Ceux qui disent « ça se voit comme un nez au milieu de la figure »…, Myriam Ould-Hamouda

13 décembre 2016

Ceux qui disent « ça se voit comme… »

 alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec

 

Ceux qui disent « ça se voit comme un nez au milieu de la figure » n’ont certainement jamais senti les deux yeux tapis juste au-dessus. Il y a ceux dont le pif porte les cicatrices de leurs luttes acharnées, et celles qui savent camoufler avec un peu d’adresse et beaucoup de fond de teint les imperfections qu’une lignée de tarins leur a laissées en héritage. Il y a ceux dont le pif s’atrophie sous les boursouflures que leur soûlographie a laissées sur leur face, comme ils pensaient y éviter les combats de la vie ses coups ses bleus, ses cicatrices, mais n’y sont jamais parvenus ; et celles qui n’ont plus que leurs yeux pour pleurer les dégâts de leur rhinoplastie ratée, comme elles engendreront quand même d’autres petits nez auxquels elles laisseront le soin de porter, un peu mieux qu’elles ces difformités qu’elles n’ont jamais su trouver belles.

Il y a des nez en patate à force de s’écraser contre les portes, d’autres dans lesquels aucun air ne passe plus parce qu’on les a trop pincés. Il y a des nez qui s’allongent à chaque fois que la bouche dessous s’ouvre ; et d’autres qui se retroussent quand le visage qui les porte rit fort ; comme il s’en moque en fait, de son nez, de ce qui pend au bout ou de si, parfois, il ne sait pas voir plus loin ; comme il s’en moque aussi de ceux qui le distinguent, son nez, au milieu de sa figure, mais s’en accommodent si bien qu’ils ne prennent jamais la peine de découvrir toutes les merveilles d’un regard qui a la pudeur de ne pas s’étaler au milieu de la figure.

Mais mon nez qui ne fait rien qu’à se vautrer, j’ai beau l’écraser à longueur de journée sous une paire de lunettes parce que mes yeux sont aussi de gros paresseux : les nez au milieu des figures, je ne les vois jamais. Comme je ne sais pas voir non plus, et ça m’attriste bien plus, ce que tes yeux sont jolis. J’ignore les dimensions les couleurs et les sinuosités du nez parfait ; mais je sais bien que le mien n’a rien du pif idéal : il n’est pas en trompette n’est ni fin ni élégant, il n’a même pas le flair pour essayer de compenser un peu. Et si je louche parfois dessus, en fait je me moque bien de ses difformités et de cette manie qu’il a de les exagérer en s’empourprant quand il a froid, quand il a peur ou quand la moutarde lui monte dedans. J’ignore ce qu’un nez peut être lourd à porter, et, si j’ai souvent la tête qui penche en avant, ce n’est pas la pesanteur qui le force à pointer en direction de mes pieds : c’est que ton regard me fait bien plus d’effet que mille nez refaits ; et que la pudeur ne sait plus comment cacher derrière mes yeux et leurs verres inutiles tout ce que tu les as troublés. Mais que ni mon nez, ni mes yeux, ni ma bouche ne te l’avoueront jamais, qu’ils se planqueront encore et encore sous ces foulards si grands que personne n’a jamais su combien de tours il fallait pour que je m’y enroule, s’il y avait vraiment un cou dessous et si je respirais encore. C’est atroce, tu sais, comme on ne se refait pas et que même les meilleurs chirurgiens du monde n’y pourront jamais rien.

Notice biographique

Chat Qui Louche maykan alain gagnon francophonieMyriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


À farfouiller dans les bottes de foin…, un texte de Myriam Ould-Hamouda

29 novembre 2016

À farfouiller… alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec

À farfouiller dans les bottes de foin par crainte qu’une aiguille ne s’y soit faufilée, nous avons oublié comme c’était rigolo de les défaire et de nous rouler dedans. Nous n’avions pas encore atteint l’âge de raison, et pas l’envie non plus de nous mettre sur la pointe des pieds pour le chercher, même si nous savions être de véritables cascadeurs quand il s’agissait de dénicher les tablettes de chocolat planquées toujours au même endroit : sur la dernière étagère du placard de l’entrée. Nous nous disions parfois que les adultes manquaient cruellement d’imagination, et puis nous éclations de rire et retournions vite construire un monde à notre démesure sans jamais nous coller sous les pattes assez de leur fatigue pour avoir envie d’aller nous coucher. Nous adorions grimper sur les bottes de foin même si ça faisait râler le voisin, mais nous nous en moquions bien, comme des aiguilles dedans, comme des trous dans nos pantalons et des accrocs du destin ; nous n’avions pas le goût pour la couture et nous n’écoutions jamais mémère qui s’échinait à nous apprendre à les raccommoder. Nous n’écoutions pas non plus le monde qui pensait nos épaules trop frêles pour porter tout le poids que la vie nous flanquait déjà dessus : nous étions des superhéros et le chocolat chaud et la brioche du goûter suffisaient à combler nos petits creux et à nous donner toujours assez d’énergie pour repartir à l’aventure.

Les adultes trouvaient la vie bien cruelle avec nous, quand c’était eux encore une fois qui manquaient atrocement de poésie quand ils ne saisissaient jamais tout ce qu’il y avait de beau dans nos yeux qui se perdaient parfois dans les nuages pour y chercher celui qui y était soudain parti en voyage. Ils scrutaient nos silences, armés de leur pince à épiler, pour y enlever les morceaux de terreur que nous étions trop occupés pour distinguer : toi tu jouais avec le chat dans le jardin, moi je faisais de la place dans la grange de pépère pour qu’il puisse y mettre un éléphant.

Le temps a filé entre nos doigts de mômes, nous avons grandi et voilà que c’est nous les adultes depuis ce matin. Et si tu savais comme je t’envie de derrière les carreaux sales de la cuisine, à te regarder jouer avec le chat dans le jardin, comme j’ai bien trop peur qu’il ne sorte les griffes pour te rejoindre et jouer avec vous ; mais comme je sais bien aussi que dans la grange même bien rangée il n’y aura jamais assez d’espace pour qu’aucun éléphanteau ne s’y sente jamais bien. C’est fou, tu ne sais pas, comme les morceaux de terreur qu’on ne voyait pas font de bruit dans la solitude. Et pendant que je farfouille dans les bottes de foin par crainte qu’une aiguille ne s’y soit faufilée, toi, tu n’as pas oublié comme c’était rigolo de les défaire ; et comme tu t’éclates à te rouler dedans, moi, je souris encore un peu.

Notice biographique

Chat Qui Louche maykan alain gagnon francophonieMyriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.

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À quoi bon se coller deux cratères sous les yeux…, un texte de Myriam Ould-Hamouda

15 novembre 2016

À quoi bon se coller deux cratères sous les yeux… alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec

À quoi bon se coller deux cratères sous les yeux pour rendre à l’heure un mémoire, alors que les trois clampins, qui prendront la peine de jeter un œil dessus, se contenteront de l’introduction et de la conclusion pour s’en faire une idée ? L’intro, ça fait un bail qu’elle est faite, et même si elle n’est pas aussi jolie qu’on l’aurait voulue, qu’il reste deux-trois fautes d’orthographe dedans, les chirurgiens ont beau agiter leur bistouri, les relecteurs leur stylo rouge et leur tipp-ex, personne ne pourra plus la changer.

L’intro, on l’a rangée au fond d’un tiroir qu’on ne rouvre que certains soirs, histoire de chialer un bon coup et ne pas avoir à se relever toute la nuit pour pisser notre trop-plein de larmes, ou le dimanche après-midi, en famille, pour nous donner de quoi rire autour d’un chocolat chaud, d’une tranche de ramen et de miettes de « tu te souviens ? ». Tu te souviens, de tous ces jeux débiles qui n’avaient pas de sens mais qu’on prenait notre pied à inventer ensemble ? Tu te souviens, de toutes ces histoires absurdes qu’on se racontait et auxquelles on croyait dur comme fer ? Tu te souviens comme on se foutait bien d’être cohérents et comme ça faisait marrer les grands ? Comme on n’avait pas besoin de tartiner de crème miracle sous nos mirettes, qu’elles brillaient encore assez pour ne jamais laisser de cernes se creuser en dessous ? Comme on ne passait aucune nuit blanche à traquer un raisonnement logique qui aurait su justifier chacune de nos transitions ?

L’intro est imprimée, reliée, archivée ; la conclusion, on n’est pas pressés de la voir pointer son point final à la fin du mémoire : il ne nous reste que ce développement, dans lequel on s’empêtre comme on n’est pas foutus d’y tenter un dérapage pour s’éclater un peu, même si c’est contre un mur. Tu sais, à chercher la note juste, le bon accord, l’harmonie parfaite, on esquive peut-être deux-trois os et quatre-cinq bleus aux genoux en même temps, mais on n’évite jamais la mâchoire de l’absurde qui se referme sur toutes nos questions de grands cons qui ne savent plus se souvenir.

Tu te souviens ? Comme on ne savait rien, pas plus qu’aujourd’hui, mais qu’à l’époque ça nous suffisait ? Comme on se moquait, sans même prendre la peine de nous cacher sous le préau de la cour de récré, de l’introduction, de la conclusion, du passé, du futur, qu’on fonçait tête baissée dans le vif du sujet et dans le présent qu’on imaginait rien que comme on le voulait, et que ses portes fermées nous faisaient même pas mal en fait ? Comme on avait toujours les yeux plus gros que le ventre, et qu’on en n’avait strictement rien à faire de l’animal trop mignon qu’avait été jadis le rôti du dimanche midi, du pays dont il provenait, des types exploités qui l’avaient torturé, ou même qu’il soit mort pour remplir nos panses de petits cons ? On bouffait à tous les râteliers, et le gâteau au chocolat, on le terminait en moins de temps qu’il ne lui fallait pour nous menacer de passer les dix années à venir dans notre popotin.

Tu te souviens ? Comme le bonheur, c’était facile ? Il suffisait de sourire assez pour que les grands y croient, de sourire si fort qu’on finissait par nous persuader aussi qu’on était heureux.

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Chat Qui Louche maykan alain gagnon francophonieMyriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.

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Si une personne avertie en vaut deux…, un texte de Myriam Ould-Hamouda

1 novembre 2016

Si une personne avertie en vaut deux…

 alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

Si une personne avertie en vaut deux, il faut être un peu benêt pour accepter de payer deux places pour un vol qui se terminera de toute façon par un crash. Nous sommes nés, pour le meilleur et pour le pire ; mais le pire nous fait tellement flipper que nous passons notre vie à prendre nos précautions et toutes les mesures nécessaires pour éviter toutes les bricoles qu’il pourrait nous arriver. Ou, comme elles finissent toujours par pointer le bout de leur nez si elles l’ont décidé, pour pouvoir au moins dire que nous n’y sommes pour rien. Nous attachons nos ceintures, verrouillons nos portières, respectons les limitations de vitesse, nous passons le trajet à vérifier dans nos rétroviseurs tout ce qui pourrait surgir de devant, de derrière, de gauche, de droite, d’en haut, d’en bas : une ambulance, une bête paniquée, un ovni, un piéton pressé, le temps qui détale, ou un automobiliste un peu plus distrait que nous parce qu’il aurait eu envie une fois, rien qu’une fois, de profiter du paysage. Mais nous avons beau nous efforcer, de maintenir notre attention pour que rien ne nous échappe jamais, personne n’a jamais su éviter le ciel qui lui tombe sur la tête ; même le meilleur pilote de Formule 1.

Et le pire, ça le fait bien marrer, de nous regarder prendre racine dans le couloir de l’entrée sous nos armures en acier, à brandir notre épée et notre bouclier contre la porte fermée à double tour. Et s’il tarde un peu, ce n’est pas parce qu’il n’a pas trouvé notre adresse dans l’annuaire, que sa voiture ne démarre pas, que l’interphone ne fonctionne plus ou que ce soir il a un peu la flemme de se taper les sept étages à pieds parce que l’ascenseur est encore tombé en rade, non. Le pire n’a rien de belle-maman qui débarque à l’improviste, mais à qui, même si ce n’est pas le moment, nous ouvrons la porte, proposons un café et dont nous supportons les quolibets, comme nous savons qu’à un moment arrivera bien l’heure où elle préférera rejoindre ses meubles époussetés. Et le pire, ça le fait bien marrer, de nous regarder flipper en l’attendant, comme ça fait longtemps qu’il est là, tapi en nous, prêt à bondir quand le ciel nous tombera sur la tête ; et il se fout bien du café, des petits gâteaux sur la table basse du salon, de la pluie, du beau temps, des sourires gênés : ce qu’il a à nous dire est insupportable à entendre, mais dehors, depuis que l’horizon est tombé avec le ciel, il n’y a plus rien à voir.

D’ailleurs, il n’y a plus de fenêtre pour le constater ; il n’y a plus d’immeuble, plus de ville, plus de bruit pour couvrir les silences de cet atroce tête-à-tête, il n’y a plus de forêt autour, plus de cachettes secrètes, plus de loups pour hurler avec eux. Le monde, en même temps que l’horizon et le ciel sont tombés, a disparu. Le monde, avec ses bonnes manières, sa misère, ses scandales, avec ses aurores boréales, ses volcans en colère, avec ses églises ses cimetières ses pissenlits, avec ses coups d’éclat et ses coups de folie, avec sa façon à lui nous donner de quoi nous émouvoir encore un peu.

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Chat Qui Louche maykan alain gagnon francophonieMyriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.

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À abuser du second degré… un texte de Myriam Ould-Hamouda

18 octobre 2016

À abuser…

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

Têtes de jeune fille et de vieillard, Boucher

À abuser du second degré, nous avions oublié de prendre un peu au sérieux nos feux intérieurs.

Un demi-siècle nous séparait, mais nous nous étions trouvé assez de points communs pour nous moquer des générations auxquelles nous n’avions jamais su nous résoudre à appartenir. Vos rides ne me faisaient pas peur, mon acné ne vous dégoûtait pas. Vous aviez la délicatesse de garder sur vos épaules le poids de vos années passées, j’avais la pudeur de ne pas vous coller sous le nez mes lendemains qui chantent faux. Vous aviez dans les yeux la fougue de mes vingt ans, j’avais dans les jambes la fatigue de vos années de trop ; mais certains jours, selon le vent la pluie ou le soleil, selon les gros titres du quotidien ou la dernière blague qu’on nous avait racontée, nous échangions ce qui traînait au fond de notre sac à dos. Et même s’il n’y avait parfois pas grand-chose, nous avions tous les deux toujours assez d’imagination pour nous donner à voir tout ce qui nous manquait.

Un demi-siècle nous séparait, mais nous avions inventé une machine à remonter le temps ; et nous nous vêtions tantôt de la colère de l’adolescent qui refuse le monde tel qu’il est, tantôt de la candeur du môme qui se moque bien de la tronche du monde, et s’en invente un nouveau. Ni vous ni moi n’avions jamais su être assez adultes pour nous reprocher nos cuites de la veille et nos gueules de bois du matin, pour passer l’âge des bêtises des grosses colères et de l’envie de jouer ensemble. Et nous prenions un malin plaisir à dénicher un tas de cachettes secrètes pour nous planquer, même si personne n’avait jamais compté à haute voix jusqu’à dix, juste pour le plaisir de nous chercher un peu et de ne jamais cesser de nous surprendre en n’étant jamais là où nous nous attendions. Et même si nous n’avions jamais les pouces levés ni les mots des grands pour le dire, nous adorions ça.

Un demi-siècle nous séparait, une noce d’or que nous n’avions jamais pris le temps de faire semblant de célébrer, comme nous détestions tout ce qui brillait s’il ne s’agissait pas de ces étoiles que nous nous glissions l’air de rien dans les yeux, ou nos éclats de rire. Le monde s’amusait à nous prêter un paquet d’intentions débiles, de l’amour de la haine ou les deux à la fois comme il ne savait plus vraiment sur quel pied danser dans notre cour de récré qu’il prenait pour un champ de bataille ; mais nous nous amusions encore plus à le regarder s’étaler de tout son long au milieu, et nous nous moquions bien de ce qu’il s’échinait à nous prêter du demi-siècle qui nous séparait de la destination finale tant que nous nous donnions toujours assez de quoi nous marrer avant de l’atteindre. Mais à abuser du second degré, nous avions oublié de prendre un peu au sérieux nos feux intérieurs.

Nous nous pensions bien du talent à ne jamais retenir nos fous rires, alors que nous manquions de courage pour sangloter et nous prendre dans les bras avant que nos feux nous consument.

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Chat Qui Louche maykan alain gagnon francophonieMyriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.

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C’est pas la peine de déboîter la mâchoire des enfants…, un texte de Myriam Ould-Hamouda

29 septembre 2016

C’est pas la peine de déboîter la mâchoire des enfants…alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

C’est pas la peine de déboîter la mâchoire des enfants pour dénicher la vérité ; elle en sortira au moment où tu t’y attendras le moins. C’est pas la peine, non plus, de te repasser en boucle le film du jour où elle éclatera, en y mettant à chaque fois un peu plus de sang sur les murs : la vérité ne te blessera jamais autant que ton imagination. Nous adorons jouer aux chevaliers errants, enfiler notre armure, nous coller un peu d’ombre dans les yeux, enfourcher notre cheval, et nous imaginer parcourir le monde en quête de la vérité. Mais nous sommes si souvent fatigués avant même de partir, que nous préférons rester autour de la table ronde et mentir comme des arracheurs de dents, de peur qu’elle ne sorte les crocs ; tant qu’il y a de quoi grailler et encore assez à boire pour croire aux salades que nous nous racontons. La terre a beau être ronde, nous savons pertinemment qu’au bout du chemin il n’y a rien d’autre que ce vide que nous portons. Mentir, un moyen de vivre, de nous tenir debout et d’avancer. Nous nous emmitouflons sous nos bobards, nous nous gonflons des promesses de ceux qui nous aiment, des serments de ceux que nous avons condamnés, le temps d’ériger quelques vérités éphémères de les penser assez solides pour y planter nos griffes, le temps d’oublier l’absurde, la vérité et le cri atroce du désespoir qui nous pousse dans le vide.

Mais regarde-nous, comme nous sommes ridicules ; à nous empêtrer dans nos mensonges. À nous promettre de ne jamais nous faire de mal, comme ça fait bien longtemps que nous ne savons plus comment nous faire du bien. À lever la main droite par réflexe et faire le serment d’être si grands que la vie ne nous y reprendra plus, à adorer jouer aux chevaliers errants. À nous raconter tout un tas d’histoires autour de la table ronde, pour y trouver toujours de quoi grailler et assez à boire pour oublier que ça fait longtemps que nous sommes déjà partis. Mais regarde-nous, comme nous sommes ridicules ; à montrer nos petits poings pour dénicher la vérité. À la traquer sous le plaid du canapé qui ne cache plus rien depuis que nous ne nous y blottissons plus. À farfouiller dans notre mémoire et dans l’historique du navigateur pour nous donner de bonnes raisons de quitter la table sans demander la permission. À nous coller un peu d’ombre dans ces yeux qui passent leurs nuits à imaginer le pire à travers la serrure de la porte d’entrée depuis que l’amour ne sait plus les aveugler, que ni la cheminée ni nos mensonges ne nous réchauffent plus assez. Mais regarde-nous, comme nous sommes ridicules ; à déboîter la mâchoire des enfants, des fous et des ivrognes, pour faire sortir cette foutue vérité de tripes qui n’éclatent jamais sur ces murs que seul le temps jaunit.

Il y a des matins où la vie me dépasse et des soirs où je voudrais aller plus vite que la musique ; il y a des soirs où j’adore imaginer me jeter enfin dans le vide, et des matins où je n’ai plus la force de me débattre sous la mâchoire de ces chevaliers errants qui me font cesser de mentir.

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Faire un pas en avant, deux pas en arrière…, un texte de Myriam Ould-Hamouda

13 septembre 2016

Danser

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

Faire un pas en avant, deux pas en arrière, n’est-ce pas ce qu’on appelle danser ? Et dieu que c’est beau, un danseur, quand son corps se laisse embarquer par la musique si fort si loin qu’il ne semble plus vraiment lui appartenir, quand son regard s’absente pour rejoindre un paysage extraordinaire auquel la foule qui s’est formée autour de lui n’aura jamais vraiment accès. Et dieu que c’est beau, un danseur, quand il oublie de se demander si ce n’est pas ridicule de s’agiter comme ça, face à tous ces gens dont le dos ne se courbe jamais, quand il n’entend plus ces bouches qui ricanent et disent du haut de leur corps dressé « au fond, qu’est-ce qu’il fait d’autre, ci ce n’est tourner en rond ? » ; comme elles se taisent ensuite le temps de le regarder danser et de le trouver si beau.

Je n’ai rien d’une danseuse étoile, mais j’avoue des pas en avant j’en ai faits un paquet et encore deux fois plus dans le sens opposé. Mais si dans ma tête ça fait wizz, bang, smack et parfois badaboum, dans ta tête, c’est un peu triste, ça ne fait rien d’autre que et ron et ron petit patapon. Tu me dis que je ne fais jamais rien si ce n’est que tourner en rond, qu’il faudrait songer à aller plus vite plus haut plus fort, que quand on a les moyens on n’a pas le droit de gâcher sa vie. Mais tu sais le bonheur, ce n’est pas une affaire de types qui ont assez d’argent sous le matelas pour payer chaque matin une boniche à faire la poussière dans cette mémoire où ils entassent leurs souvenirs. J’ai assez de foin dans la grange pour nourrir un troupeau de vaches laitières, mais je n’ai jamais su digérer le lait. Et tu sais la douleur, ce n’est pas un jouet de plus sur lequel se jettent des mômes trop capricieux avant de se lasser encore. Un carton et une aiguille suffisent parfois à me distraire assez pour oublier cette morale que tu me colles sous les pattes, et ce monde qui se dérobe dessous à chaque fois que je pense l’avoir enfin saisi, si bien que je ne prends plus la peine de danser avec lui.

Personne ne verra jamais le monde tel que tu le vois, personne ne le verra jamais non plus comme je l’ai vu, comme il n’est déjà plus là et comme c’est atroce, tu sais, de faire tous ces pas en avant et ces pas en arrière, de tourner en rond, et de le laisser partir à chaque fois que je ne sais plus me résoudre à le laisser danser sans moi ; et le trouver tellement beau peut-être encore bien plus que quand il me tenait la main. À chaque fois que la vie ne se résout jamais non plus à n’être que ce qu’on attend d’elle, et au fond tous les deux même si on en chie un peu on sait qu’elle a bien raison. Comme on sait qu’en nous il n’y a rien à détruire, qu’on s’est trompé de cible, qu’en fait personne n’a jamais déclaré aucune guerre et que les mines n’explosent jamais quand on le voudrait. Qu’il nous faudra seulement avoir toujours assez d’imagination pour réinventer encore une fois le monde, la vie, l’amour et l’idée qu’on s’en faisait. Il y a mille et une façons d’aimer, et tout autant de faire l’amour. Il y a mille et une façons de vivre, et tout autant d’histoires à écrire en attendant.

Personne ne te verra jamais comme je te vois, personne ne me verra jamais non plus comme tu m’as vue, même pas moi, et c’est bien dommage parce que ce soir j’aurais bien aimé me trouver aussi belle que ton imagination, et rigoler un peu avec toi de mes pas maladroits.

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À force de se méfier de l’eau qui dort…, un texte de Myriam Ould-Hamouda

30 août 2016

L’eau qui dortalain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

« À force de se méfier de l’eau qui dort, il y a une flopée de mecs qui vont se réveiller un matin devant un fleuve tari. Et le visage creusé de ridules, la tignasse laiteuse et la barbe de trois éternités au mois, ils se mordront leurs doigts trop maigres de n’avoir pas été prévenus qu’au fond il n’y avait rien du tout, que la rivière n’est jamais sortie de son lit pour leur faire du mal, mais qu’elle a fini par se tirer comme elle s’ennuyait sous leur regard étouffant ; et qu’en plus, la garce, elle a embarqué avec elle la fougue de leur vingt ans. Je n’ai plus tout à fait vingt ans, mais des dents encore assez solides pour croquer la pomme à pleines dents ; le fleuve tari ça fait un bail que je le devine, pourtant je passe mon temps à me méfier de l’eau qui dort. À me raconter tout un tas d’histoires sur la berge, quand j’voudrais y laisser mes fringues et plonger tête la première en me foutant de ce qu’il y a en bas, juste pour réveiller cette eau qui dort ce désir que j’y noie et tous ces mecs autour, qui ronflent si fort que je ne trouve jamais le sommeil, mais qui me grondent parce que je m’agite dans le lit.

À chaque fois que ma mémoire sait oublier le nom des capitales, des théorèmes, des chefs militaires, le visage des gentils, des méchants, de ces mecs que je croise chaque matin dans la rue mais sur lesquels mon regard ne se pose jamais vraiment ; comme il s’échine à te chercher sous leur pas lourd, derrière ces plaques qui portent tous ces noms, tous ces visages qui ne sont jamais les tiens. À force de se méfier des mots, des apparences, y’a une flopée d’histoires que personne n’écrit plus, de corps qui n’exultent jamais mais flétrissent dans un bain brûlant en attendant que la raison remonte à la surface ; et, quand elle flottera enfin, qu’ils l’auront agrippée si fort qu’ils se seront entaillé la paume de la main, ils patienteront en disant même pas mal le temps que la baignoire se vide, en se méfiant de l’eau qui dort, en priant presque pour que le siphon aspire leur crasse et leurs envies avec elle. J’ai pris tellement de bains en espérant y oublier un peu le reflet de tes yeux, que je ne sais même plus ce que pouvait bien sentir cette chair vermeille et bouffie avant d’empester les regrets.

Et à force de me méfier de l’eau qui dort, je n’ai pas vu comme depuis toi le fleuve n’est pas près de tarir. »

Notice biographique

Chat Qui Louche maykan alain gagnon francophonieMyriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.  Récemment, elle a créé un blogue Un peu d’on mais sans œufs, où elle dévoile sa vision du monde à travers ses mots – oscillant entre prose et poésie – et quelques croquis,  au ton humoristique, dans lesquels elle met en scène des tranches de vie : http://blogmaestitia.xawaxx.org/

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La boîte à cafards, par Myriam Ould-Hamouda…

14 juin 2016

La boîte à cafards

 Sur le pavé de la rue piétonne, deux silhouettes aux regards accrochés avancent l’une vers l’autre. alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec Jusqu’à se retrouver nez à nez, et presque bouche à bouche.  Jusqu’à n’en faire plus qu’une sur ce pavé mouillé qui les voit s’emmêler.  Et de cette silhouette sortent soudain mille bras qui semblent s’agiter.  Ils s’enlacent, s’embrassent, s’enlacent encore, et en un éclat de rire, effacent cette foule qui les scrute d’en bas.  Lui, effleure sa longue chevelure, la main tremblante.  Elle, perd un fragile sourire, le regard qui pétille.  Et puis vient effleurer leurs tympans une farandole de mots.  Des mots sucrés qui pansent les plaies.  Des mots brûlants qui réchauffent les cœurs.  Des mots d’Amour.  À jamais.  Pour toujours.  Des mots légers qui rebondissent un instant avant de s’envoler.  Mais personne ne verra ces mots-là prendre déjà le large.  Personne ne leur courra après ni ne les rattrapera à bout de bras, ces mots-là.  La silhouette n’est plus qu’un cœur qui bat.  Alors elle ne bouge pas, et infiniment bat.

Mais lorsque le cœur de la silhouette bat un peu moins vite, un peu moins fort et qu’elle relève soudain la tête, elle se demande enfin où ils sont partis, tous ces mots-là.  À s’en tordre le cou, elle scrute les yeux du monde pour s’en revêtir, encore frêle un instant.  Mais ces mots-là semblent perdus à tout jamais, volatilisés en un hier évanoui.  La silhouette accroche son regard à un dernier croissant de lune, et en un impossible cri, tombe à terre.  Le ciel est en colère, alors le tonnerre gronde et un premier éclair vient foudroyer la silhouette à terre.  Une vive douleur transperce celle qui se scinde soudain en deux morceaux aliénés.  La silhouette n’est plus.  Son cœur ne bat plus.  Ni trop vite.  Ni trop fort.  Elle s’éteint sans un bruit, sur le pavé mouillé qui la voit se déchirer.

Au petit matin, sur le pavé de la rue piétonne, deux silhouettes aux regards perdus reprennent leur chemin.  L’une à gauche.  L’autre à droite.  Sans but et sans dérive, fébriles devant cette nouvelle porte qu’il leur faudra ouvrir.  Mais devant chaque porte, chacun d’eux trouvera une petite boîte couverte de poussière.  Alors ils se poseront, chacun devant sa porte, et ouvriront cette boîte, et remonteront le temps.  Dans cette boîte, tous deux retrouveront un peu tard, ces mots-là trop légers qui s’étaient envolés.  Des sobriquets tout doux.  Ma princesse.  Mon Amour.  Des Je t’aime pour la vie.  Des Nous est le plus fort.  Des Veux-tu m’épouser ?  Et des Je t’attendais.  Mais en ce matin-là, ces mots-là ne sont plus qu’écœurants, oppressants.  Plus du tout sucrés, ni même chauds, ils donnent juste la nausée à ces deux silhouettes que le pavé mouillé distingue dériver le long d’amers regrets.

Mais qui toujours vole ces mots du premier jour ?  Ces promesses en suspens qui font battre le cœur des silhouettes bêtes qui s’aiment un peu trop vite.  Mais qui toujours rend ces mots le dernier jour ?  Et les transforme soudain en d’immondes cafards qui grouillent encore un temps sur la plaie béante de celle qui ne sera jamais… drapée d’éternité.

Notice biographique

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecMyriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.  Récemment, elle a créé un blogue Un peu d’on mais sans œufs, où elle dévoile sa vision du monde à travers ses mots – oscillant entre prose et poésie – et quelques croquis,  au ton humoristique, dans lesquels elle met en scène des tranches de vie : http://blogmaestitia.xawaxx.org/

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


Un cœur tendre…, un texte De Myriam Ould-Hamouda

31 mai 2016

Un cœur tendrealain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

 

« Un cœur tendre ne fera jamais autant envie que dans la vitrine de ton boucher ; surtout au clebs qui crève la dalle de l’autre côté.  Les gens que tu désires comme tu les admires, les gens que tu méprises comme tu les jalouses se foutent bien de l’énergie que tu dépenses à assouplir ton cœur à espérer un jour être quelqu’un de bien.  Ta gentillesse, ils s’assoient dessus comme ils prennent déjà toute la place dans cette vie dans laquelle tu n’oses jamais mettre les pieds.

 

Et le clebs qui crève la dalle, de l’autre côté de la vitrine, le clebs se fout bien de l’écriteau « interdit aux chiens » que le boucher a collé au-dessus de la porte d’entrée, le clebs il ne sait pas lire il attend juste que tous ces gens qui ne trouvent jamais de quoi grailler dans ta gentillesse poussent la porte de la boucherie pour avoir quelque chose à se mettre quelque chose sous la dent.  Et le clebs qui ne crève plus la dalle, loin du bruit de la ville, le clebs se fout bien de ces gens indignés du boucher en colère de toute l’énergie que tu as dépensée à rendre ton cœur tendre ; une vieille carne aurait suffi à lui faire battre de la queue.

 

Personne ne devrait jamais s’en vouloir d’être trop humain ; mais personne ne devrait jamais, non plus, accepter de laisser crever de faim ce clebs qu’il porte en lui, mais que le monde a si bien dressé qu’il ne crève jamais assez la dalle pour piquer autre chose que des roupillons.  La vie n’est pas une chienne, elle ne montre pas les dents ; et si tu la passes à te tordre de douleur, ce n’est pas elle qui te mord, c’est juste ton clebs qui se réveille parfois et tire fort sur sa laisse à chaque fois que tu tentes de l’étouffer avec ta foutue gentillesse.  Alors qu’il ne te veut aucun mal, ton clebs, il voudrait juste que tu l’autorises à vivre, à montrer les dents quand il a faim quand il a mal quand il a peur, à battre de la queue quand il est content ou sans aucune raison juste parce qu’il a envie.  Et il s’en fout bien, ton clebs, de la pancarte « chien méchant » que tu te placardes sur la tronche, il voudrait juste que tu le détaches pour voir comme il ne prend pas la poudre d’escampette ni ne fait aucun dégât dans la maison, comme il t’attend déjà derrière la porte d’entrée et te ferait la fête si tu daignais y entrer.

Ton clebs, ça fait un bail qu’il t’a pardonné tous ces costumes débiles que tu t’échines à lui coller sur le dos, alors pourquoi dépenses -tu ton énergie à lui casser les pattes à chaque fois qu’il voudrait les mettre sur le parquet du monde ?  Pourquoi ne te pardonnes-tu pas d’être toi ?

Ton clebs, ça fait un bail qu’il t’aime ; aussi fort que tu te détestes. »

Notice biographique

Chat Qui Louche maykan alain gagnon francophonieMyriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.  Récemment, elle a créé un blogue Un peu d’on mais sans œufs, où elle dévoile sa vision du monde à travers ses mots – oscillant entre prose et poésie – et quelques croquis,  au ton humoristique, dans lesquels elle met en scène des tranches de vie : http://blogmaestitia.xawaxx.org/

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L’autoroute du soleil, par Myriam Ould-Hamouda…

29 mai 2016

Billet de Maestitia

 Sur l’autoroute du soleil, tu regardes défiler les autres voitures.  On ne sert peut-être à rien d’autre alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecqu’à ça, courbé sur la place du mort d’une Twingo rouge.  Spectateur d’un monde qui défile.  Quelques gamins qui font des grimaces.  Deux ou trois routiers qui se curent le nez.  Des conducteurs absorbés par la dernière ligne droite.  Et toi.  Toi.  Qui te demandes encore ce que tu fous là.  Bercée par cette voiture de laquelle tu voudrais déjà sauter.  Aux côtés de ce type qui n’est rien d’autre qu’un étranger.  Sur l’autoroute du soleil, tu regardes ta vie défiler.

Cette vie qui a perdu son sens dès la première bretelle de l’autoroute que vous avez empruntée.  Vous.  Couple asymétrique.  Il – l’autre partie de ce curieux duo – sourit déjà au volant.  À te chanter monts et merveilles.  Que le soleil arrive bientôt.  Qu’il est presque là d’ailleurs. Et que tu jouiras.  Toi – elle – laisses perler le long de ta joue une imperceptible larme.  Qui te hurle dedans.  Mais qu’est-ce que tu fous là ?  Qui te pointe du doigt.  Traînée !  Traînée !  Traînée !  Et déjà, elle te brûle, cette larme.  Et enflamme ta joue salée.  Sur l’autoroute du soleil, le soleil est absent, mais ta joue, elle, pleure déjà vermeil.

Longiligne, soporifique, qu’elle est.  Cette autoroute du soleil.  Qui ne mène à rien d’autre.  Qu’à ce factice soleil.  Ce soleil qui te promet tant.  Douceur.  Chaleur.  Bonheur.  Et tout ce tralala en leurre.  Ce soleil qui ne fera jamais tout.  Et n’épanchera jamais ta peine.  Cette peine née d’une grisaille casse-pieds.  D’une grisaille née en toi.  Au creux de ce trou noir qu’aucun rayon de soleil n’atteindra jamais.  Au creux de ce rien du tout de fondations sur lesquelles ta frêle existence tient encore debout.  Jusqu’au prochain carrefour, peut-être.  Cent vingt-cinq voitures vertes.  Soixante-quinze jaunes.  Quatre-vingt-six bleues.  Trois cent soixante-six blanches.  Et cinq cent cinquante-quatre grises.  Même l’autoroute est grise.

Mais lui ne semble pas distinguer ce gris lancinant.  Ce gris obsédant.  Lui qui n’a jamais vu que le soleil dans sa vie.  D’un soleil né en lui.  Au creux de son enfance de conte de fées.  De minet écervelé.  Avec sa symétrie.  Son glaçage parfait.  Et ses non-sinuosités aussi.  Lisse.  Trop lisse, qu’il est le type à tes côtés. Et il aura beau plaider sa cause, du mieux qu’il le peut.  Que l’habit ne fait pas le moine.  Tout ça.  Tout ça.  Déjà, tu sais qu’ensemble vous n’irez pas plus loin.  Que sur cette autoroute du soleil qui ne promet déjà plus rien.

Longiligne, soporifique, qu’elle est.  Cette autoroute du soleil.  Qui, déjà, ne te chante rien d’autre qu’un tsss tsss oppressant.  Qu’un Ça va, bébé, va bébé ?  irritant.  Devant toi, tu fixes la ligne blanche.  Et les reflets de l’insolent soleil te donnent déjà le vertige.  Tu n’es pas là.  N’es pas là.  N’es pas là.  À sillonner cette autoroute qui ne te dit plus rien.  Plus rien.  Plus rien.  Cette autoroute longiligne.  Soporifique.  Aux côtés de ce mec dont les mots t’écœurent.  T’écœurent.  Tes cœurs.  Déjà, tu tournes de l’œil.  Le type à tes côtés s’inquiète soudain.  Ça va pas, bébé ?  Non, ça ne va pas.  Tu as vomi dans sa précieuse caisse.  Et déjà, tu sens ses yeux injectés de sang se poser sur toi.  Le rouge recouvre définitivement la grisaille.

Mais lui ne semble pas distinguer cette nouvelle couleur qui bâche ta grisaille intérieure.  Ce gris obsédant.  Lui qui ne voit déjà plus rien que cette saleté, cette odeur putride qui souillent sa précieuse caisse.  Lui qui presse sur l’accélérateur pour oublier.  Oublier tout ça.  Toi.  Ton intérieur apparent.  Mais sa conduite sportive retourne encore ton estomac.  Hey, mec, non, ça va pas ! que tu hurles à ce type à tes côtés qui ne t’entend déjà plus.  Ça va pas, vraiment pas…  Et encore, il presse sur le champignon, comme pour taire ce cri qu’il ne saurait entendre.  Griffant ta cuisse au passage.  L’autoroute du soleil, désormais, est trop rouge.

Sur l’autoroute du soleil, tu regardes défiler les autres voitures.  On ne sert peut-être à rien d’autre qu’à ça, courbé sur la place du mort d’une Twingo rouge.  Spectateur d’un monde qui défile.  Quelques gamins qui font des grimaces.  Deux ou trois routiers qui se curent le nez.  Des conducteurs absorbés par la dernière ligne droite.  Et toi.  Toi.  Qui te demandes encore ce que tu fous là.  Bercée par cette voiture de laquelle tu voudrais déjà sauter.  Aux côtés de ce type qui n’est rien d’autre qu’un étranger.  Sur l’autoroute du soleil, tu regardes ta vie défiler.

Cette vie qui a perdu son sens dès la première bretelle de l’autoroute que vous avez empruntée.  Vous.  Couple asymétrique.  Il – l’autre partie de ce curieux duo – sourit déjà au volant.  À te chanter monts et merveilles.  Que le soleil arrive bientôt.  Qu’il est presque là d’ailleurs. Et que tu jouiras.  Toi – elle – laisses perler le long de ta joue une imperceptible larme.  Qui te hurle dedans.  Mais qu’est-ce que tu fous là ?  Qui te pointe du doigt.  Traînée !  Traînée !  Traînée !  Et déjà, elle te brûle, cette larme.  Et enflamme ta joue salée.  Sur l’autoroute du soleil, le soleil est absent, mais ta joue, elle, pleure déjà vermeil.  Déjà, tu décroches ta ceinture.  Tournes la tête vers ton colocataire d’un temps.  Esquisses un rictus.  Ouvres la portière.  Et sautes.  Ecorchant l’autoroute du soleil.  Grise rouge grise.  Rouge.

Notice biographique

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecMyriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.

C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.

Récemment, elle a créé un blogue Un peu d’on mais sans œufs, où elle dévoile sa vision du monde à travers ses mots – oscillant entre prose et poésie – et quelques croquis,  au ton humoristique, dans lesquels elle met en scène des tranches de vie : http://blogmaestitia.xawaxx.org/

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La bouche de Julia Roberts, les fesses de Jennifer Lopez…, un texte de Myriam Ould-Hamouda

17 mai 2016

La bouche de Julia Roberts… julia-roberts-allure-october-2015-03

Il y a celles qui veulent la bouche de Julia Roberts et celles qui réclament les fesses de Jennifer Lopez. Il y a celles qui préfèrent se refaire les seins pour mettre toutes les chances de leur côté, et celles qui aimeraient bien elles aussi s’autoriser à préférer ; mais dont le porte-monnaie, pas plus gonflé que leur poitrine, leur permet juste de feuilleter les pages des magazines féminins en enviant tous ces corps parfaits. La chirurgie esthétique ne m’a jamais fait du pied, comme ça fait longtemps que je désinvestis ce corps qui ne sait pas marcher droit et de toute façon ne va jamais nulle part.

Moi, je voulais juste avoir les yeux qui brillent, qu’ils aient toujours assez d’histoires à te raconter pour tu veuilles bien y plonger et oublier cinq minutes toutes ces bouches, toutes ces fesses, toutes ces poitrines de toutes ces vraies femmes qui ne titubent jamais, même du haut de leurs talons aiguilles. Moi, je voulais juste avoir les yeux qui brillent, qu’ils aient toujours assez de pays à te faire voir pour que tu ne te sentes jamais à l’étroit dans mes bras et que t’oublies cinq minutes ces envies de cavale qu’on porte tous en nous, comme des bras qui étreignent ne sont en fait rien d’autre qu’un étau qui se resserre ; comme des yeux, aussi brillants soient-ils, n’éclairent jamais dans la nuit. Les cinq minutes sont passées, la nuit est tombée, et je n’ai même pas une prothèse à laquelle me raccrocher depuis que mes yeux ne savent plus briller.

Moi, je voulais juste avoir les yeux qui brillent, mais dis-moi de quoi j’ai l’air maintenant que je n’ai plus aucune histoire à te raconter, aucun pays à te faire voir, et que ce ventre que j’ai oublié de nourrir te fait si peur chaque matin que tu préfères rejoindre toutes ces bouches, toutes ces fesses, toutes ces poitrines plus en vie que mon corps déserté.

Il y a celles qui veulent ressembler à Barbie et celles qui ne supportent plus d’avoir alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecle nez de maman. Il y a celles qui préfèrent remplir leur solitude de botox et coller du plastique tout autour de leur désir ; et celles qui se moquent d’elles mais se charcutent quand même, peut-être un peu plus et c’est bigrement moins joli, à chaque fois que leur solitude et leur désir font trop de bruit.

Notice biographique

Chat Qui Louche maykan alain gagnon francophonieMyriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.  Récemment, elle a créé un blogue Un peu d’on mais sans œufs, où elle dévoile sa vision du monde à travers ses mots – oscillant entre prose et poésie – et quelques croquis,  au ton humoristique, dans lesquels elle met en scène des tranches de vie : http://blogmaestitia.xawaxx.org/

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La vie n’est rien qu’un jeu…, un texte de Myriam Ould-Hamouda…

3 mai 2016

La vie n’est rien qu’un jeu…

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

 

« La vie n’est rien qu’un jeu ; il faut être drôlement sot pour en faire une guerre, tantôt froide, tantôt sanguinaire. J’ai toujours été parfaitement sotte, et depuis quelque temps plus vraiment drôle.

Le désespoir, c’est comme un bouton d’acné : on n’assume jamais vraiment de se promener avec dans la rue. Alors, on essaye de le camoufler sous un attirail d’artifices, et en rentrant on passe des plombes dans la salle de bain à s’acharner dessus et, qu’importent le sang qui coule et la peau qu’on abîme, pourvu que le pue soit dehors. Et elles sont bien gentilles, les métaphores, à te coller toujours un tas d’images sous les yeux pour essayer de traduire tout ce que je n’arrive pas à te dire ; mais en fait, le désespoir n’a rien d’un bouton d’acné, c’est encore plus laid, et ça fait une éternité que je m’esquinte sans que jamais rien ne sorte – en plus, j’ai tout cassé dans la salle de bain.
J’ai mis un pied dans la solitude, comme on se résout finalement à patienter le temps que le bouton sèche, comme on pense n’en avoir que pour cinq minutes en passant dire bonjour à la vieille voisine du dessus. Mais la solitude est pipelette, et elle a toujours assez de café chaud et de muffins au chocolat pour te faire entrer ; et comme elle ferme la porte d’entrée à double tour, descend les volets, et sort les albums photo, tu sais que tu n’es pas prêt d’en sortir. C’est marrant, la solitude. Ça commence par un accord tacite entre ton corps et toi pour fuir le silence déraisonnable du monde ; et ça finit en oreillers déchiquetés parce que tu ne trouves jamais le sommeil à cause de l’appel de la vie qui fait trop de bruit à côté. J’ai cru que dehors c’était la guerre, que les autres et leurs bonnes intentions, c’était l’enfer ; que si je mettais un pied dehors j’exploserai sur une mine, que si des doigts se pointaient sur moi c’était juste pour se moquer de mon acné. Mais la guerre n’est jamais plus cruelle que dedans, et même si je n’ai jamais osé croquer dans le fruit défendu : moi, ça n’a rien du paradis.

Mais dis-moi, de quoi j’ai l’air maintenant ? Depuis que j’ai pris goût au silence et à l’obscurité ; là où le désespoir ne sèche jamais, mais se gonfle des larmes et des coups de colère qu’on n’a jamais su donner. Depuis que j’ai pété le miroir de salle de bain, qu’il n’y a plus aucun œil et aucune bouche autour pour constater les dégâts et me dire que je fais n’importe quoi. Depuis que je me terre dans mon laboratoire et joue au savant fou, à maintenir l’existence sous une cage de fortune pour essayer d’y comprendre quelque chose, à prétendre que c’est juste pour la science si je lui ai coupé les ailes et arraché la langue comme elle ne voulait jamais rien dire. Je n’ai jamais su lire dans les silences comme dans un livre ouvert, j’ai toujours eu besoin de disséquer un peu, donc de tuer beaucoup même si j’ai jamais vraiment assumé.

À se prendre pour dieu et vouloir rendre à la vie toute cette vie qui lui manque toujours, on finit par ne plus voir tous ces cadavres qui jonchent le plancher ; parce qu’ils ont voulu tendre une main par la fenêtre ou mettre un pied dans la porte, parce qu’ils font trop de bruit ou ne répondent jamais au téléphone, et que la solitude, ça l’agace. Et comme la solitude se fatigue vite d’être agacée, elle éventre souvent. C’est marrant, la vie. Ça commence par un cache-cache entre ton corps et toi pour prendre assez de distance et pouvoir en rire après ; et ça finit par des tranchées où tu t’échines à te cacher de tout ce qui pourrait t’arriver. Mais autour, ça fait bien longtemps qu’il n’y a plus rien : la solitude et le désespoir ont tout pris. Même mon humour. »

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Chat Qui Louche maykan alain gagnon francophonieMyriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.  Récemment, elle a créé un blogue Un peu d’on mais sans œufs, où elle dévoile sa vision du monde à travers ses mots – oscillant entre prose et poésie – et quelques croquis,  au ton humoristique, dans lesquels elle met en scène des tranches de vie : http://blogmaestitia.xawaxx.org/

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C'est drôle comme on s'habitue…, par Myriam Ould-Hamouda…

13 avril 2016

C’est drôle, comme on s’habitue…

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecC’est drôle, comme on s’habitue tellement à la douleur qu’on finit par l’appeler bonheur. C’est drôle, tous ces hommes qui galopent le long des trottoirs et ne sentent même plus toutes ces échardes qui creusent leur voûte plantaire. C’est drôle, toutes ces femmes qui donnent la vie alors qu’elles ont déjà rangé la leur dans le placard de l’entrée, avec leurs rêves de petites filles. Toutes ces femmes qui se fatiguent à rester jeunes comme elles ont des rides au bord des yeux depuis leurs sept ans, tous ces hommes qui passent leur temps à prouver qu’ils existent comme ils sont morts depuis longtemps. Les rues du monde sont pavées de cadavres que le désir a désertés, mais que l’orgueil tient debout le temps que le rideau tombe pour de bon. C’est drôle, comme on s’habitue tellement à l’ennui qu’on finit par trouver du plaisir à faire un paquet de trucs chiants, juste parce qu’on nous a dit « s’il vous plaît » ; sauf qu’à la fin, personne ne dit jamais « merci », même pas pour ce moment.

C’est drôle, c’est ce que disent ceux qui manquent de larmes et de courage, comme ils disent aussi souvent qu’un sourire sur une bouille de môme c’est bien plus joli. Comme ils rendent la chair aride et sèment leurs conseils là où la vie ne repousse jamais. On a appris à se satisfaire d’une soupe froide et de draps propres parce que des types crèvent la dalle et de froid dans la rue. On a appris à se contenter d’une salade verte et à se priver de dessert pour espérer un jour faire la couverture de Elle. C’est drôle, comme on a appris à se sentir coupable d’avoir de la fièvre, des bourrelets et du chagrin. Comme on a appris à se sentir coupable de vouloir juste être vivant. C’est drôle, toutes ces femmes qui montent un film génial à chaque sous-entendu, mais qui n’entendent pas leur cœur cogner et leur ventre gronder. C’est drôle, tous ces hommes qui savent comment survivre dans le désert, mais n’osent jamais affronter leur peur du vide, la vaincre, et sauter dedans à pieds joints.

C’est drôle, comme j’me force à en rire quand j’voudrais en pleurer. Depuis que je m’habitue à la douleur sans jamais réussir à l’appeler bonheur. Depuis que je m’habitue à l’ennui sans jamais y trouver une miette de plaisir. Depuis que les gens traitent ceux qui pleurent de tapettes, comme ils ne savent plus voir dans mes larmes au bord du vide cette faim de vivre. Depuis que les gens traitent ceux qui doutent de dingos, comme armés de leurs certitudes et de leur arrogance ils arriveraient presque à me persuader que l’habitude a toujours raison. C’est drôle, comme j’voudrais te faire autant envie que je m’inspire de pitié. À chaque fois que je me rétame sur le trottoir, comme s’habituer demande de l’énergie. Que j’ai laissé la mienne dans ce poing que je voulais dresser, mais que ceux qui gueulent le plus fort ont mis à genoux. À chaque fois que je me rétame sur le trottoir, comme je n’ai plus que l’eau-de-vie de pépé pour rigoler un peu avec eux moi aussi.

C’est drôle, comme on s’habitue tellement à la douleur qu’on finit par en écrire des histoires pour ne jamais se donner l’occasion de partir un peu ; mais en mourir quand même beaucoup.

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Chat Qui Louche maykan alain gagnon francophonieMyriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.  Récemment, elle a créé un blogue Un peu d’on mais sans œufs, où elle dévoile sa vision du monde à travers ses mots – oscillant entre prose et poésie – et quelques croquis,  au ton humoristique, dans lesquels elle met en scène des tranches de vie : http://blogmaestitia.xawaxx.org/

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Au pays des peureux, un texte de Myriam Ould-Hamouda…

22 février 2016

Au pays des peureux…

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

 

Au pays des peureux, ceux qui osent mettre un pied dehors sont des connards. Des fils de ces putes qui n’ont jamais pris le soin d’adoucir leur voix, d’ouvrir un livre de contes de fées, et de les border de tendresse jusqu’à ce qu’ils trouvent le sommeil. Comme les mamans des peureux le faisaient, juste après avoir préparé le cartable pour le lendemain, juste avant de déposer leurs lèvres et leur vanille sur leur nuit paisible. Et quand les peureux ont, à coup d’histoires qui finissent toujours bien, appris à distinguer les gentils des méchants ; les connards, les yeux grands ouverts sur un matelas posé à même le sol, si bien qu’aucun monstre ne pouvait se glisser dessous, ont appris à ne plus avoir la trouille. Ni du noir, ni du vide, et sûrement pas de la vie. Au pays des peureux, ceux qui osent mettre un pied dehors sont des connards. Et ils nous rassurent, nous, les peureux, ces connards qu’on peut insulter à notre guise, asséner de tous ces coups qu’on n’ose pas foutre au cul de cette vie qu’on ne croque qu’avec modération. Et on les déteste, pour tous ces lombagos qu’on se colle à force de courbettes, pour toutes ces nuits passées au-dessus de la cuvette des waters d’avoir gobé avec le sourire tous ces discours avariés, pour tous ces kilos en trop qu’on accumule à chaque fois que le somnifère ne fait plus effet, pour tout ce plaisir qu’ils prennent au lieu de faire attention.

Au pays des peureux, ceux qui osent mettre un pied dehors sont des connards. Le monde est plein de peureux qui nous ont appris à détester les connards et nous ont nourris de leurs peurs ; et, comme on est des putains de bons élèves, on s’en est même fabriquées de nouvelles. On n’a jamais fini en bouillie sur un passage clouté : on a toujours attendu que le petit bonhomme passe au vert avant de traverser, on ne s’est jamais fait agresser par un détraqué : on a toujours pris le soin d’éviter d’adresser ne serait-ce qu’un regard à un inconnu dans la rue, et la seule chose qu’on peut nous reprocher d’avoir allumée, ce sont les cierges dans l’église du village d’à côté, juste avant d’aller nous confesser. Un je vous salue marie, une série de dix pompes, et dix milligrammes de prozac dans nos cornflakes au petit-déjeuner suffisaient pour que le curé nous acquitte de toutes ces fautes que nos peurs mythomanes s’amusaient à lui raconter. Mais si le curé à moitié beurré le dimanche matin a le pardon facile, la conscience des peureux est intransigeante : elle n’excuse jamais et attend toujours plus. Les peureux accumulent les preuves de soumission comme ils collectionnaient à l’école les bons points et les belles images, le sourire suspendu à leur cœur gonflé d’espoir que les grands soient enfin fiers d’eux, qu’ils collent sous leurs semelles l’étiquette de gentil qui gagne toujours à la fin.

Au pays des peureux, ceux qui osent mettre un pied dehors sont des connards. J’ai appris à détester les peureux à force de tomber sous le charme de tous ces connards qui n’ont pas cette fâcheuse manie qu’ont les gentils de laisser dans l’assiette les croûtes sèches de leurs envies. Qui croquent toujours dedans avec encore assez d’appétit pour réveiller au passage celles que je m’échine à enfouir, sous des sourires qui savent exhiber toutes les dents et s’arrêter avant les gencives, des pantalons assez larges pour faire passer le désir pour de l’ennui, des soupes qui ne trompent jamais bien longtemps ma faim, en attendant que toutes les mamans du monde me collent sous le nez leur vanille et me disent que oui, je suis une gentille petite fille.

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecAu pays des peureux, ceux qui osent mettre un pied dehors sont des connards. Je suis fatiguée d’avoir peur, fatiguée de jouer à être quelqu’un de bien. Je suis fatiguée de faire semblant de détester les connards et de prendre dans mes bras ces peureux qui promettent de tomber et de se casser sur ce monde trop dur si je me dégage de leur étreinte. Je suis fatiguée d’étreindre par habitude et bienveillance, quand je voudrais t’embrasser avec fougue et insolence. Je suis fatiguée d’avoir la trouille de mettre un pied dehors, quand je voudrais t’y rejoindre et être de ces connasses qui savent faire monter ta fièvre.

Notice biographique

Chat Qui Louche maykan alain gagnon francophonieMyriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.  Récemment, elle a créé un blogue Un peu d’on mais sans œufs, où elle dévoile sa vision du monde à travers ses mots – oscillant entre prose et poésie – et quelques croquis,  au ton humoristique, dans lesquels elle met en scène des tranches de vie : http://blogmaestitia.xawaxx.org/

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


Le coeur de ceux qui nous ont foutu la vie…, un texte de Myriam-Ould Hamouda

8 février 2016

Le cœur de ceux qui nous ont foutu la vie…

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Le cœur de ceux qui nous ont foutu la vie ne devrait jamais être autorisé à cesser de battre. Et si un homme averti en vaut deux, celui à qui on est en train d’apprendre le départ d’un être cher, même s’il pèse aussi lourd que le ciel qui s’abat sur lui, ne vaut même plus ce clou qu’on vient de lui planter dans le palpitant. Depuis que tu es parti, je ne sais plus quoi faire de tout ce vide que j’avais fait en moi, pour accueillir tes papillons qui me faisaient des guilis dans le ventre et tes piranhas qui faisaient leur fête à tous ces clichés dont mon crâne s’était gavé. Les gens disent que c’est normal, que ça va passer, qu’il faut laisser le temps au temps et le deuil faire le taf pour lequel on le paye. Mais je n’ai plus de quoi rembourser les ardoises que je lui laisse depuis que le cœur de ceux qui ont su me réchauffer s’autorise une pause dans le congélateur ; mais je n’ai plus assez de force pour croire ni au silence des églises ni aux mots de ceux qui le brisent en y pleurant si fort que leurs larmes emportent avec elles tous les sourires que tu avais semés le long de leur existence.

Depuis que tu es parti, je ne sais plus comment je faisais avant toi pour aimer, ceux dont le torse porte un peu de ta sueur, mais préfèrent se parfumer pour la dissimuler et t’enterrent un peu plus à chaque fois qu’ils refusent de parler de toi, ceux dont le front n’a jamais su se creuser du manque comme ils n’ont jamais pris avant le temps de faire un pas vers toi. Les gens disent que c’est normal, que ça va passer, qu’il faut laisser le temps au temps et la douleur crever dans le caniveau que ton absence a creusé. Mais je n’ai jamais su me résigner, me trouver toutes les excuses du monde pour ne pas porter assistance à tous ces souvenirs en danger que les autres laissent se jeter dans l’oubli, construire une nouvelle histoire sur les fondations que tu avais posées et qui, depuis que tu es parti, ne savent plus porter que ce mur qui m’éloigne de ce monde que tu ne peuples plus.

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecJe t’avais promis de ne jamais te faire payer le prix de l’amour que je te portais ; tu es parti sans même prendre la peine de laisser un post-it sur le frigo dans lequel, depuis que ton cœur s’est autorisé à cesser de battre, je ne trouve plus de quoi remplir le vide que tu as laissé en moi. J’aurais aimé, comme ceux qui savent trouver les mots et tourner cette page qui pèse un kilo de plombs, pleurer dans les églises, te raconter à quoi ressemblent mes semaines chaque dimanche dans le cimetière, m’abandonner à Morphée même si, depuis que tu es parti, ton regard planqué derrière ce cadre que je n’ai jamais réussi à coucher sur la table de nuit brille même dans la nuit, et fait l’oreiller peser un kilo de plumes. Je t’avais promis de ne jamais prendre en otage ta tendresse ; tu avais posé des pièges à loups à l’orée de la forêt où ma raison se perdait à chaque fois que je ne savais pas tenir mes promesses. Tu avais peur de cette forêt, mais c’est toi qui t’y es perdu ; tu craignais que la fougue de mes vingt ans ne trouve jamais le repos ailleurs que dans la gueule de tous ces loups qu’elle abritait comme, depuis que tu es parti, mes épaules portent le poids de toutes ces années que je n’ai jamais su soulever, et que les seules cicatrices dont j’aurais pu me targuer, si j’avais su me foutre à poil devant d’autres yeux qui ne réfléchissent jamais les mêmes éclats que les tiens, viennent des crocs de ces chiens qu’on croisait chaque matin le long de la rue piétonne en pensant qu’ils souriaient, mais qui montraient les dents et n’attendaient que ton départ pour me sauter dessus.

Je n’ai jamais eu peur de m’enfoncer dans la forêt, mais, depuis que tu es parti, je laisse mon corps se draper des feuilles mortes que le vent, même s’il n’a plus la force de les emporter, leur murmure de quoi se souvenir de toi. C’est toi qui es parti, mais c’est moi brille par mon absence dans cette vie qui, depuis que tu as cessé d’y exister, ne m’intéresse plus.

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Chat Qui Louche maykan alain gagnon francophonieMyriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.  Récemment, elle a créé un blogue Un peu d’on mais sans œufs, où elle dévoile sa vision du monde à travers ses mots – oscillant entre prose et poésie – et quelques croquis,  au ton humoristique, dans lesquels elle met en scène des tranches de vie : http://blogmaestitia.xawaxx.org/

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Ceux qui disent que la beauté intérieure… un texte de Myriam Ould-Hamouda…

25 janvier 2016

Billet de Maestitiaalain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

Ceux qui disent que c’est la beauté intérieure qui compte ont dû louper le cours de SVT où on disséquait une grenouille. Parce qu’un cœur, même quand il bat encore, c’est franchement aussi ragoûtant que toutes les trouvailles qu’on fait en nettoyant le siphon de la baignoire. La beauté intérieure, c’est surtout une excuse que se sont trouvés tous ceux qui n’ont pas eu la chance d’avoir une gueule photoshopée à la naissance, et sont trop paresseux pour prendre le burin, pour tailler la chair et se façonner un corps dans le moule de ces ambitions qu’ils ont laissées sous le canapé.

Le miroir de ma salle de bain ne m’a jamais fait les yeux doux en m’assurant que j’étais la plus belle, et dans la rue personne ne s’est jamais retourné sur mon cul ; alors, la beauté intérieure, j’avoue, longtemps j’en ai fait ma religion pour pouvoir avoir ma place dans les pages de ce monde dont les yeux ne voient et les oreilles n’entendent jamais que ce qui brille le long de ses ruelles sombres. J’ai passé des heures à transpirer dans les salles d’il faudrait, à enchaîner les exercices de gentillesse pour faire fondre ma colère de patience et d’indulgence ; pour affiner ma sensibilité, j’ai musclé mon imagination et gainé mon esprit critique ; je me suis épuisée, nuit et jour, à faire la poussière, astiquer le parquet, briquer les carreaux et nettoyer le siphon de cette douche qu’on aurait dit qu’une bande de mâles, dont le torse velu servait de garde-manger, s’amusait à squatter à mon insu.

Mais c’est fou, la vitesse à laquelle les mauvaises herbes repoussent, le paillasson se souille de la crasse de souliers qui n’ont jamais été invités à entrer. Alors, pour me faire une idée du design et de la décoration d’intérieur, j’ai visité une flopée d’intimités et, crois-moi, la beauté intérieure j’en suis vite revenue. Parce qu’à force de la chercher, la beauté n’existe plus : l’œil se pose surtout sur les traces de moisissure que cachent les portes, l’oreille entend bêler les moutons sous le lit, et le doigt se glisse l’air de rien au-dessus des étagères pour y traquer les toiles d’araignées.

On porte tous en nous des petits chatons trop mignons que des gosses sadiques se sont amusés à torturer, des chiens enragés qui montrent les dents et attendent le premier promeneur qui se pointera pour lui faire payer le prix fort pour tous ces chasseurs qui les ont traqués et perdus dans la forêt ; alors si tu veux mon avis, ceux qui exhibent avec fierté leur intérieur, aussi beau que leur panier à linge sale reste désespérément vide, ont forcément quelque chose à cacher, ne serait-ce qu’une belle-mère sous le terrain de pétanque ou un môme trop bruyant dans le congélateur.

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecJe me suis dégoûtée de la beauté intérieure comme j’ai toujours fui ceux qui affichent leur plastique parfaite le long des tapis rouges, mais dont les muscles contractés étouffent les cris de l’enfant qu’ils n’ont jamais pris le temps de consoler, comme les éclats de rire et les coups de cœur glissent le long de leur corps huilé. Alors, ne m’en veux pas si, depuis, je passe plus de temps dans la salle de bain à faire la tronche et creuser mes ridules, plutôt qu’à camoufler toutes les histoires qu’elles ont à raconter. Alors, ne m’en veux pas si, depuis, mon intérieur empeste la vinasse, le renfermé et le tabac froid, que la seule chose qui brille sur le parquet, quand un rayon de soleil parvient à percer les volets, ce sont les débris de mes éclats de voix. Tu n’as jamais étalé tes muscles ni tes bons sentiments, je n’ai jamais eu le courage de te regarder dans les yeux, ni osé foutre un pied chez toi… mais c’est sous ton charme que je suis tombée.

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Chat Qui Louche maykan alain gagnon francophonieMyriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.  Récemment, elle a créé un blogue Un peu d’on mais sans œufs, où elle dévoile sa vision du monde à travers ses mots – oscillant entre prose et poésie – et quelques croquis,  au ton humoristique, dans lesquels elle met en scène des tranches de vie : http://blogmaestitia.xawaxx.org/

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Tourner la langue… un texte de Myriam Ould-Hamouda…

12 janvier 2016

Billet de Maestitiaalain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

Tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler, ça te laisse peut-être le temps de cogiter un peu, mais ça laisse surtout le même temps aux autres pour balancer un paquet de conneries. À grandir avec vos proverbes pour tuteurs, alors qu’ils ont tellement vieilli qu’ils ne peuvent plus sortir sans leur troisième patte et leur culotte tanga, j’ai la langue qui a acquis tellement de souplesse qu’elle sait faire le nénuphar (et même si ça sert à rien, ça fait toujours son petit effet en soirée) mais j’ai surtout choppé une putain de migraine au passage.

Je ne sais pas qui a un jour décrété que le silence était notre ennemi, mais c’était probablement le même type qui avait pris l’option latin parce que ça faisait bien, mais que c’était tellement une quiche en version qu’il a fini par croire que tonton René avait dit « je parle donc je suis ». Et il l’a répété à tout le monde, le con. Et avec sa grande verve et quelques postillons, il a si bien réussi à faire passer la méprise que, depuis, les parents se sont mis à s’extasier devant les premiers mots de leur môme, même s’ils ne veulent jamais rien dire. L’école a créé des cours d’expression, s’est mise à noter la parole, et qu’importe le verbe pourvu que la bouche s’ouvre. Le monde a ouvert des groupes de parole parce que le long de ses rues qui débordent d’un brouhaha désordonné nos mots ne résonnaient plus assez. Le problème, c’est qu’on nous a tellement fourré les tympans de rumeurs qu’on a prises pour paroles d’évangile, qu’on a fini par nous persuader, tous seuls comme des grands, que le silence, ça faisait des bleus aux genoux et des nœuds dans le ventre, ça creusait des tranchées le long des avant-bras et un trou béant dans le crâne.

Ne me demandez pas d’arrêter de voyager parce que vous avez peur en avion ; n’obligez pas ceux qui se taisent à prendre la parole avant qu’elle ne vienne de son plein gré parce que leur silence vous angoisse. Dans leur silence il n’y a rien qui puisse blesser votre ego, mais leurs épaules en chient déjà assez pour le porter, alors n’étalez pas en plus de tout son long votre regard accusateur dessus. Parce qu’il en faut, du courage et du sang-froid, pour garder la bouche fermée au risque de crever de faim juste parce qu’on refuse de gober les chansonnettes et qu’on n’en peut plus d’en chopper à chaque fois une indigestion. Parce qu’il en faut des couilles et des biceps, pour écouter ce silence qui, parce qu’on ne lui a jamais laissé la place pour s’exprimer, n’a plus que la colère les coups et le fusil de pépé pour se faire entendre de l’autre côté des portes qu’on a fermées à double tour et dont on a jeté la clé loin de tous ces lieux communs où, même si les sourires sonnent faux, au moins ils savent rassurer.

Il y a des jours, franchement, où vous m’emmerdez, gentiment, affectueusement, avec amour, mais vous m’emmerdez : à jouer aux pions dans cette partie où le monde est toujours le seul héros parce que c’est lui qui invente les règles au fur et à mesure ; à bomber le torse et à vous prendre pour des adultes, avec vos titres, vos thunes et vos certitudes, et à pointer du doigt les mômes comme moi qui n’ont que leurs yeux pour épée et leur humour pour bouclier, alors que les blessures de poupons que vous traînez à vos pieds, même si vous les avez enveloppées dans du coton, résonnent plus fort que nos rires innocents contre les murs de vos prisons argentées.

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecParfois, tes paroles, je les bois comme elles me font voir de ce pays où je n’avais jamais osé foutre les pieds, me prendre la murge de ma vie, grimper aux rideaux et flirter avec ce septième ciel que je ne prenais que pour une promesse de plus ; et d’autres fois, à force de bâiller en les écoutant, la seule chose qui hydrate mes neurones taris par tes croyances, c’est la tasse que je bois quand tu maintiens ma tronche dans la cuvette des waters où flottent tes diarrhées verbales. La liberté d’expression je suis pour, mais à condition que ceux qui la prennent sachent déjà tenir leur logorrhée en laisse et voir plus loin que les idées qu’ils ont reçues en cadeau le jour où ils ont pointé le bout de leur nez dans la maternité. La liberté d’expression je suis contre, tout contre, et tu vas me dire que c’est facile de cracher dans la soupe quand la meuf qui dit ça profite de la virginité d’une page blanche pour lui refiler ses points noirs et son alphabet en vrac qui, tellement ils ont été cuits réchauffés et ont pris l’humidité à faire les cent pas dans son micro-ondes, ressemblent plus à du pâté pour chiens qu’à un mets que les restaurants gastronomiques oseraient afficher sur leur carte. Mais, comme dans le silence de ceux qui prennent la liberté de ne pas s’exprimer, il n’y a rien qui puisse te blesser, il n’y a dans mes textes aucun gourou qui cherche à te convaincre qu’une position vaut mieux qu’une autre dans le livre du Kâma-Sûtra, parce qu’il pourra, au même rythme que tu y crois, s’en mettre plein les fouilles. Mes mots aphones, allongés à moitié nus sur le papier souillé, n’ont rien à te vendre, ni concept ni serment : juste deux-trois questions à poser sous les draps de nos habitudes.

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Chat Qui Louche maykan alain gagnon francophonieMyriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.  Récemment, elle a créé un blogue Un peu d’on mais sans œufs, où elle dévoile sa vision du monde à travers ses mots – oscillant entre prose et poésie – et quelques croquis,  au ton humoristique, dans lesquels elle met en scène des tranches de vie : http://blogmaestitia.xawaxx.org/

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Un tien vaut mieux…, par Myriam Ould-Hamouda

15 décembre 2015

Un tien vaut mieux…

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Tiré du site Marie Cherrier

Un tien vaut mieux que deux tu l’auras ; sauf si on est en train de parler de la tarte que la meuf qui est de l’autre côté du lit menace de te coller dans la pomme, ça va de soi. Et cette tarte-là, aussi garnie de pommes bio soit-elle, n’a rien du dessert parfait que t’avais imaginé pour terminer ce repas de la Saint Valentin : genre moelleux au chocolat au cœur coulant dont t’aurais juste eu le temps de croquer dans la cerise dessus, avant de préférer fondre sur celle qui devant toi entamait un strip-tease plus chaud que le four qui venait de terminer de le cuir. Il y a des desserts qui te laissent sur une fin que tu n’avais pas vue venir et, en règle générale, quand la tarte encore brûlante chauffe ta joue, il est déjà trop tard. Et si tu veux mon avis, tes promesses tièdes et trop humides qui datent du « il était une fois » de l’histoire, mais que tu t’efforces de réchauffer au micro-ondes depuis, c’est comme l’organe dont t’espérais te servir ce soir : tu peux te les coller derrière l’oreille.

Quitte à pisser dans un instrument de musique, autant le faire dans ce pipeau dont le monde adore jouer, si bien qu’il a fini par nous prendre pour des rats et nous emporter avec lui dans ses délires schizo-maniaco-psychotiques ; même si la mélodie ressemble plus souvent au crissement des ongles manucurés de ses princesses et des dents trop longues de ses loups contre le tableau noir qu’à un concerto pour piano de Mozart. Le problème, c’est qu’on nous a appris à nous endormir avec la voix de maman qui devait certainement avaler sa crème Neutrogena pour l’avoir aussi douce que ses mains ; et que, depuis, on passe notre temps à chercher celui ou celle qui saura nous raconter aussi bien ses histoires, juste pour fuir les mêmes choses qu’on craignait à l’époque : l’obscurité, les monstres et la solitude. Sauf que, depuis, si les histoires commencent toujours pareil, elles se terminent rarement par « ils vécurent heureux », un bisou esquimau, tu peux dormir sur tes deux oreilles : sous ton lit, il n’y a rien d’autre que mon amour qui t’attend déjà demain.

Les histoires d’amour finissent mal en général, ouais, mais faut avouer qu’au fond on les a bien cherchées, ces putes. À nous pointer à chaque fois avec nos gueules ouvertes qui attendent leur tétée, mais n’ont rien d’autre à montrer que ces incisives qui ont fini par creuser un trou dans leur parquet. À déposer sous leur sapin un paquet cadeau brillant avec, dedans, toutes nos blessures de mômes et nos rêves d’un futur dont on n’a jamais été foutus de poser les fondations, accompagné d’un petit mot sur du papier cartonné « démerde-toi avec ça ». Il y en a qui pensent que l’amour se résume à deux grandes questions, celle de l’adolescent qui inspire « quand est-ce qu’on sait qu’on aime ? » et celle du vieux qui expire « quand est-ce qu’on sait qu’on n’aime plus ? ». Et qui, comme ils ne laissent jamais l’amour les surprendre à l’attendre impatiemment, n’entendent jamais ce que leurs cancres de voisins leur soufflaient : mec, tu sais que t’aimes au moment où t’arrêtes de te poser la question ; meuf, tu sais que tu n’aimes plus au moment où tu te poses la question.

Les gens adorent nous coller sous le nez leurs « c’est un peu plus compliqué que ça » et nous les faire bouffer à toutes les sauces pour faire passer leur riz trop cuit, et même si la barbe ne fait pas le philosophe : se tripoter la barbichette donne toujours un peu de contenance si tu n’as pas la chance d’avoir un menton à la bogdanoff pour combler le vide entre ta pomme et la poitrine de celle qui faisait les meilleures tartes aux pommes du monde. Mais en vérité, dans l’amour comme dans la vie, il n’y a jamais rien eu de plus compliqué que les graines que tu y sèmes par désespoir et se font haies, fossés, montagnes aussi vites, aussi grands et profonds que ton imagination s’emballe et perd les pédales. Et ce n’est jamais la faute à l’amour, à la meuf ou au mec qui partage ton lit, si l’histoire finit toujours par foirer ; non, c’est toujours d’abord la tienne. À toi qui, allongé sur le ventre ou sur le dos, n’as jamais su te sortir les doigts du cul pour aller sentir ce qui se passait de l’autre côté, arroser ce fruit qui n’attendait que toi pour mûrir et gravir ce septième ciel que tu lui avais promis.
Un tien vaut mieux que deux tu l’auras ; mais qu’on marche seuls ou mal accompagnés, tous les chemins mènent au crématorium : alors, au prochain carrefour, prends le sens de l’humour.

Notice biographique

Chat Qui Louche maykan alain gagnon francophonieMyriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.  Récemment, elle a créé un blogue Un peu d’on mais sans œufs, où elle dévoile sa vision du monde à travers ses mots – oscillant entre prose et poésie – et quelques croquis,  au ton humoristique, dans lesquels elle met en scène des tranches de vie : http://blogmaestitia.xawaxx.org/

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Parions sur la vie, un texte de Myriam Ould-Hamouda…

19 novembre 2015

Parions sur la vie…  

(et si c’est pas sûr, c’est quand même peut-être…)

chat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, QuébecDis-moi, elle ressemble à quoi la vie vue de tes yeux à toi ? Toi qui n’en finis pas de bondir, de sortir les griffes pour de faux et de ronronner comme si de rien n’était. Toi qui n’en finis pas de t’amuser de tous ces petits riens que les grands cons dans mon genre ne savent plus voir. Toi qui n’en finis pas de te frotter aux gambettes de la vie malgré les coups qu’elle t’a déjà donnés. Dis-moi, elle ressemble à quoi la vie vue de tes yeux de tout petit chaton ? Est-ce qu’elle fait mal parfois quand tu loupes ta dernière pirouette, dis-moi comment fais-tu pour toujours retomber sur tes pattes ? Est-ce que tu t’y sens à l’étroit souvent ? Dis-moi comment fais-tu pour ne pas me détester d’amocher ta liberté? Celle à laquelle je tiens comme à la prunelle de mes yeux. Ceux qui se drapent de larmes à mesure que la bêtise humaine l’effrite.
Dis-moi, il ressemble à quoi le monde pour que derrière la fenêtre tu crèves d’envie d’aller coller ton museau dedans ? Dis-moi, est-ce que ton soleil brille fort ? Dis-le-moi, je t’en prie. Mes yeux à moi, depuis vendredi, ne distinguent plus rien qu’une interminable nuit qui n’en finit pas de tomber. Dis-moi, tu dois me trouver bien bête à laisser le temps filer en chialant sur le canapé, hein ? Toi qui la prendrais bien ma place, pour aller farfouiller dans les moindres recoins du monde, et sûrement que tu les y dénicherais ces foutus fragments d’humanité ; pour aller jouer avec le brouillard et sans aucun doute que tu le dissiperais en même temps que la haine et la peur, et peut-être aussi que t’arriverais à le faire voir aux yeux qui n’y arrivent plus : ton soleil qui brille fort.
Dis-moi, y a-t-il quelque chose de mal à préférer être bête parfois, si le genre humain ça ressemble à ça ? Et toi qui regardes par la fenêtre et que je ne parviens plus à lâcher des yeux depuis, je t’assure que si je le pouvais je te la cèderais volontiers, ma foutue place que je ne sais plus occuper qu’à moitié. Alors, je te regarderais baisser la poignée de la porte d’entrée, la claquer entre mon museau et tes pieds. Alors, je miaulerais à la mort, à la vie, à t’en fendre le cœur, si ton cœur n’était pas déjà pris par ce parfum de liberté dont la cruelle humaine que j’étais se pensait en droit de te priver. Alors, je t’en voudrais un peu pour la forme, et puis je retournerais vaquer à mes occupations. Et je n’en finirais pas de bondir, de sortir les griffes pour de faux et de ronronner comme si de rien n’était. Et je n’en finirais pas de m’amuser de tous ces petits riens que les grands cons dans ton genre ne savent plus voir. Et je n’en finirais pas de me frotter aux gambettes de la vie malgré les coups qu’elle m’a donnés. Et, le museau collé à la fenêtre de ce monde en morceaux, je ne distinguerais qu’un soleil qui n’en finit pas de briller. Et de mes yeux de tout petit chaton, le conditionnel, je le mets en bouteille.

Notice biographique

Chat Qui Louche maykan alain gagnon francophonieMyriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.  Récemment, elle a créé un blogue Un peu d’on mais sans œufs, où elle dévoile sa vision du monde à travers ses mots – oscillant entre prose et poésie – et quelques croquis,  au ton humoristique, dans lesquels elle met en scène des tranches de vie : http://blogmaestitia.xawaxx.org/

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)