Yvon Paré nous parle d'André Major…

12 décembre 2016

André Major me fascine depuis toujours…

André Major a publié son dernier roman en 1995. Depuis, il y a eu Le sourire d’Aton ou l’adieu alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec au roman en 2001, où il fait ses adieux à la fiction et son plus récent carnet : « Prendre le large ». Son retour au genre romanesque, avec À quoi ça rime ?, est un événement dans notre monde des lettres. Simplement parce que Major occupe une place particulière dans notre littérature par son œuvre, ses carnets et aussi son travail à Radio-Canada où il a contribué à faire connaître plusieurs écrivains.

J’étais curieux de voir la direction qu’il prendrait après ce long retrait de la fiction. J’ai aimé les carnets, son essai L’Esprit vagabond qui ont marqué cette période où l’écrivain s’attardait à la vie et à la nécessité de l’écriture. Est-ce que le romancier qui savait si bien m’entraîner dans l’errance de ses personnages, la quête d’un monde meilleur, serait au rendez-vous ?
Quel bonheur de retrouver les protagonistes de « L’hiver au cœur ». Antoine est à Lisbonne après le décès d’Huguette, sa compagne. Elle a partagé sa vie jusqu’à sa mort. Une complice qui l’a secoué dans sa tête et son corps. Il est au Portugal pour respecter le vœu d’un oncle un peu fantasque qui souhaitait voir ses cendres dispersées dans le Tage. Un homme qui protégeait ses secrets et savait partir à l’occasion. Ce qui ne l’a pas empêché d’être le protecteur de la famille du jeune Antoine.

Présence de Pessoa

Et le voici dans Lisbonne, posant ses pas dans les pas de Pessoa qu’il relit lentement, au rythme de ses déambulations, de ses arrêts dans un café pour discuter avec Lydia, une jeune serveuse passionnée de littérature. Il y a aussi le « Ulysse » de James Joyce qu’il garde à l’œil.
« Ce à quoi je me prenais à rêver, au cœur de Lisbonne, ce n’était pas de faire des voyages organisés comme mon oncle en avait fait, c’était de me construire une cabane au milieu des pins et des bouleaux, mon loin du torrent, qui serait mon ermitage en quelque sorte, où je comptais non pas méditer sur mon salut éternel, encore moins écrire mes mémoires puisque je jouerais désormais le rôle de l’écrivain défroqué, mais ne rien faire, sinon marcher et lire, relire plutôt les livres qui m’avaient fait mieux voir ce qu’il y a à voir dans ce monde peuplé d’étranges créatures qui font semblant, la plupart du temps, de savoir de quoi est fait leur destin si passager et qui meurent finalement, sans avoir accepté de n’être bientôt plus que des ombres dans la mémoire de leurs survivants ou, pis encore, des cendres refroidissant dans une urne si encombrante qu’on s’empresserait de l’enterrer. » (p.38)
Un endroit où disparaître presque, pas trop loin d’un voisin qui lutte contre le cancer et repousse tous les médicaments. Une vie de lectures et de promenades. Ce rêve hante ses carnets. Jamais Major ne semble plus heureux que quand il se retrouve à la campagne, happé par les tâches les plus simples.

Force de vie

Antoine se rapproche d’Irena même si le souvenir d’Huguette est encore sensible.

« Le lendemain matin, contemplant le visage d’Irena endormie, il m’a semblé que l’ombre de la mort avait reculé et que rien n’était plus gai que les flocons de neige voletant comme du pollen entre les lattes du store. » (p.150)
La vie est là, plus forte que jamais.
Le roman de Major n’est pas très loin de ses carnets. On y retrouve les mêmes préoccupations, des lectures, des réflexions sur la vie et la littérature, les ruptures et les morts qui vous suivent en prenant de l’âge. Une écriture d’une limpidité désarmante pour traduire la vie dans ce qu’elle a de vrai et de beau. alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec
On voudrait accompagner Antoine dans ses promenades en forêt, le regarder se bercer dans ses souvenirs près du poêle à bois ou encore partager ses réflexions sur les livres qu’il relit en buvant un thé. Un bonheur que ce roman. Il est vrai que j’aime Major depuis Le vent du diable paru en 1968. Cet écrivain a été un véritable compagnon depuis toujours. Il faudrait que je trouve le temps de relire son œuvre, en flânant sur ses phrases comme il sait si bien le faire. Quel plaisir de le retrouver ! J’espère qu’il va encore se laisser tenter par la fiction.

« À quoi ça rime ? » d’André Major est paru aux Éditions du Boréal.
http://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/auteurs/andre-major-1108.html

Yvon Paré

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecJournaliste, écrivain et essayiste, Yvon Paré a publié une douzaine d’ouvrages, un essai, des romans, de la poésie et des récits.  Signalons Les plus belles années, Le Réflexe d’Adam, Les Oiseaux de glace et Le souffleur de mots.  Les récits de voyage Un été en Provence, Le tour du lac en 21 jours et Le Bonheur est dans le Fjord ont été écrits en collaboration avec Danielle Dubé.

Lecteur attentif, il a rédigé de nombreux articles portant sur les œuvres des écrivains du Québec dans Le Quotidien et Progrès-Dimanche où il œuvré comme journaliste.  Il collabore à Lettres québécoises depuis une quinzaine d’années en plus d’être l’auteur d’un blogue fort fréquenté.

Le voyage d’Ulysse, un roman où il suit les traces du célèbre personnage d’Homère, en l’invitant au Lac-Saint-Jean et en inventant un monde possible et imaginaire.  Il a remporté le prix Ringuet du roman de l’Académie des lettres du Québec avec ce roman en 2013 en plus du prix fiction du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean.  Son dernier ouvrage, L’enfant qui ne voulait plus dormir, un carnet fort louangé, explore les chemins de la création.

On peut retrouver l’ensemble de ses chroniques sur http://yvonpare.blogspot.com/.


Yvon Paré nous parle de Nancy Huston…

4 décembre 2016

Nancy Huston se penche sur l’acte créateur

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québecCombien de fois, j’ai entendu des gens affirmer ne pas avoir le temps de lire. La vie est si trépidante, si folle qu’il ne reste plus d’espace pour ouvrir un livre, s’attarder à une oeuvre qui exige de la concentration. Ces mêmes personnes vous confient dans un salon du livre qu’ils rêvent d’écrire. Ces propos m’ont toujours laissé bouche bée.

Nancy Huston, dans «L’espèce fabulatrice», aborde cette question. Elle visitait une prison de Paris quand une détenue lui a lancé: «À quoi ça sert d’inventer des histoires, alors que la réalité est déjà tellement incroyable?»

L’écrivaine n’a su que répondre. Cette femme lui demandait pourquoi elle perdait son temps à écrire? Et pourquoi elle s’étourdissait à lire.

Madame Huston a noirci 200 pages pour répondre, démontrant que l’être humain trouve son sens, sa particularité et «son âme» dans ce pouvoir de créer des histoires.

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québecQu’on le veuille ou non, des fictions animent nos sociétés et occupent tous les bulletins de nouvelles. La croissance continue, la libre circulation des biens et des gens, la lutte au terrorisme, l’excellence et la productivité, la croissance de l’indice du bonheur dans la consommation constituent les volets d’une même fable. Certains tribuns préfèrent se boucher les yeux et les oreilles, répéter que l’on peut raser des forêts, brûler du pétrole sans compter, utiliser tous les fertilisants chimiques imaginables, polluer les eaux sans affecter l’environnement et la planète. Le réchauffement de la Terre rejoint les aventures de Superman dans leur esprit.

La lecture

Nancy Huston emprunte bien des méandres avant d’en arriver à la lecture et à l’écriture.
«Les pays où les individus ont le droit de retravailler les fictions identitaires reçues – le droit de changer de religion, de parti politique, d’opinion, voire de sexe – sont aussi les pays où sont écrits et lus des romans.» (p.178)

Un peu plus loin elle explique: «Plus on se croit réaliste, plus on ignore ou rejette la littérature comme un luxe auquel on n’a pas droit, ou comme une distraction pour laquelle on est trop occupé, plus on est susceptible de glisser vers l’Arché-texte, c’est-à-dire dans la véhémence, la violence, la criminalité, l’oppression de ses proches, des femmes, des faibles, voire de tout un peuple.» (p.180)

La lecture d’oeuvres de fiction aurait aussi un effet «civilisateur» sur les populations. Elle favorise l’autre point de vue, le respect, les comparaisons et les parallèles. Les États où on lit de moins en moins sont des pays où la liberté individuelle et collective perd du terrain.
«Tant dans son émergence historique que dans sa consommation courante, le roman est inséparable de l’individu. Il est intrinsèquement civilisateur.» (p.179)

Pas le temps

Pourquoi si peu de temps est consacré à la lecture au Québec? Il y a la télévision et le cinéma bien sûr. Le cinéma, je veux bien. On y invente des œuvres réfléchies, ficelées, exigeantes, proposant de nouvelles lectures de notre réalité. Signalons les films de Denys Arcand. Au théâtre, les œuvres de Robert Lepage, de Daniel Danis, Michel Marc Bouchard, Évelyne de la Chenelière et Larry Tremblay proposent un regard autre, décortiquent et permettent une «réflexion nécessaire», ouvrent des chemins et questionnent nos façons d’être.

Pour la télévision de «Paquet voleur» ou de «Loft Story», permettez mois d’avoir des doutes. Bien sûr, tout n’est pas parfait dans le monde de la fiction. On y trouve du pire, du meilleur et du jetable.

Lire, c’est comparer, bousculer, secouer des idées, se définir devant les dogmes dominants qui aspirent nos sociétés et marquent toutes les activités. J’imagine que l’on pourrait favoriser l’implication des jeunes en politique par la lecture dans les écoles. Avez-vous entendu quelqu’un pendant les dernières élections fédérale et provinciale proposer un programme de lecture? Est-ce pour cela que notre démocratie bat de l’aile, que la participation à ces mêmes élections ne cesse de reculer?

Il faut s’inquiéter devant le temps de lecture qui s’étiole au Québec comme partout dans le monde. La santé de la pensée et de la démocratie est touchée. Certains en profitent, soyez en assurés, pour imposer leurs fictions productivistes et irresponsables.

L’espèce fabulatrice de Nancy Huston est paru aux Éditions Actes Sud/Leméac.

Yvon Paré

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecJournaliste, écrivain et essayiste, Yvon Paré a publié une douzaine d’ouvrages, un essai, des romans, de la poésie et des récits.  Signalons Les plus belles années, LeRéflexe d’Adam, Les Oiseaux de glaceetLe souffleur de mots.  Les récits de voyageUn été en Provence, Le tour du lac en 21 jours et Le Bonheur est dans le Fjord ont été écrits en collaboration avec Danielle Dubé.

Lecteur attentif, il a rédigé de nombreux articles portant sur les œuvres des écrivains du Québec dans Le Quotidien et Progrès-Dimanche où il œuvré comme journaliste.  Il collabore à Lettres québécoises depuis une quinzaine d’années en plus d’être l’auteur d’un blogue fort fréquenté.

Le voyage d’Ulysse, un roman où il suit les traces du célèbre personnage d’Homère, en l’invitant au Lac-Saint-Jean et en inventant un monde possible et imaginaire.  Il a remporté le prix Ringuet du roman de l’Académie des lettres du Québec avec ce roman en 2013 en plus du prix fiction du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean.  Son dernier ouvrage, L’enfant qui ne voulait plus dormir, un carnet fort louangé, explore les chemins de la création.

On peut retrouver l’ensemble de ses chroniques sur http://yvonpare.blogspot.com/.


Yvon Paré nous parle de Robert Lalonde…

21 novembre 2016

Robert Lalonde et la question de l’existence

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec

Robert Lalonde revient à la manière de Iotékha, au Monde sur le flanc de la truite et  Où vont mourir les sizerins flammés en été avec Le seul instant. Des lectures, des réflexions et des découvertes qui s’enchevêtrent d’une belle manière.

Du 15 mai au 15 septembre 2009, l’écrivain s’installe à Sainte-Cécile-de-Milton. Il pleut quasi à tous les jours. Un été de nuages avec un soleil timide. Il se rabat sur certaines lectures, l’écriture et quelques travaux. Et il y a ce ciel barbouillé qu’il tente de peindre.

« J’essaie encore, cette fois à la gouache. Il me faut parvenir à confisquer ce continuel ciel de pluie qui commence à me taper sur les nerfs. Bien sûr, c’est plus facile – à tout le moins pour partir. Je mélange les bleus, les gris, un soupçon de noir avec le blanc opalin et badigeonne ou plutôt, tamponne à l’éponge la feuille de ma mixture charbonneuse, labile, grossièrement orageuse. » (p.41)
Il n’en fera qu’un gâchis, mais qu’importe !

Lecture

L’écrivain fréquente Teilhard de Chardin, Oscar Wilde, Enrique Vila-Matas et Wittgenstein. Les livres traînent partout et il y puise au hasard de ses occupations ou de ses préoccupations. Ils sont nombreux les compagnons qui le houspillent et le figent entre deux gestes.

« Je ferme les yeux et me récite à voix basse ces mots de Jacques Rivière, qui a lui aussi dix-sept ans et qui écrit à son ami Alain-Fournier – je les ai lus hier et les ai appris par cœur, comme autrefois mes prières : Le bonheur n’est que cette palpitation précaire de la main tendue vers son bien. Ce n’est que cela. Et rien ne permet d’appeler autre chose le bonheur, puisque nous ne connaissons que cela. » (p.15)

Des jours où il oscille entre les tentatives d’écriture, les tableaux, des randonnées, des moments magiques où il surprend les chevreuils dans un boisé ou la paruline, véritable éclat de lumière dans la grisaille du jour. L’étang l’attire, la lisière du bois, le lointain comme le proche. Il va en suivant le chien, le chat qui disparaît et revient. Il explore la forêt parce que « lire, c’est traduire ». Une méditation devant le monde familier et toujours étonnant.

Quête

L’écriture est un outil qui permet de comprendre peut-être, d’espérer un peu de repos.
« Ça se passera un jour de pluie, et il y aura des chats impatients, des mouches agaçantes, une vilaine brumasse accrochée aux arbres. Il y aura du désespoir, de la désolation, un soleil absent depuis trop longtemps. Et il y aura un personnage – moi et pas moi – à qui je donnerai des yeux doux et un cœur triste, un cœur faible, mais fidèle. » (p.79)

Un questionnement qui se retourne contre soi, une quête qui se modifie à tous les jours.
« Qui suis-je, au fond ? Un guetteur, un pisteur, un espion et un mouchard : un écrivain. Pour le reste, je suis comme chacun, celui qui se met en file, obéit et espère ressortir vivant (et toujours capable de voir) des échauffourées quotidiennes. » (p.68)

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québecL’écrivain nous entraîne dans l’hésitation où la vie trouve son sens et sa plénitude. Il faut prendre le risque de suivre Robert Lalonde. Plonger dans l’un de ses carnets, c’est tout délaisser pour trouver un ami qui se confie et se livre sans retenue. Une expérience existentielle à chaque fois. Le récit présente aussi des pastels et des aquarelles de l’auteur. Une autre manière d’explorer son monde.

Le seul instant de Robert Lalonde est paru aux Éditions du Boréal.
http://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/auteurs/robert-lalonde-308.html

Yvon Paré

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecJournaliste, écrivain et essayiste, Yvon Paré a publié une douzaine d’ouvrages, un essai, des romans, de la poésie et des récits.  Signalons Les plus belles années, LeRéflexe d’Adam, Les Oiseaux de glaceetLe souffleur de mots.  Les récits de voyageUn été en Provence, Le tour du lac en 21 jours et Le Bonheur est dans le Fjord ont été écrits en collaboration avec Danielle Dubé.

Lecteur attentif, il a rédigé de nombreux articles portant sur les œuvres des écrivains du Québec dans Le Quotidien et Progrès-Dimanche où il œuvré comme journaliste.  Il collabore à Lettres québécoises depuis une quinzaine d’années en plus d’être l’auteur d’un blogue fort fréquenté.

Le voyage d’Ulysse, un roman où il suit les traces du célèbre personnage d’Homère, en l’invitant au Lac-Saint-Jean et en inventant un monde possible et imaginaire.  Il a remporté le prix Ringuet du roman de l’Académie des lettres du Québec avec ce roman en 2013 en plus du prix fiction du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean.  Son dernier ouvrage, L’enfant qui ne voulait plus dormir, un carnet fort louangé, explore les chemins de la création.

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Yvon Paré nous parle de Lise Tremblay…

6 novembre 2016

Un vrai bonheur signé Lise Tremblay

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

Pour connaître un peu Lise Tremblay, j’ai eu l’impression tout au long de ma lecture de l’entendre rire, raconter ses histoires avec l’humour qui lui est propre. Difficile de ne pas confondre la narratrice avec la romancière qui nous ramène à Chicoutimi-Nord, rue Mésy, à la fin des années soixante.

Son héroïne, une jeune fille de douze ans, voit sa vie basculer pendant ce qui devait être l’été de tous les enchantements.

Claire, la sœur de Judith, sa meilleure amie, la plus belle fille de la ville, doit rencontrer Bruce des Sultans et l’accompagner lors de sa grande tournée d’adieu. La danseuse à gogo est victime d’un accident d’auto et les rêves s’effritent. Même son mariage n’est plus possible avec le fils des Blackburn, un futur médecin. Marius, le garçon qui capte tous les regards, trahit en épousant une fille ordinaire en délaissant son uniforme de joueur de baseball. Le monde s’effrite.

Surtout, la fillette prend la relève de sa mère pour « faire le ménage », surveiller ses frères et garder chez des voisins pour amasser un peu d’argent. Elle confronte la violence, la mort, la folie, la sexualité et s’éloigne peu à peu de Judith. À Chicoutimi-Nord, comme partout au Québec, l’époque est incertaine en ce début de Révolution tranquille. Comme si tous les secrets de famille sortaient sur la galerie pour se promener au grand jour.

Fillette inoubliable

Des personnages fascinants. Une mère qui a sacrifié ses rêves en se mariant, mais qui est demeurée rétive, ne jurant que par l’éducation, refusant les chimères qui font soupirer les adolescentes et bomber le torse aux garçons. La politique la fascine et elle n’hésite surtout pas à faire connaître ses idées.

« Ça fait deux semaines que l’école est finie. Je ne peux pas beaucoup sortir parce que ma mère est toujours partie le soir. Elle fait du porte-à-porte dans le quartier pour faire élire un nouveau maire parce que l’autre, celui qui est là depuis vingt ans, est un vrai voleur et c’est le temps que les choses changent. Je n’aime pas qu’elle se mêle de cela, même monsieur Bolduc l’a dit à mon père, il ne laisserait pas madame Bolduc faire de la politique ainsi. Ce n’est pas la place des femmes. » (p.37)

Peu à peu le lecteur surprend des drames, des obsessions et des vies ratées dans ce quartier pourtant bien tranquille. La rue Mésy est un champ d’initiation qui glisse vers l’avenir et défait le passé. Il y a aussi cette passion pour les livres et des découvertes qui font espérer un monde autre. Tout peut être différent, peut-être…

Thèmes marquants

On retrouve dans « La sœur de Judith », une fascination pour la nourriture, l’obésité et les livres. Des thèmes qui marquent tous les ouvrages de Lise Tremblay.
« Le bonhomme Soucy n’était toujours pas réapparu. J’ai écouté ce que ma mère disait au téléphone à madame Bolduc. Après, elle a explosé : elle m’a dit d’arrêter de l’espionner comme ça. Je ne sais pas ce qui m’a pris mais j’ai explosé moi aussi. Ça m’arrive parfois, je ne peux pas m’en empêcher. Je lui ai crié qu’elle ne voulait jamais que je sorte, qu’elle trouvait toujours des défauts à mes amies. Je me demandais bien où je pouvais aller, je ne pouvais pas disparaître. Je ne voulais pas, mais je me suis mise à pleurer. Je suis partie dans ma chambre. J’ai pris un « Brigitte » et comme toujours, quand je commence à lire, j’oublie et je cesse de pleurer. » (p.80)

Un portrait saisissant ! Qui sait, la rue Mésy à Chicoutimi-Nord deviendra peut-être aussi connue que la rue Fabre de Michel Tremblay un jour. Sans doute à cause de la mère qui subjugue malgré ses sautes d’humeur, du père si compréhensif qui doit s’exiler dans la forêt et tous les malmenées qui viennent se confier dans cette cuisine qui fait honte à la narratrice. Un véritable éloge du quotidien et de la vie dans ce qu’elle a de plus simple.

Cette fois, plus que jamais, l’écriture de Lise Tremblay laisse la place aux personnages et ne cherche jamais à compliquer les choses. Un pur bonheur.

La sœur de Judith de Lise Tremblay est paru chez Boréal Éditeur.
http://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/auteurs/lise-tremblay-1586.html

Yvon Paré

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecJournaliste, écrivain et essayiste, Yvon Paré a publié une douzaine d’ouvrages, un essai, des romans, de la poésie et des récits.  Signalons Les plus belles années, LeRéflexe d’Adam, Les Oiseaux de glace etLe souffleur de mots.  Les récits de voyageUn été en Provence, Le tour du lac en 21 jours et Le Bonheur est dans le Fjord ont été écrits en collaboration avec Danielle Dubé.

Lecteur attentif, il a rédigé de nombreux articles portant sur les œuvres des écrivains du Québec dans Le Quotidien et Progrès-Dimanche où il œuvré comme journaliste.  Il collabore à Lettres québécoises depuis une quinzaine d’années en plus d’être l’auteur d’un blogue fort fréquenté.

Le voyage d’Ulysse, un roman où il suit les traces du célèbre personnage d’Homère, en l’invitant au Lac-Saint-Jean et en inventant un monde possible et imaginaire.  Il a remporté le prix Ringuet du roman de l’Académie des lettres du Québec avec ce roman en 2013 en plus du prix fiction du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean.  Son dernier ouvrage, L’enfant qui ne voulait plus dormir, un carnet fort louangé, explore les chemins de la création.

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Yvon Paré nous parle d'André Girard…

22 octobre 2016

André Girard explore la belle ville de Moscou

André Girard aime les grandes villes, leur frénésie, l’architecture, les parcs, les alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecmusées et ces petits bistrots où la vie devient lente.
Moscou Cosmos, le second volet de sa suite hôtelière, nous entraîne dans la Russie d’après la perestroïka. Le socialisme marque le paysage même si tous s’appliquent frénétiquement au capitalisme. L’aventure, nous nous en souvenons, a débuté avec « Port-Alfred Plaza ». Le couple entraînera le lecteur à Tokyo et Istanbul jure l’auteur.
Étienne donne des cours de français et de culture québécoise à Moscou. Johanna de Port-Alfred étudie les sciences politiques, le droit et le commerce international à Nottingham. Elle participe avec ses collègues à un séminaire à Moscou en compagnie du professeur Chadwick, son mentor. Le couple s’est revu à Prague l’année précédente. Des heures sulfureuses. Ils se promettent tous les excès au grand hôtel Cosmos.

Séjour

Le séjour de Johanna prend une tournure inattendue. La délégation l’occupe et il y a toutes les obligations mondaines. Ils visitent les musées, s’attardent dans des galeries, des bistrots renommés, des restaurants et des sites historiques. Étienne se fait un guide attentif et le désir s’exprime par les regards, des frôlements et des murmures. Ils ne sont jamais seuls. Les conférences, les cocktails empêchent les amants de plonger dans la quintessence de la fête amoureuse. Les séances érotiques, la blouse d’étudiante que l’on découpe avec les gestes du chirurgien, il faut les oublier. Les fantasmes demeurent dans les valises.
Cette situation ne semble pas trop perturber Étienne. Son père, un professeur à la retraite, un marxiste qui a cru au grand soir vient de quitter Moscou. Pour le père et le fils, ce séjour a permis la rencontre. Pour la première fois ils se sont vus en complices et amis.
« C’est qu’au printemps, quand ça s’est concrétisé avec l’achat de son billet d’avion, j’ai pris conscience de l’énormité de la chose. Un beau projet quand on en parle comme ça, mais là, ça devenait réalité. Ce n’était pas la panique, mais j’éprouvais une certaine appréhension à l’idée qu’il allait venir nous encombrer en pleine chaleur du mois de juin. Je me demandais comment mes colocs allaient le prendre. Tu sais, quand mon père part dans ses grandes envolées, il n’est pas toujours reposant. » (p.35)
Étienne permet à Johanna de lire un compte-rendu de la visite de son père. Parce qu’il est l’auteur de Port-Alfred Plaza et de Moscou Cosmos. Les personnages existent dans la vraie vie et dans le roman.

L’ailleurs

Le séjour du paternel a tout changé. Comme s’il fallait aller à l’étranger pour oublier les blocages et vivre la réconciliation. La libido, le désir et l’amour atteignent des sommets inégalés dans les villes lointaines. Il faut être ailleurs semble dire Girard pour dénouer ses problèmes existentiels. Le fils et le père se comprennent pour la première fois. Johanna et Étienne connaissent le meilleur de la passion dans ces rendez-vous.
« Après avoir versé du rouge, je me suis mis à table : libres tous les deux, chacun ses projets, ne pas connaître l’avenir. Et puis, les études à l’étranger, c’est une belle invention, surtout quand les champs d’action se situent aux antipodes. En fait, ai-je ajouté, nous avons conclu ce pacte pour garder le contact, et tu lui as précisé que, loin d’être astreignant, c’était plutôt stimulant. Laisser venir les choses, s’ajuster en temps et lieu ; ne pas voir trop loin et vivre pleinement ce que nous avons à vivre. » (p.95)
Surtout que le père croise la belle Irina. C’est le coup de foudre. Ils se retrouveront à Paris. La vie est ailleurs. Le père met ses pas dans ceux du fils.

La ville

Moscou, la grande cité avec ses merveilles et ses laideurs, demeure le sujet de cealain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec roman. Les visites de Johanna et du père ne sont qu’un prétexte pour discourir sur cette ville, ses attractions, effleurer une culture fascinante, ses splendeurs et son art de vivre.
André Girard sillonne cette agglomération avec un enthousiasme contagieux. Il donne envie de partir sac au dos. L’art et la littérature devenant le fil conducteur de ce parcours singulier.
Espérons que l’écrivain fera passer ses personnages par Montréal et Québec. Le voyage étant l’art de l’éphémère, ce serait là une belle occasion de donner de l’étoffe à cette Juliette et ce Roméo de notre époque.

Moscou Cosmos d’André Girard est publié aux Éditions Québec-Amérique.
http://www.quebec-amerique.com/auteur-details.php?id=479

Yvon Paré

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecJournaliste, écrivain et essayiste, Yvon Paré a publié une douzaine d’ouvrages, un essai, des romans, de la poésie et des récits.  Signalons Les plus belles années, LeRéflexe d’Adam, Les Oiseaux de glace etLe souffleur de mots.  Les récits de voyageUn été en Provence, Le tour du lac en 21 jours et Le Bonheur est dans le Fjord ont été écrits en collaboration avec Danielle Dubé.

Lecteur attentif, il a rédigé de nombreux articles portant sur les œuvres des écrivains du Québec dans Le Quotidien et Progrès-Dimanche où il œuvré comme journaliste.  Il collabore à Lettres québécoises depuis une quinzaine d’années en plus d’être l’auteur d’un blogue fort fréquenté.

Le voyage d’Ulysse, un roman où il suit les traces du célèbre personnage d’Homère, en l’invitant au Lac-Saint-Jean et en inventant un monde possible et imaginaire.  Il a remporté le prix Ringuet du roman de l’Académie des lettres du Québec avec ce roman en 2013 en plus du prix fiction du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean.  Son dernier ouvrage, L’enfant qui ne voulait plus dormir, un carnet fort louangé, explore les chemins de la création.

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Yvon Paré nous parle de Nicole Houde…

3 octobre 2016

Nicole Houde poursuit sa patiente exploration 

(jeudi 18 septembre 2014)

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecEn 1984, j’ai sursauté en voyant dans les dépêches de la Presse canadienne que Nicole Houde remportait le Prix littéraire des jeunes écrivains du Journal de Montréal. Comment deviner qu’elle deviendrait une figure importante de notre littérature ? Je travaillais alors comme adjoint au chef de pupitre au journal Le Quotidien. Nous en avions fait une manchette à la Une. L’auteure, originaire de Saint-Fulgence, faisait une entrée remarquée dans le monde littéraire. Ce fut le début pour elle d’une aventure d’écriture et pour moi, un bonheur de lecture. Les choses ont bien changé depuis : Le Journal de Montréal ne s’intéresse plus aux jeunes écrivains et Nicole Houde a produit une œuvre originale et fascinante.

Trente ans de publications, des ouvrages percutants où l’écrivaine s’approprie un univers singulier. Le Saguenay surgit souvent sous sa plume, particulièrement Saint-Fulgence, L’Anse-Saint-Jean et Rivière-Éternité, où des femmes, marquées par une fatalité héréditaire, luttent pour survivre. Dans La Maison du remous, Laetitia est marquée au corps et à l’esprit par une génétique impossible à déjouer. Ces victimes écrasées par la maternité vivent un véritable enfer. Un livre que j’ai lu à plusieurs reprises. J’ai trouvé dans ce roman un écho à mes Oiseaux de glace où Thérèse est attirée par les promesses d’Ovide, son mari. Isolée, battue, perdue au fond des bois, elle survit grâce à son imaginaire et sa colère. Que dire de Je pense à toi où elle aborde la figure du père, un sujet longtemps attendu, un récit particulièrement dense et bouleversant.
Il faudra une douzaine d’ouvrages avant de retrouver le sourire, de s’abandonner à son humour singulier. Portraits d’anciennes jeunes filles est un ouvrage remarquable, une embellie dans l’univers de cette écrivaine qui confronte souvent un destin qui ne fait jamais de concessions.
Dans La vie pour vrai, sa quatorzième publication, la romancière plonge dans un monde qu’elle a visité dans La chanson de Violetta. On se souvient de ce personnage de jeune déficiente qui entendait bousculer le monde.

Je me regarde dans le miroir. Je brûle d’envie d’aller de l’autre côté, de saisir les mains de ma vie et de lui murmurer : « Jeune fille du carbonifère, il y a très longtemps que nous patientons. Ce matin, je suis décidée, je te promets que tout va changer, tu n’as plus rien à craindre. La déficience légère, la solitude et la mort sont des mots que les dinosaures n’ont jamais entendus ; pourtant, ils régnèrent sur l’univers pendant cent trente-cinq millions d’années, se gavant de feuillages et de racines d’arbres jusqu’à complet épuisement. [1]

Céleste ne rêve peut-être pas de transformer le monde même si elle a deux ou trois choses qu’elle aimerait changer. Elle réside dans un foyer où des pensionnaires plus âgées semblent étirer le temps. Denise, sa seconde mère, l’aime bien. Il y a aussi le centre où elle retrouve des amis. Un monde où Grise la chatte devient sa confidente, où un gâteau au chocolat est un festin.

Il y a des mots que je n’aime pas. L’autorité dit que je suis déficiente. Il y a une échelle : léger, moyen, profond. [2]

Des spécialistes ont tranché. Céleste est comme un objet sur une tablette. Une manière de se faire dire que l’on est à part et que l’on ne peut rien décider par soi. Comme si elle était un ustensile dans une cuisine.

Henriette, la déficiente la plus légère d’entre nous, a expliqué son opinion : « Léger, moyen, profond, c’est comme les barreaux d’une échelle. » J’ai 38 ans, Henriette et Rita aussi. Normand en a 45. Voilà, nous avons des problèmes avec une échelle. [3]

Elle vit surtout une peine qui ne la lâche pas. Sa mère est morte et elle se sent terriblement abandonnée. Elle aime croire qu’elle est là, qu’elle vient lui jouer dans les cheveux parfois, l’encourager dans les moments où il ne reste plus que les larmes. Il suffit d’avoir une formule, de savoir la chanter et le fantôme approche, lui fait un clin d’œil dans un tableau.
Le dessin occupe une place importante dans son quotidien tout comme dans La chanson de Violetta. Il en est souvent ainsi dans les romans de Nicole Houde. Céleste, qui voudrait bien changer son nom pour Céline Dion, est habile avec ses crayons et les couleurs. Elle dessine les gens autour d’elle, des chats, des dinosaures et des cartes de Noël. Elle remporte aussi des prix. Tout passe dans ces petites scènes où l’artiste naïve se demande si son existence a une direction et si son rêve d’un grand lit et d’une maison pour abriter le grand amour est possible. Elle a beau être coincée entre les barreaux d’une échelle, elle vit ce que les hommes et les femmes ressentent.

Questions

Qu’est la vie ? A-t-elle un sens ? Qu’arrive-t-il quand la mort vous saisit ? Et il y a sa sœur, les chats, l’amour que vivent ses amies. Son cœur ne fait qu’un tour devant Victor aux yeux bleus, un homme bâti comme une armoire à glace. Elle étonne aussi les intervenants par sa capacité de lecture. Sa plongée dans L’histoire de Pi a été une aventure et elle pourrait en dire des choses étonnantes. Comment faire autrement quand on a eu une mère écrivaine ? Sa vie va donc entre ses chagrins, ses douleurs, ses espoirs, sa sœur, Alexis et Ondine avec qui elle s’entend plutôt bien. Ils ont peut-être le même âge. Cela ne l’empêche pas d’avoir des entretiens sérieux avec sa sœur Anna qui l’aide à comprendre les sensations qu’elle éprouve quand Victor l’embrasse.
Elle adore ses escales au Jardin botanique de Montréal pour le repos, la beauté, les arbres, les magnolias surtout qui apportent le bonheur et la paix. Le Jardin botanique occupe une place importante dans les romans de cette romancière. Il est un territoire magique où il est possible de croire à la beauté du monde, au pouvoir des arbres et des fleurs, à une présence qui efface tout ce qui est pénible.

Écriture

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecBien sûr, cette entreprise tient par l’écriture, une façon unique de dire la pensée de Céleste, Son héroïne ne possède pas une logique cartésienne ou linéaire. Sa pensée circulaire semble aller dans toutes les directions. Mais jamais elle ne s’éloigne de l’essentiel, du vécu, de l’émotion.

Ma sœur est née dans un roman de Tolstoï avant d’être dans le ventre de maman ; là-bas, elle a appris les mots des consolations de Tolstoï. Il y a toujours une bouteille de vodka chez Anna qui ne renie pas ses origines, c’est elle-même qui m’a fait cette déclaration. [4]

La compréhension du monde passe par un imaginaire foisonnant qui ne se préoccupe jamais des balises. Céleste invente une carte de Noël où le diable s’approche ou encore drape Marie et Joseph des habits qu’elle a vus lors d’un gala à la télévision. La frontière entre le concret, le raisonnable et le rêvé est abolie et lui permet de se consoler avec le fantôme de sa mère, de vivre une formidable histoire d’amour avec Victor, de se buter à la mort comme tous les vivants finissent par le faire. Les petites trahisons, les histoires d’amours impossibles, la mort subite de sa meilleure amie bousculent tout. Céleste fait face avec courage même si elle maîtrise mal ses émotions.
Voilà une âme pure, spontanée qui s’invente des histoires folles où un chat adore une souris. Un monde à l’abri du temps et où tous cherchent la paix, l’harmonie et le bonheur. N’est-ce pas ce que tout humain bien né tente d’approcher ? Ses petits romans sont des délices que j’ai retrouvés avec plaisir tout au long de cette narration. Je les attendais comme un délice au chocolat.
Encore une fois, le lecteur se retrouve dans un milieu peu connu, un univers singulier, mais qui est là avec ses drames, ses intrigues, ses histoires et ses désespoirs. Toujours juste, touchant, beau d’imagination et d’images. On se surprend à aimer cette Céleste de 38 ans qui a su protéger son enfance.
Une œuvre d’une force remarquable, sans faux pas en trente ans. Toujours juste, étonnante, démontrant une empathie pour ceux et celles pour qui le quotidien est un combat de libération. Heureusement, il y a de grandes âmes qui apportent un peu de douceur dans un univers qui serait autrement terriblement cruel. La romancière, encore une fois, se montre attentive à ceux qui n’ont pas de voix dans notre société, ceux que l’on aimerait éviter sur un trottoir quand ils viennent vers vous. Simplement parce qu’ils sont différents, qu’ils vivent autrement, qu’ils disent les choses avec d’autres mots.

La vie pour vrai de Nicole Houde est paru aux Éditions de la Pleine lune.
________________________________________

[1] Houde Nicole ; La chanson de Violetta, roman, 1998, Éditions de La Pleine lune, p.13.
[2] Houde Nicole ; La vie pour vrai, roman, 2014, Éditions de La Pleine lune, p.11.
[3] Houde Nicole ; La vie pour vrai, roman, 2014, Éditions de La Pleine lune, p.42.
[4] Houde Nicole ; La vie pour vrai, roman, 2014, Éditions de La Pleine lune, p.74.
http://www.pleinelune.qc.ca/cgi/pl.cgi?titre=La%20vie%20pour%20vrai

(La critique est un art, tout comme les formes d’art qui sont ses objets.  Elle exige culture et empathie intelligente de la part de ceux et celles qui le pratiquent.  Ce n’est pas à la portée de tous.  Elle se fait rare chez nous.  Yvon Paré, tout comme Dominique Blondeau, s’y livre avec pertinence et persistance.  Dans les journaux de la Maison de la Presse d’abord ; dans un blogue qu’il gère maintenant – Littérature québécoise.  Plusieurs de ses articles sont des morceaux d’anthologie.  Le Chat Qui Louche en a choisi et vous les offre avec l’émotion que l’on ressent à présenter ce qui vaut pour l’histoire littéraire de durer.  Merci à Yvon Paré d’en permettre la reproduction.  AG)

Yvon Paré

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecJournaliste, écrivain et essayiste, Yvon Paré a publié une douzaine d’ouvrages, un essai, des romans, de la poésie et des récits.  Signalons Les plus belles années, Le Réflexe d’Adam, Les Oiseaux de glace et Le souffleur de mots.  Les récits de voyage Un été en Provence, Le tour du lac en 21 jours et Le Bonheur est dans le Fjord ont été écrits en collaboration avec Danielle Dubé.

Lecteur attentif, il a rédigé de nombreux articles portant sur les œuvres des écrivains du Québec dans Le Quotidien et Progrès-Dimanche où il œuvré comme journaliste.  Il collabore à Lettres québécoises depuis une quinzaine d’années en plus d’être l’auteur d’un blogue fort fréquenté.

Le voyage d’Ulysse, un roman où il suit les traces du célèbre personnage d’Homère, en l’invitant au Lac-Saint-Jean et en inventant un monde possible et imaginaire.  Il a remporté le prix Ringuet du roman de l’Académie des lettres du Québec avec ce roman en 2013 en plus du prix fiction du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean.  Son dernier ouvrage, L’enfant qui ne voulait plus dormir, un carnet fort louangé, explore les chemins de la création.

On peut retrouver l’ensemble de ses chroniques sur http://yvonpare.blogspot.com/.

 


Stendhal et lectorat, par Alain Gagnon…

10 février 2016

 Dires et redires…

Cette remarque d’un de mes professeurs me revient : « Vous aimez les biographies, jeune homme ? Vous aimez vivre par procuration. » Lui, évidemment, ne lisait que du très sérieux : romans et, surtout, ouvrages pompeux et pompiers sur les théories littéraires. Ce n’est pas cette conversation qui a mis fin à notre amitié maître-étudiant. Quelques semaines plus tard, je lui annonçais avoir acquis La Chartreuse de Parme. Il rétorque : « Avant de le lire, vous devriez prendre connaissance de l’ouvrage d’un tel sur les défaillances au lit de Stendhal, l’article d’un tel sur la prose stendhalienne et le beylisme… »

Et moi, de répliquer : « Vous ne pensez pas que je devrais d’abord aller au texte ? » Il m’a regardé comme si j’étais le dernier des demeurés.

(Le chien de Dieu)

*

Message d’une passionnée de littérature. Elle me félicite de persister à écrire de vrais romans, de ne pas sacrifier aux modes, de ne pas chercher à plaire à l’institution littéraire… J’espère que ma réponse ne la décevra pas trop :

On ne félicite pas quelqu’un parce qu’il a les yeux verts, mesure 2 m ou a les cheveux roux. Il est idiot de féliciter quelqu’un qui vient de gagner à la loterie. On peut être content pour lui, mais on ne le congratule pas : il n’y a là que chance aveugle -aucun mérite.

J’écris les livres que j’aimerais lire ou que je peux écrire. Croyez-moi, je me souhaite un lectorat plus large, ne serait-ce que pour avoir plus de poids auprès des éditeurs. Je ne fais vraiment pas exprès. Si mes textes déstabilisent ou déconcertent, je n’y suis pour rien : je ne saurais écrire autrement, je suis fait comme ça.

Continuez à me lire quand même.

J’y suis peut-être allé un peu fort… Étant donné mon lectorat restreint, chaque lecteur représente une perle rare, un client précieux à ne pas froisser.

(Le chien de Dieu)

L’auteur…

Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecdu Livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Thomas K (Pleine Lune, 1998).  Quatre de ses ouvrages en prose sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale (2003), Jakob, fils de Jakob (2004),Le truc de l’oncle Henry (2006) et Les Dames de l’Estuaire (2013).  Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel (Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011).  En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010).  Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan, Chronique d’Euxémie et Cornes (Éd. du CRAM), et Le bal des dieux (Marcel Broquet).  On compte également plusieurs parutions chez Lanctôt Éditeur (Michel Brûlé), Pierre Tisseyre et JCL.  De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue.  Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche 1 et 2 (https://maykan.wordpress.com/).

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


À lire : le dernier roman d’Yvon Paré…

26 février 2015

Le voyage d’Ulysse

Pour tous les passionnés de l’épopée jeannoise et de la littérature d’ici : je ne vous conseillerai jamais assez de vous procurer le dernier roman de mon « pays[1] », l’écrivain Yvon Paré.  Un livre de fondement ; un livre qui relie l’histoire des humains, animaux, saisons, plantes et rivières, pour former un tout qui rappelle parfois les tableaux du peintre-barbier Arthur Villeneuve, où se confondent, s’agglomèrent les catégories d’êtres, les espaces et les temps.  Un tissu autre que celui de la causalité donne cohérence à cette œuvre, celui de l’imaginaire collectif et des imaginaires individualisés de l’auteur et de ses lecteurs. Je laisse l’écrivain présenter son ouvrage.  AG

chat qui louche maykan alain gagnon francophonie Le monde d’Homère au Lac-Saint-Jean — Je me permets de vous présenter mon nouveau roman : Le voyage d’Ulysse.  Une épopée qui vous fera voyager dans L’Odyssée d’Homère et les légendes amérindiennes, plonger dans le monde réel et inventé du Lac-Saint-Jean.

Ulysse quitte le Bout du Monde pour un long périple.  Devant lui, avalant l’horizon, le Grand Lac sans fin ni commencement.  Qu’y a-t-il dans ce monde que sa grand-mère Allada, une sorcière, évoque en fermant les yeux ?  Un renard et un tamia l’accompagneront dans un village où le maire a inventé la démocratie totalitaire.  Il y a aussi Alexis le Trotteur, dont les pieds sont peut-être des sabots, Victor Delamarre, l’homme le plus fort du monde, Louis l’Aveugle, le voyant qui possède la mémoire du pays d’avant et d’après.  Que dire du Gardien des glaces, de Calypso, de Tshakapesh, le chasseur qui piège le soleil et de Manigouche, le guide des âmes ?

Ulysse s’éloigne de Manouane, son amoureuse, la belle et ensorcelante Innue, pour suivre son destin.  Comme Pénélope, va-t-elle l’attendre en tricotant un monde à l’endroit, un monde à l’envers ?  Et lui, succombera-t-il aux charmes de Calypso, aux sourires de Séville et aux provocations de Perséphone ?  Aura-t-il besoin de l’aide de Satan Belhumeur pour revenir devant sa grand-mère, au pied de l’arbre des commencements et de la sagesse ?

Contourner le Grand Lac sans fin ni commencement, c’est découvrir la Méditerranée et bien d’autres terres étranges.  Et le Bout du Monde est peut-être l’île d’Ithaque, car, c’est connu, nous répétons les mêmes histoires, peu importe le temps et les époques…

Yvon Paré


[1] Pays : en vieux français on nommait ainsi ceux qui provenaient du même coin de terre que soi.


Propos pour Jacob (essai) d'Alain Gagnon: une critique d'Yvon Paré

29 août 2014

 

Alain Gagnon lègue ses questions à Jacob

Yvon Paré

Voilà un livre qui ressasse beaucoup plus de questions qu’il ne fournit de certitudes. Il est plutôt rare qu’un contemporain tente de tisser des liens entre la pensée de maintenant et des réflexions qui ont porté la civilisation occidentale.

Alain Gagnon est de cette race de jongleurs qui restent fidèles à eux-mêmes sans se soucier des modes et des croyances. C’est rassurant, pour ne pas dire nécessaire de pouvoir lire ce genre d’ouvrage qu’on ne retrouvera certainement pas dans le palmarès des ventes. Il ne sera pas non plus l’un des invités de « Tout le monde en parle ». Ce sont des écrits qui sont là pour durer et qui résistent à l’éphémère. Le genre de livre qui peut vous accompagner pendant toute une vie.

Testament

Alain Gagnon, dans « Propos pour Jacob », s’adresse à son petit-fils. Il lui lègue, dans une sorte de testament intellectuel ce qu’il a de plus précieux. Avec trente-quatre publications, cet écrivain peut être considéré comme riche de mots et de phrases. Il s’attarde à des questionnements qui ont marqué sa vie de lecteur et d’écrivain.

« À ma mort, je ne te laisserai rien ou si peu. Je serai pauvre. Par paresse, manque de discipline, insouciance et aptitude aux plaisirs, mes comptes en banque seront vides ou presque. Cet ouvrage te tiendra lieu de legs. Ne sois pas trop déçu. Je t’ai aimé comme personne, et j’espère me faire pardonner en t’offrant ce qui m’est le plus cher : sur quelques pages, ces intuitions puisées dans l’héritage commun et en moi-même, parfois. Si tu en tires quelque profit, je serai moins mort, et tu seras peut-être un peu plus vivant. » (P. 9)

L’entreprise s’avère noble et intéressante. Le lecteur trouvera peut-être pourquoi cet écrivain a signé autant de livres, exploré l’essai, la poésie, le roman et le récit.

Les lectures

Propos pour Jacob

Des sujets, des questions ont suivi Alain Gagnon sans qu’il ne trouve de réponses définitives.

« Je tenterai d’expliquer ce qui toujours me dépasse. Je le saisis pleinement. Je ne me sous-estime pas, mais je connais l’ampleur du sujet, tout comme celle de mes insuffisances. Je m’avancerai donc à tâtons, à pas prudents de loup… » (P.9)

Qu’est-ce qui hante l’écrivain, l’homme, le père et le grand-père ? On pourrait résumer simplement : qui sommes-nous, pourquoi vivons-nous et où allons-nous ? Est-ce que la vie a un sens, où se situe l’homme dans cet univers immense ?

L’écrivain n’est pas de ceux qui se forcent à assister aux rituels et aux cérémonies liturgiques même s’il est croyant. Il parle plutôt d’une forme d’immanence, de Dieu qui est la source et l’aboutissement de tout. Il n’est certain de rien, mais il fait le pari de croire.

« À mon avis, le seul fait que l’humain soit en quête d’un univers plus éthique, prouve une source de l’éthique (Dieu) ; tout comme le seul fait que l’humain souhaite l’immortalité, incline à croire à sa propre immortalité, présente ou future. Il ne saurait désirer ce qu’il ne peut atteindre, comme individu ou espèce. » (P. 24)

Ces conclusions sembleront bien minces à l’athée ou à l’irréductible sceptique.

L

Les maîtres

Alain Gagnon revient à des penseurs qui l’ont accompagné toute sa vie. Marc-Aurèle entre autres.

« J’ai privilégié l’empereur, non pour m’attirer ses faveurs, il est mort ; mais plutôt parce que j’aime sa concision et, surtout, j’ai entretenu avec lui de longues fréquentations. Il n’a jamais quitté mon chevet. J’ai en main son ouvrage « Pensées pour moi-même » dans une traduction de Meunier, acheté la première année de mon mariage avec ta grand-mère. J’étais encore étudiant. » (P. 31)

Il y a plusieurs de ces magisters qui l’accompagnent depuis toujours. Maître Eckhart, François Villon, Aurobindo, Teilhard de Chardin et bien d’autres. Il ne manque pas non plus de secouer certains de ses ouvrages : « Lélie ou la vie horizontale », « Thomas K » et « Kassauan ». On retrouve là la fibre qui porte l’entreprise d’écriture riche et diversifiée de cet écrivain. Il se fait compagnon de Jean Désy qui s’attarde aux mêmes questions dans « Âme, foi et poésie ». La réflexion d’un homme, d’un écrivain qui sent le besoin de regarder derrière soi pour mieux entreprendre le reste de la traversée.

« Propos pour Jacob » d’Alain Gagnon est publié à la Grenouille bleue.

Yvon Paré, Progrès-Dimanche, 21 mars 2010

 

 

 


Le départ d’Yvon Paré : une gifle à la littérature d’ici…

15 décembre 2013

Lettre ouverte :

 Monsieur Denis Bouchard, Rédacteur en chef, Progrès-Dimanche

 Monsieur,

Yvon Paré

Yvon Paré

 À partir du 1er janvier 2014, la chronique littéraire d’Yvon Paré Yvon ne paraîtra plus dans le Progrès-Dimanche, et on ne la remplacera pas.  Un dur coup pour les littérateurs du Québec – et particulièrement pour les écrivains et écrivaines du SLSJ.  Les médias écrits, qui recensent et critiquent avec savoir-faire les ouvrages parus, ne pleuvent pas dans notre région.  Les médias montréalais sont loin.  Combien d’auteurs n’avaient que cette présence intelligente d’Yvon pour souligner la sortie de leurs romans, recueils ou essais ?

 La Maison de la Presse invoque des raisons économiques.  La presse régionale existe parce qu’une société existe ici, est bien vivante et s’exprime, entre autres, par les arts et les lettres.  Les médias sont souvent prompts à réclamer leurs droits à la libre expression et à la recherche sans entraves de l’information.  Peut-on rappeler à la Maison de la Presse que les médias ont aussi des devoirs, dont ceux de soutenir et de promouvoir les expressions artistiques de la communauté dans laquelle ils baignent et d’où ils tirent leur subsistance ?

 La littérature est le milieu naturel où se développent et évoluent les idées et les sensibilités ; elle en est aussi le véhicule privilégié.  Sans écrits, la vie de la culture – de l’esprit – est difficilement concevable.  Priver une population de cet oxygène paraît un geste arbitraire et non suffisamment réfléchi qui n’aidera en rien la vie artistique au Saguenay–Lac-Saint-Jean, qui déjà ne se maintient que grâce aux talents et à l’énergie de bénévoles ou de sous-payés.

Alain Gagnon, écrivain

PS : Je demande à tous ceux qui regrettent le départ d’Yvon et son non-remplacement de manifester leur mécontentement et leurs inquiétudes en écrivant à l’une des adresses suivantes (ou aux deux) : à Denis Bouchard, éditeur adjoint et rédacteur en chef : redaction@lequotidien.com ; ceux qui le souhaitent peuvent aussi envoyer leur lettre à l’Opinion du lecteur aux soins de François Saint-Gelais, directeur de l’information : fst-gelais@lequotidien.com

 


Chronique d’humeur, par Jean-Pierre Vidal…

3 avril 2013

Changement d’humeur…

Oui, changement d’humeur que ce mouvement qui me pousse, en ces temps où les chrétiens célèbrent la résurrection et les païens sa dimension profane qu’on appelle le printemps, à céder la plume à mon avatar le nouvellier.

D’abord pour claironner ici un grand coup médiatique : quatre auteurs de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, dont mon avatar, ont décidé,CHATcouv1b pour tenter de secouer l’indifférence à l’endroit de la littérature, de faire un lancement collectif réunissant jeunes et vieux, auteurs au sommet de leurs carrières et d’autres au début ou en milieu : c’est ainsi que le 17 avril, à 17 h, à la Marina de Chicoutimi seront lancés Ciel mon mari, un recueil de fictions de Mylène Bouchard (La Peuplade), Tokyo Impérial, le troisième volume de la Suite hôtelière d’André Girard (Québec Amérique) Le voyage d’Ulysse, roman d’Yvon Paré (XYZ), et mon recueil de nouvelles Le chat qui avait mordu Sigmund Freud (Éditions de La grenouillère).

Vous trouverez ci-joint, en guise d’amuse-gueule, la couverture du livre et une des nouvelles qu’il contient : Le carnet.  Pourquoi précisément celle-là ?  Parce qu’elle est courte, mais aussi parce qu’elle est dédiée à Dario Larouche qui avait été responsable, lors du lancement de Petites morts et autres contrariétés, de la mise en lecture de quelques-unes des nouvelles de ce recueil ; c’est ensuite lui qui avait conçu la scénographie d’ensemble de la mise en théâtre de quelques autres nouvelles du même recueil produite, l’automne dernier, par le théâtre CRI.  Il avait enfin signé la mise en scène de deux des nouvelles représentées à cette occasion en plus de jouer dans plusieurs autres.

Je me permets donc ici, par ce biais, de rendre hommage à cet homme de théâtre particulièrement créatif et polyvalent qui, malgré son jeune âge, a déjà fait beaucoup, et à divers titres, pour le théâtre dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Par ailleurs, la dédicace attire l’attention sur une des caractéristiques de ce recueil conçu comme une mosaïque ou un kaléidoscope ou encore comme un de ces albums de musique que la critique « pop » qualifie de « concept » : outre les thèmes ou motifs récurrents d’une nouvelle à l’autre, chacune a son dédicataire particulier.  Ils vont de l’ensemble des comédiens et metteurs en scène qui ont participé aux représentations de Petites morts (et je vous prie de croire qu’il n’est pas toujours facile de choisir celle qu’on adresse, en hommage, à telle ou tel) à des personnalités connues, de Mathusalem à Charles Darwin, en passant par Anne Sinclair et DSK.

En espérant vous voir en grand nombre à ce lancement et avant cela, si vous avez l’âme voyageuse, au Salon International du Livre de Québec (le 12 avril, de 16 h à 17 h, et le 13 avril, de 14 h à 15 h, au stand 223), je vous souhaite la meilleure des lectures.


Le carnet

Du coin de l’œil, elle le voit se tortiller, étendre du plus qu’il peut sa main droite derrière lui et tâtonner sur la banquette arrière, puis se tordre complètement l’épaule pour passer cette même main droite entre les deux sièges, essayer avec la gauche ; elle devine ce qu’il veut, le petit carnet dans lequel il écrit tout, ses gains annuels, des fréquences radios, ses pensées, les courses à faire et même des projets de nouvelles depuis qu’il s’est décidé à essayer d’écrire.  Elle voudrait bien l’aider, elle sait à quel point c’est important pour lui, mais avec cette route tortueuse, elle ne peut guère détourner les yeux, le temps, au moins, de s’assurer que le fameux carnet est bien sur la banquette arrière, qu’il ne l’a pas oublié à la maison, ce qui le fait toujours pester et ruminer en silence pour la suite du voyage.  Elle n’aimerait pas le voir encore renfrogné, avec tous ces kilomètres qui leur restent à faire.

Finalement, il a défait sa ceinture et elle le voit à genoux sur son siège qui se penche par-dessus son dossier.  Elle veut protester, l’avertir, lui dire qu’il vaudrait mieux qu’ils s’arrêtent, s’il tient absolument à écrire quelque chose.

La seule chose dont elle se souvient, maintenant, tandis que la policière l’a prise dans ses bras pour essayer de la consoler, c’est qu’elle l’avait vu écrire sans rattacher sa ceinture.  C’est au moment où elle allait le lui faire remarquer que l’impact s’est produit.

Elle se dégage de la policière, marche en titubant sur le bord de la route et voit, hébétée, un autre policier s’avancer vers elle, le carnet ouvert à la main.

Il le lui tend et à travers ses larmes, elle parvient à lire : « Je le savais. »

L’AUTEUR

Écrivain, sémioticien et chercheur, Jean-Pierre Vidal est professeur émérite de l’Université du Québec à Chicoutimi où il a enseigné depuis sa fondation en 1969.  Outre des centaines d’articles dans des revues universitaires québécoises et françaises, il a publié deux livres sur Alain Robbe-Grillet, trois recueils de nouvelles (Histoires cruelles et lamentables – 1991, Petites morts et autres contrariétés – 2011, et Le chat qui avait mordu Sigmund Freud – 2013), un essai en 2004 : Le labyrinthe aboli – de quelques Minotaures contemporains ainsi qu’un recueil d’aphorismes, Apophtegmes et rancœurs, aux Éditions numériques du Chat qui louche en 2012.  Jean-Pierre Vidal collabore à diverses revues culturelles et artistiques (Spirale, Tangence, XYZ, Esse, Etc, Ciel Variable, Zone occupée).  En plus de cette Chronique d’humeur bimensuelle, il participe occasionnellement, sous le pseudonyme de Diogène l’ancien, au blogue de Mauvaise herbe.  Depuis 2005, il est conseiller scientifique au Fonds de Recherche du Québec–Société et Culture (F.R.Q.S.C.).


Lieux de beauté : La littérature aux abords des rivières…

25 octobre 2010

Des écrivains de la Sagamie entrent dans les paysages urbains…

Une initiative du Salon du Livre du SLSJ intègre la littérature aux espaces publics de Saguenay.

Dans le cadre de Saguenay Capitale culturelle du Canada 2010, pour assurer à nos littérateurs une visibilité certaine dans le tissu urbain,  le Salon du livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean a mis en place un circuit littéraire où l’on retrouve trente-six bornes informatives destinées à mettre en valeur une sélection de trente-six écrivains du Saguenay–Lac-Saint-Jean.  Installées aux abords de la Rivière-aux-Sables à Jonquière, de la Rivière Ha ! Ha ! à La Baie et, au Bassin, à Chicoutimi, ces bornes trilingues (français, anglais, innu) offrent aux promeneurs une biographie sommaire de l’écrivain et un extrait d’une de ses œuvres.

Liste des écrivains à qui on a accordé une borne à l’un de ces trois endroits :

Marie Christine Bernard • Gérard Bouchard • Hervé Bouchard • Marjolaine Bouchard • Michel Marc Bouchard • Reine-Aimée Côté • Daniel Danis • Pierre Demers • Jean Désy • Kim Doré • Danielle Dubé • Alain Gagnon • Jean-Rock Gaudreault • André Girard • Pierre Gobeil • Pauline Harvey • Louis Hémon Nicole Houde • Guy Lalancette • Gilbert Langevin Paul-Marie Lapointe • Carol LeBel • Patrick Nicol • Yvon Paré • Stanley Péan • Hélène Pedneault Alphonse Piché Louise Portal • Damase Potvin Félix-Antoine Savard • Jean-Alain Tremblay Larry Tremblay • Lise Tremblay Tony Tremblay • Marc Vaillancourt • Élisabeth Vonarburg.

Il nous faut remercier les services de Ville Saguenay et l’équipe du Salon du Livre pour la menée à bien d’une telle entreprise.  Tout particulièrement, madame Céline Dion, chargée de  ce projet.



Club de lecture…

9 mai 2010

Joignez-vous et participez au Club de lecture…

Yvon Paré

La suggestion d’Yvon Paré pour mai : Nos échoueries de Jean-François Caron, un roman publié à la Peuplade.

Pour échanger vos commentaires et suggestions, vos réflexions, vos critiques, et plus encore, écrivez sans plus attendre à : clubdelecture@lequotidien.com

N’oubliez pas d’écouter à la Première Chaîne de la SRC, le samedi, entre 7 et 11 h, l’émission Beau temps, mauvais temps.

Extrait d’un article de Mario Cloutier (La Presse, 30 avril 2010) :

Porté par une écriture limpide, mais souvent imagée, métaphorique, ce roman sait émouvoir en touchant subtilement à l’essentiel des sentiments humains. Un roman d’une justesse et d’une beauté vraies.

Les chapitres sont courts, comme de longs poèmes, en fait. Ils nous donnent le temps de respirer et invitent à savourer les mots. Comme quoi la poésie, en disant les choses autrement, peut revisiter mille fois encore les paysages et les cœurs sans nous lasser, en nous offrant une lumière et un passage vers l’indicible.

http://maykan.wordpress.com/


Le Club de lecture et Kim Thúy attendent votre participation…

6 mars 2010

Joignez-vous et participez au Club de lecture…

Yvon Paré

La suggestion d’Yvon Paré pour la semaine du 7 mars : RU, un roman de Kim Thúy, Libre Expression.  Pour échanger vos commentaires et suggestions, vos réflexions, vos critiques, et plus encore, écrivez sans plus attendre à : clubdelecture@lequotidien.com

N’oubliez pas d’écouter la Première Chaîne de la SRC, le samedi, entre 7 et 11 h : l’émission Beau temps, mauvais temps.

Extrait d’un article de Marie-Claude Fortin dans la Presse :

Premier récit d’une Vietnamienne qui vit au Québec depuis l’âge de 10 ans, Ru est l’une des plus belles surprises de la rentrée.

Il y a une image merveilleuse dans Ru, le premier livre de Kim Thúy. Une image merveilleuse parmi tant d’autres. Un étang de lotus en banlieue de Hanoi. Des femmes «au dos arqué, aux mains tremblantes», assises au fond d’une barque, qui vont d’un plant à l’autre, déposant délicatement à l’intérieur de chaque fleur quelques feuilles de thé qu’elles recueilleront au lendemain, tout imprégnées du parfum des lotus. Chaque feuille de thé conservera ainsi «l’âme de ces fleurs éphémères».


Ne pas oublier le Club de lecture… Dany Tremblay et Tous les chemins…

16 décembre 2009

Club de lecture… On vous attend !

 

Dany Tremblay

On se souviendra que Tous les chemins mènent à l’ombre, le recueil de nouvelles  de l’auteure Dany Tremblay, qui a été lancé en septembre dernier, a été le premier livre du mois d’un nouveau club de lecture.  On y étudiera par la suite le dernier ouvrage de Dany Laferrière et autres…  Il y a environ trois mois ce club est né de la collaboration de CBJ, de la libraire Les Bouquinistes, du Conseil régional de la culture et  de Progrès-Dimanche. Il permet à ses membres de partager leurs réflexions sur une lecture commune d’un écrivain québécois.  Le premier samedi du mois, l’énergique écrivain et critique littéraire Yvon Paré commente  et présente l’ouvrage retenu à l’émission Beau temps, mauvais temps, ainsi que dans le Progrès-Dimanche du lendemain.

On peut adhérer à ce club en envoyant son nom, son adresse civile et un courriel à : clubdelecture@lequotidien.com

Yvon Paré