La collaboration peintre/écrivain m’a toujours fasciné. Nous en avons une ici. Marjolaine Bouchard et Ginette Chavarie conjuguent leurs talents pour nous offrir une traditionnelle scène d’hiver. (Publié au tout début du CQL : décembre 2009.)
Patine et glacis
Quatorze décembre. Le froid avait chassé les grives, givré les carreaux, mordu le lac en posant dessus sa toile de cristal. Voilà que la glace nous portait, la joie aussi. La veille, tante Madeleine avait apporté deux grands cartons remplis de vêtements d’hiver devenus trop petits pour ses filles. Les cousines avaient été généreuses. Avec mon frère et mes sœurs, nous avions fait une distribution équitable : pour moi, un manteau vert pomme, une veste rouge, un pantalon violet et un foulard rose. Toute une symphonie de couleurs. Autre part, j’aurais fait la risée des gens, mais ici, je serais la princesse des glaces, surtout avec l’ourlet de simili fourrure blanche qui garnissait les manches et le bas du manteau.
La plus grande surprise dormait au fond d’une boîte : quatre paires de patins blancs ayant à peine servi. Chaussures magiques, promesse de pirouettes, de courses, de doubles axels, de sauts gracieux, de tourniquets fous, de valses… Avant de m’endormir ce soir-là, j’avais exécuté en imagination toutes les figures, imposées ou non, maintes fois observées à la télévision.
Je me souviens de notre hâte, au matin, la bouche encore pleine du petit déjeuner pendant que nous enfilions tuques, foulards, mitaines… de nos rires étouffés pour ne pas réveiller les parents.
Pendant la nuit, il avait neigé, sans vent, si bien que chaque branche, chaque brin d’herbe portait son ourlet de duvet. Dans le silence frais, nous sommes descendus au lac avec nos pelles.
Tableau de Ginette Chavarie
Aucun de nous ne savait patiner. Je croyais qu’il suffirait de glisser un pied après l’autre et qu’en criant « patin », je ferais l’arabesque, la patte en l’air, le sourire aux lèvres, la griserie au cœur. À la fin de la journée, nous avions les joues écarlates, les doigts cramoisis et les fesses bleues. Mais nous avions oublié la faim, que papa boit, que maman crie et que l’argent manque.
Cet hiver-là, tous les après-midi, en entrant de l’école, nous avons chaussé nos patins et, sans relâche, nos lames ont passé et repassé dans les mêmes sillons, recommençant les mêmes mouvements maladroits jusqu’au déséquilibre fatal, nous relevant sans geindre pour exécuter des milliers de traits sur la toile glacée, pour casser la peur, faire fondre la page blanche.
Puis, un jour, sous la glace, un génie invisible s’est mis à guider mes pieds. J’allais en tanguant à gauche, à droite, balançant les bras, traçant sur le miroir des lignes de plus en plus longues. Je savais patiner!
Longtemps, j’ai cru que ce ravissement ne reviendrait jamais. Puis, en contemplant cette toile de Ginette Chavarie, je me suis souvenue du bruit des lames, du sentiment de liberté, de l’émotion et de nos rires. Dans la blancheur infinie, nous étions les éclats de couleurs, un jardin fleuri d’enfants heureux, à l’âge où le plaisir du temps des Fêtes se partage sans argent.
Marjolaine Bouchard : notice biographique
Marjolaine Bouchard est née à la Baie en 1958. Toute petite, lorsqu’on lui posait la question « Que feras-tu quand tu seras grande? », elle répondait : « une écriveuse de livres ». Son rêve d’enfance se concrétise en 1996 alors que son premier roman remporte le prix littéraire de la Plume saguenéenne et est publié aux Éditions JCL (Entre l’arbre et le roc, 1997). Il sera suivi de quatre autres romans : Délire virtuel (JCL, 1998) La Marquise de poussière, Le Cheval du Nord (JCL, 1999) et Circée l’enchanteresse (JCL, 2000). En 2007, elle publie son sixième roman pour la jeunesse : Le Jeu de la mouche et du hasard (HMH Hurtubise) qui remporte le prix de l’AQPF et de l’ANEL en 2008. Elle contribue au collectif Un Lac, Un Fjord, Un Fleuve (recueil de nouvelles) depuis 1999 et participe activement à des rencontres dans les écoles primaires et secondaires ainsi qu’à titre de conférencière dans les bibliothèques publiques et à l’université.
Elle a participé à de nombreux festivals littéraires et événements culturels à travers le Québec. Elle est membre de l’Association professionnelle des écrivains de la Sagamie-Côte-Nord (APES-CN) et de l’Union des écrivains du Québec (UNEQ). Marjolaine Bouchard habite présentement à Jonquière, au Saguenay.
Ginette Chavarie :
Ginette Chavarie
Ginette Chavarie voit le jour à Jonquière le 9 avril 1953. Vingt ans de peinture a l’huile l’emmène à travailler au pastel sec sur une période de 17 années, puis, chemin faisant, en 2008, elle s’initie à l’acrylique. Une formation a l’UQAC, des stages avec des maître mondialement reconnus, un travail constant la motivent à partager sa passion et son savoir par l’enseignement.
Elle est membre de l’institut des arts figuratifs (IAF), du regroupement des artistes en arts visuel(RAAV), de l’académie Mazarine de France (AMF) et, depuis 1998, elle s’implique activement dans la Maestria. Elle fut aussi membre de l’Association de Pastel de l’Est du Canada(PSEC).
Ginette Chavarie a participé au Salon International des Beaux Arts au Carrousel du Musée du Louvre a Paris (2007), elle a exposé a Berre Les Alpes en France (2006), au Symposium International Art et Vin en Languedoc-Roussillon (2008), au Salon International des Artistes Contemporains à Saint-Tropez (2008), au Festival Artistique de Racour, Lincent, Belgique (2007-2008), au Symposium International Jean-Paul Lapointe (2005-2007). À tout cela, il faut ajouter une exposition a Budapest en 2009. Sa première expérience dans les symposiums eut lieu à l’occasion de « Villages en Couleurs » dans sa région (SLSJ). Elle se promène à travers le Québec, l’Ontario, le Nouveau-Brunswick… et ce depuis 1990.
Corporations municipales et grandes entreprises, notamment Rio Tinto et Ville Saguenay, ont sélectionné ses scènes hivernales à plusieurs reprises pour en faire leurs cartes de souhaits à l’occasion des Fêtes. Ayant reçu, de ses pairs et du public, prix et mentions lors d’évènements culturels, elle prend un immense plaisir à faire don de tableaux au profit d’œuvres humanitaires.
On a aussi parlé de son œuvre et montré ses tableaux dans certains magazines spécialisés comme Magazin’Art, La Palette de Roussan, Ad Librum, Distribution O .M. Inc, Vallée et quelques autres…
Émerveillée par tout ce qui l’entoure, ses scènes quotidiennes, souvent habitées par des enfants, nous ramènent à l’essentiel et elles charment. L’aura de ses œuvres : sérénité et doux moments, tendresse, romantisme… Elle n’a pas choisi ce métier ; ce métier l’habite, tout simplement.
Il est possible de se procurer ses œuvres en atelier. Prenez simplement rendez-vous.
Courriel : ginette_chavarie@hotmail.com Site Web : www.ginettechavarie.com