eux ; l’odeur des balles cordées les unes sur les autres dans le grenier, entassées comme des briques qu’on empile en des murs qu’on gravit.  L’effluve particulier, mélangé à celui du bois sec, excite mes narines qui inspirent l’air encore chaud.  Tout ça me rappelle un peu l’odeur des galettes qui sortent du fourneau de ma mère.  Cela me donne faim.

Ma tignasse de mouton noir recouverte de brindilles et de feuilles séchées ressemble à un voyage de foin, dirait grand-père, s’il me voyait ainsi affublé.  Les yeux fixes, corps inerte, je songe.  J’ai trop chaud et je me sens las.  Si fatigué…  Mon cœur bat irrégulièrement.  Les bruits de milliers de clous qui heurtent la toiture de métal, juste au-dessus de moi, confinent mes sens à un isolement quasi total.  Comme si je m’éloignais d’ici.  Passager d’une bulle de rêve…

Le monstre gronde encore au-dehors.  Il se fâche.  Il en a toujours après moi.  Je le sens.  Dans sa colère, furieux de ne pas m’avoir attrapé, il libère bourrasques, pluie et même grêlons.  Il s’acharne.  J’imagine ses sourcils froncés, sa face sombre et sa bouche en cul-de-poule.  Il souffle.  Souffle…  Il déchaîne sa puissance contre le bâtiment, contre les éléments.  Dans les prés et les champs, où paissent nonchalantes les vaches, où poussent les récoltes de mon père, les jeunes plants se rient de lui et boivent.  La terre se gave.  Elle festoie.  Se désaltère.  Se saoule.

Je ne m’inquiète plus.  Je me sens si léger.  Libéré.  Un fin rayon de lumière chargé de la poussière de l’endroit vient toucher ma joue noircie.  La foudre s’est éloignée.  Les grondements de la bête avec elle.  Pour poursuivre d’autres enfants… d’autres petits rois.  Garnements téméraires en armures en d’autres contrées.

Gna, gna, gna, gna, gnaaaaa ! 

La porte de la grange est tombée avec fracas.  Le soleil est revenu.  Plus vif que jamais.  Il m’apaise.  Me réconforte.  M’aveugle aussi.  Je voudrais fermer les yeux, mais je ne le peux pas.  Poser ma main sur mon visage.  Me lever, j’en suis incapable.  Mes membres demeurent inflexibles.

Je vois papa, sa silhouette découpée dans l’éclat du jour ; il s’élance en de grandes enjambées vers moi.  Il crie mon nom.  Il m’étreint de ses bras musclés.  La voix submergée d’émotion, l’air désespéré, il me parle du fil qui descendait le long du bâti central :

— Richard !  Reviens !  Je t’avais prévenu…  Le paratonnerre installé au  faîte de la toiture…  Le fil…  Papa déglutit.  La vue du corps noirci de son enfant lui brise le cœur.

— Tu l’as vue, toi aussi, la flamme du Dragon, hein, Papa ?  Je l’ai vaincu par l’épée, n’est-ce pas ?  Il est parti maintenant ! lui avais-je répondu, en gosse de douze ans que j’étais.

— Oui, mon garçon.  Tu es… un digne et courageux chevalier.

 Une larme avait coulé sur la joue de mon père.  C’était la première fois que je le voyais pleurer.  La lumière s’était mise à danser dans mes yeux.  Jamais auparavant elle ne m’avait fait cet effet.  J’étais bien.  Blotti contre son cœur.

Je ne revis jamais mon père ni la vieille grange ; ni mon château fort…  Seulement grand-papa, superbe sur sa monture, qui portait l’armure étincelante et la robe blanche traversée de la Sainte-Croix rouge, celle des chevaliers des Croisades.  Il me tendait sa main gantée dans la lumière vive, et moi, je lui présentais la mienne, qui montrait la magnifique bague qu’il m’avait offerte quelque temps avant de partir au loin.

Grand-père me souleva sur son cheval blanc et me dit avec tendresse ces quelques mots : Viens, Richard, j’ai reçu ton message par-delà les campagnes.  Sache que ton cœur s’est revêtu de pureté.  De la pureté des valeureux chevaliers.  Il est temps de partir.  Les grandes Croisades nous attendent.  Puis il ajouta : Le mort et le prisonnier n’ont plus ni ami ni parent en ce monde. 

Je sautai derrière mon grand-père sur l’étalon et m’agrippai à lui.  Nous galopions et je me demandais : Qui donc, un beau jour, a bien pu prononcer cette phrase ?

 Notice biographique

Âgé de 47 ans, Luc Lavoie vit à Roberval.  Il a suivi une formation en graphisme au Collège de Rivière-photo-luc-ecrivain-1du-Loup.  Il est présentement courtier en alimentation. Auteur autodidacte, il écrit pour le plaisir depuis quinze ans.  Il privilégie la nouvelle fantastique, d’anticipation ou de science-fiction.

Il aime voyager à travers l’espace des mots et traverser avec eux le temps.  Il explore la page blanche – cette toile vierge de l’immensité –  comme un cosmonaute aux commandes de son clavier numérique, et qui s’est lancé, de son propre chef,  dans l’infini littéraire.

Son rêve ?  Être un jour remarqué et publié. Il prépare, à cette fin, un recueil de nouvelles.  Il envoie également des textes à des magazines spécialisés.

 (Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche : https://maykan2.wordpress.com/)

 

 


 


Rétrospective : Un texte en prose poétique de Luc Lavoie…

5 mars 2013

Un instant, une éternité

« Voir l’univers dans un grain de sable et un paradis dans une fleur sauvage,

tenir l’infini dans la paume de la main et l’éternité dans une heure… »

William Blake

J’avance, libre. Évadé de corps. Tendu à un fin fil de verre, je vais vers d’invisibles vastitudes.

En équilibre, je dépasse mon entendement. Chrysalide, j’attends. Je ressens la profondeur des âges. Le continuum infini déployé. Un monde inconnu ou, du moins, oublié — si je puis m’exprimer ainsi —, n’ayant plus rien à voir avec notre lourd état  terrestre.

Et c’est dans la transmutation qui me semble une évidence, une épreuve certes, mais une étape nécessaire à l’obtention du sauf-conduit permettant l’ouverture des portes du déficit de l’espace-temps, que dans l’abandon je m’abreuve. Embryon, je me nourris. Que paisiblement, je me délecte.

Il n’existe aucun orage ici. Même pas la foudre. Les nuées y sont si volatiles… Je regarde mon passé, mon présent et mon avenir.  Ils sont si impérissables ici. Pourtant, frappé de plein fouet par un éveil fulgurant, je crois vivre le summum du nirvana. Être dimorphe j’étais, libéré de mon tégument, dorénavant je suis. Je me sens un surfer au corps électrique. Réservoir et catalyseur à la fois. Drainant une énergie latente. Une force vive surmultipliée.

En équilibre sur une vague magnétique, à l’intérieur d’un moment figé dans l’éternité, je me vois déjà franchir l’ultime espace interdimensionnel. Entreprendre un lancement rigoureusement calculé. Emprunter une trajectoire mue par une étrange force oscillatoire. En direction du ventre sidéral.

Je souris. Je serai flux photonique ou âme-nef, et serai bientôt dispersé, poussières cosmiques, en une dérive infinie. Je dois me rendre à l’évidence : mon cap est tout désigné. L’univers est mon ultime destination.

En attendant l’éclosion du calice dans l’abdication, dilaté et condensé à la fois, j’entre. Je suis pulsation. Je franchis le portail de l’Éden… Fébrile.

Au bord du gouffre, mon souffle siffle, s’ébouriffe et s’étrangle. J’effleure à tâtons sa surface comme les floraisons aux lueurs. Reflets et ombres s’embrasent. Paradis et géhenne s’unissent comme un trop-plein turgescent qui se vide sans crier gare, anthèse qui s’égare lucide en son sein. Beauté excitée… Éperdue.

Qu’étonnement. Que quintessence. Qu’obnubilation…

Partout gît, en ce lieu extraordinaire,  l’état fondamental où se débattent mes ailes. Mais elle, elle n’est plus là…

Dans l’œil en tourment d’une étoile effondrée, j’ose. J’implose…

Quoi que fût ma vie d’avant, je me délie à nouveau. M’étale. M’expose, pétales palpitants.

Désormais, rythmes délirants et calmes, exhalations chaotiques et tourbillons étourdissants me meuvent. Soufflé par les vibrations de l’onde ; mugissement de matière moléculaire irradiante qui métamorphose lumière et ténèbres dans un ordre établi, ce chaos insaisissable s’amalgame en une aveuglante inflorescence.  Une énergie pure. Un maelstrom indescriptible qui me lie et m’incorpore.

Là où questions et réponses égalent solutions, où emportement et maîtrise se côtoient, où organisation et bouleversement vont de pair, je peux tout, je ne résiste pas, je me dissous. Là où l’amour et la haine s’accompagnent. Où bonheurs et tourments s’entremêlent. À la fois vie et mort, mes pas tournent les talons, rebroussent chemin. Je vis enfin la fin et le commencement. J’observe, sidéré, le cycle de la naissance du chérubin, dans l’agonie du vieillard…

N’était, naître, ne sera.

Être seuls ; ensemble, associés et dissociés dans l’azur subtil. Immobiles en mouvement. Opaques et transparents…

Ceinturé d’une vacuité sans fond, je surnage en toute conscience dans le gris issu du noir et du blanc. Partout et nulle part à la fois, dans le hasard du désarroi qui s’en fout, je me laisse couler sur la rivière, hors du temps, jeté aux bras dénudés du néant. Décharné. Poudre, toutes particules à la fois… Éther de l’errance…

Telle la piqûre de l’aiguillon. Une blessure apparente sur la peau lisse. Lorsque le sang écarlate s’écoule goutte à goutte. Comme l’amalgame d’infinis instants qui passent et que l’illusion de la vie s’efface peu à peu, je suis la déroute qui ne tarde de me guider. L’enracinement qui s’évertue à m’échapper. C’est une étrange sensation d’effervescence  que l’essaim des âmes saoules qui se fond au cœur de l’essence première. La ruche. Cristaux rassemblés pour entendre le déroutant concert de la symphonie en continu du silence.

Être autre. Être l’autre…

Faire partie d’une existence démesurée. D’un état latent incalculable.

Être l’ascension vertigineuse sans sommet. L’aboutissement d’un long naufrage sans rivages. D’où je sais, je ne vais ni vers ni l’amont ni vers l’aval. J’avale sans valeur équivoque. J’assemble, je me disloque. Je suis l’énergie de l’astral.

Formant l’étendue ;  lacs et océans sans frontières, à la limite de l’insensé limpide, immergé je me tords. Affamé je me dévore. Mutité, moiteur et miroitements. Dans l’immensité colossale,  je plane comme l’aigle qui ni ne naît, ni ne meurt. Je suis un enfant sans visage, sans rires ni pleurs. Je vis l’insensé, propulsé à vitesse lumière.

Rien…

Je ne suis plus rien. Rien que le début, que l’apogée. Qu’une infinie masse sans reliefs, sans ossature. Que l’éternelle défection. L’impalpable, l’insoluble.

Et pourtant, je suis tout…

Oui, tout.

Multitudes messagères, omniprésence d’un instant sans sens. Qu’un nain géant sis à l’intérieur d’un minuscule atome, plus grand qu’un univers entier.

Que d’étincelles de vies, peuplant ces royaumes extraordinaires formés d’illimitées textures. Mondes énergétiques enveloppés de brumes vaporeuses et de forteresses

Cosmos par Pantoja

aux étranges structures. Que de victoires remportées sans aucun combat, ici, et là-bas ! La marque indélébile des émanations déployées en arabesques dans la nullité de la raison.

Mais encore, comme la brûlure tiède de la glace mêlée au feu, telle l’amnistie entre le bourreau et le condamné, je me poste, éclaireur, aux origines.

Phare.

Je suis le veilleur intemporel ouvrant les portes des non-lieux. La sentinelle habitant ces espaces troublants et intangibles. Que me répandre, sans crainte, sans attente. Je suis enfin souffle interminable. Celui qui affranchit de tout. Libérant ces pollens ; ces poussières d’étoiles, ces milliards de vaisseaux coques naviguant au gré des saisons de l’idéal sous mille soleils. Pour que l’éternelle évolution de l’existence se poursuive…

Voilà que je rejoins la surpuissance en contrôle. Une force invisible, invincible, relie mon imparfaite vision aux scintillements cristallins, voire prismatiques, à la gamme d’émotions totales qui émane des tréfonds du soi subjectif universel.

S’il est un fait que je ne peux qu’accepter dorénavant en dérivant, paisible, à travers ces paysages divins, c’est celui-ci :

L’homme n’est pas homme, mais il est Dieu par essence. De même, Dieu n’est pas Dieu, mais il est homme par l’expérience.

Il ne me reste qu’à m’évanouir, me fondre et mourir à nouveau. Comme l’eau claire de la montagne se déverse dans l’océan, accéder à cet état du voyageur de lumière absolue, à cette condition du promeneur des infinis immatériels. Une étincelle minuscule, soit, mais indispensable pigment, colorant de son indicible brillance, l’œuvre encore fragmentée de la création, contribuant ainsi à l’effervescence harmonieuse de tout ce qui a été créé, est, et sera…

À tout jamais…

Luc Lavoie

© Tous droits réservés 2011

L’un des objectifs de ce blogue est de présenter des textes d’auteurs professionnels ou en devenir.  C’est avec plaisir que je vous présente celui de Luc Lavoie, un écrivain/écrivant qui possède  un style qui déjà s’affirme et interpelle.