Notre-Dame-du-Portage : La jeune fille et la Mort, par Alain Gagnon…

20 juin 2017

Dires et redires…

Hier soir, dans un suroît à ébranler les murets sous les lames, une fine mélodie perlait sur tout ce fracas. Les pieds dans l’eau du fleuve, une jeune violoniste et les plaintes de son archet. J’ai cru reconnaître La jeune fille et la Mort de Franz Schubert. Je n’en suis pas certain. Elle jouait quelques mesures, s’arrêtait, posait son violon sur sa hanche, observait les vagues, souriait à une compagne, reprenait la mélodie…

Paix et nostalgie.

(Le chien de Dieu, Éditions du CRAM, 2009.)

*

L’été ou l’automne, il me prend une fringale pour ces auteurs de littérature fantastique : Jean Ray, Edgar Allan Poe, H. P. Lovecraft et Claude Seignolle, ce chantre de la Bretagne et de la Normandie fin dix-neuvième siècle. Chemins rocailleux et poussiéreux, détours et collines abruptes, raidillons de ronces et de garenne, nuits bretonnes, châteaux délabrés de la noblesse provinciale, étangs et genêtières… Paysans frustes et cupides. Il plante un décor de poésie terrienne qui remue en nous quelque chose de profond. Tout son art repose sur cette capacité à créer des atmosphères prégnantes. On retrouve cette qualité chez Conan Doyle. On peut lire et relire, entre autres, Le chien des Baskerville pour ce mystère, ce romantisme noir qui transporte le lecteur. (Même pittoresque du clair-obscur chez Emily Brontë.) Compense-t-il inconsciemment les froides déductions et inductions de Sherlock Holmes ? Le Doyle celte, rêveur et spirite, réclame sa part du récit et l’obtient par cette poésie soutenue d’intérieurs victoriens ou de landes du Devonshire. (On ne retrouve en rien ces atmosphères chez Agatha Christie ; je n’ai jamais pu terminer un de ses livres.) Simenon présente aussi cette qualité : celle de la poésie accompagnatrice de l’enquête policière. Maigret se promène dans une atmosphère à couper au couteau.

Pourquoi les auteurs québécois n’accordent-ils pas plus de temps et d’espace au fantastique ? Prédominance des préoccupations politiques, sociales et existentielles d’une collectivité qui se cherche une identité ? Possible. Possible, mais j’en doute. J’inclinerais plutôt vers un manque d’épaisseur temporelle, historique. On peut éveiller la nostalgie en Bretagne : les ruines féodales abondent, et les monuments celtiques. On éveille chez le lecteur cette curiosité trouble pour un passé qui est sien, tout en étant très lointain. Jean Ray use et abuse des références historiques – réelles ou inventées. Lovecraft, nord-américain pourtant, plongeait dans les mythes éternels, le passé colonial et les cultures amérindiennes, tout comme Stephen King aujourd’hui. À l’époque de la Nouvelle-France, la population, donc l’occupation sédentaire du sol, n’était pas assez importante pour laisser en place un riche terreau où rêver. Du côté amérindien, c’est une tout autre question. À explorer…

(Le chien de Dieu, Éditions du CRAM, 2009.)


Jacques Ferron : Le ciel de Québec, par Alain Gagnon…

14 septembre 2016

Ferron : Dires et redires…

Je viens de relire avec la délectation coutumière La nuit de Jacques Ferron.  Puis, dimanche soir, je mechat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, Québec suis dit : À l’attaque ! Pour l’énième fois, j’ai repris Le ciel de Québec qu’une fois de plus je serai incapable de terminer.  Qu’est-ce que j’ai donc ? Ferron est pour moi le plus grand de l’après-guerre, un précurseur.  J’adore tous ses contes, ses confidences, sa correspondance… En plus de l’écrivain, l’homme m’est sympathique.  Mais Le ciel de Québec me demeure imbuvable.  Pourtant, lors de rencontres littéraires, lorsque je confesse mon admiration pour Ferron, mes interlocuteurs lèvent des yeux exaltés vers le plafond et répètent : Le ciel de Québec… Le ciel de Québec… Le ciel de Québec... Ah… Peut-être ne l’ont-ils même pas terminé ? Il y a des livres comme ça dont on parle avec admiration, mais qu’on serait bien incapable de lire de la première à la dernière page – Ulysse, de Joyce.  Cette fois, je me suis prémuni.  J’ai ramassé des questions-pièges.  Le prochain qui se pâme, je les lui pose : je verrai bien s’il l’a lu ou s’il fait semblant.  Je crois comprendre mon impossibilité à embarquer.  Ce n’est pas la difficulté du texte, ni son volume ni sa complexité : lorsqu’on fréquente régulièrement les souvent abstrus Hegel, Heidegger et Schopenhauer ; lorsque sa suite romanesque préférée est Le quatuor d’Alexandrie, on peut lire Le ciel…  On ne craint pas la densité ni la complexité des textes.  Le Ciel serait même simplet par son côté anecdotique et l’abondance (j’allais écrire « la diarrhée ») des dialogues et des références à des personnages connus.  En fait, une pièce de collège classique, de celles qu’on jouait en fin d’année pour se moquer des profs et des confrères.

chat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, QuébecPourquoi placer tout le reste de l’œuvre ferronienne sur un si haut piédestal et porter une si piètre estime au Ciel ?  Je crois détenir la réponse.  Pour paraphraser à l’envers Arletty : J’ai « une gueule d’atmosphère »…  Que ce soit un film ou un livre, je le juge à partir de la compacité et de la qualité de l’atmosphère que l’artiste a réussi à créer.  De là mon entichement pour les Sherlock Holmes de Conan Doyle et mon incapacité à terminer un Agatha Christie ; de là mon amour immodéré de Wuthering Heights d’Emily Brontë, des romanciers sudistes américains, des contes fantastiques de Jean Ray, de Lovecraft, de Carco, de Barrico, des polars de William Irish, des Maigret de Simenon, des œuvres dites mineures de Gabrielle Roy…  Et j’en omets.  Vous comprenez, ma liste est longue…  Le ciel, c’est Ferron émasculé : sans rôle significatif des confitures de coings -trop de connards et pas assez de cognassiers.  C’est subtil, entendu, entre nous, informé ; c’est l’esprit avec un « e » minuscule : en rien la poésie prégnante des contes.

Faudra bien, tout de même, que je me rende à la dernière page un de ces jours…

(Le chien de Dieu, Éd. du CRAM)

Notice biographique

Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon du Livrechat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, Québec du Saguenay-Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Tomas K (Pleine Lune, 1998).  Quatre de ses ouvrages en prose sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale (2003), Jakob, fils de Jakob (2004),Le truc de l’oncle Henry (2006) et Les Dames de l’Estuaire (2013).  Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel (Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011).  En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010).  Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan, Chronique d’Euxémie et Cornes (Éd. du CRAM), et Le bal des dieux (Marcel Broquet).  On compte également plusieurs parutions chez Lanctôt Éditeur (Michel Brûlé), Pierre Tisseyre et JCL.  De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue.  Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche 1 et 2 (https://maykan.wordpress.com/).

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


Chronique ontarienne, par Jean-François Tremblay…

21 juillet 2015

 Souvenirs de Londreschat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, Québec

C’est avec un rhume que j’écris ces mots.  Congestionné, la tête qui veut éclater…  Si mon texte n’a aucun sens, vous saurez pourquoi !

Aaaah, Londres.  Londres, la magnifique, Londres, la belle.  C’était mon premier voyage hors de l’Amérique du Nord.  Dix jours dans cette grande capitale, dans cette ville si riche culturellement, où chaque pas dans la rue équivaut à une leçon d’histoire.

Ma copine et moi avions des opinions similaires sur ce que nous voulions visiter à Londres.  Mais là où ses choix se portaient davantage vers les musées, je préférais voir des bâtiments qui avaient des liens avec la culture populaire (cinéma, musique, etc.).  J’avais noté de nombreuses adresses avant de partir : l’emplacement de la défunte salle The Marquee, les studios d’enregistrement Trident, la maison de Sherlock Holmes (un musée, en fait, situé à l’adresse fictive où vivait le personnage), etc.

Finalement, nous avons fait un peu des deux (les musées et le reste), et je n’ai pas visité tant d’adresses que ça dans ma liste.  Nous avons plutôt opté pour une approche semi-improvisée, où nous avions chaque jour un certain itinéraire pour la journée, mais avec beaucoup d’ouverture pour la découverte.

Abbey Road

chat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, Québec  Par contre, une visite s’imposait dans ma liste, et je n’allais pas y déroger : la traverse piétonnière près des studios d’Abbey Road.  Je ne pouvais passer à côté de cette occasion.  L’amateur des Beatles que je suis ne pouvait s’empêcher d’aller se faire prendre en photo en traversant la rue comme les quatre membres du groupe sur la pochette de leur album classique de 1969.  Et voilà, maintenant c’est fait.   Une chose de moins sur ma « bucket list ».

C’est tellement achalandé !  Difficile de se faire prendre en photo, surtout seul ou en couple, alors que des voitures passent à tout moment (et à toute vitesse) et que des dizaines de touristes, comme nous, veulent leur photo aussi.  De plus, si on veut faire les choses correctement, il faut traverser dans le bon sens, celui dans lequel les Beatles se sont fait photographier.  Donc, en résumé, il faut patienter.

Au bout du compte, nous avons fait appel à un jeune homme qui se tenait là avec une pancarte « Free pictures » et offrait de nous photographier avec notre propre appareil en échange d’un pourboire.  Il a bloqué lui-même la circulation quelques secondes, nous a indiqué quelle pose prendre, et nous a photographiés.  Ma copine avait décidé de faire comme Paul McCartney sur l’original et de traverser nu-pieds.  Le « photographe » lui a également remis une cigarette, pour parfaire l’illusion.

J’aime bien le résultat, malgré notre air figé non naturel.  J’ai ma photo d’Abbey Road.  J’ai réalisé un rêve.  Je suis heureux !

St-Paul’s

L’une de mes visites préférées fut celle de la Cathédrale St-Paul.

J’aime beaucoup la photo noir et blanc de 1940 intitulée « St Paul’s Survives », prise après un bombardement de la Luftwaffe.  On peut la trouver facilement sur Internet.

Lorsque j’ai vu le dôme de la cathédrale pour la première fois, de mes propres yeux, j’ai été quelque peu ému.  Ça n’avait rien de religieux.  Il y a tellement d’histoire derrière ce dôme, derrière cette construction, que je n’ai pu empêcher une vague d’émotion de monter en moi.

L’intérieur est majestueux.  Nous nous sommes assis pour admirer l’architecture, tellement c’est imposant et impressionnant.  Aucune photo (qui sont interdites à l’intérieur, d’ailleurs) ni description ne saurait faire justice à la beauté de cette construction.

Nous avons également grimpé les 528 marches, dans d’étroits – TRÈS étroits – escaliers, qui mènent au dôme et à son observatoire extérieur qui permet une vue imprenable sur Londres.  C’est tout simplement magnifique.    À voir absolument !

J’ai également adoré ma visite de l’Abbaye de Westminster.  C’est tout aussi majestueux, bien que d’un autre type d’architecture.  On se sent petit et humble à marcher entre les murs d’un tel lieu.

Ce qui m’a le plus surpris de ces structures, de ces grands bâtiments religieux, c’est leur fonction funéraire.  Je m’y connais peu en histoire et en rituels religieux ; je n’avais jamais retenu l’information que l’on enterrait des gens dans les églises.  Par exemple, à Westminster Abbey, on trouve les restes de nombreux rois et reines, ainsi que des figures historiques appartenant à tous les domaines d’activité.  Entre autres, Laurence Olivier, grand acteur du 20e siècle, y repose.

Une leçon d’histoire

J’ai énormément appris sur les rois et les reines durant mon voyage.  On ne peut faire autrement à chat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, Québec  Londres, surtout lorsqu’on fait la tournée des lieux touristiques les plus courus.

Nous avons visité Kensington Palace (où j’ai énormément appris sur la reine Victoria, que je ne connaissais pratiquement pas), la Tour de Londres (l’une de mes visites préférées), le British Museum (beaucoup trop de touristes et de gens qui photographient les œuvres sans prendre le temps de vraiment les regarder), etc.

La National Gallery — et ses nombreux tableaux de grands maîtres — fait partie des lieux que j’ai le plus aimés visiter.  Mais il faut avoir du temps.  C’est vaste, très vaste !

Downton Abbey 

Nous avons également consacré une journée à aller visiter le château de Highclere.  Nous avons pris le train en partance de Londres vers le village de Newbury, et de là nous avons pris un taxi vers le château.  Si vous regardez la série télévisée Downton Abbey, c’est ce château que nous avons visité.

L’endroit sert de demeure aux comtes de Carnarvon depuis très longtemps.  Le 5e comte de Carnarvon fut celui qui découvrît le tombeau de Toutankhamon au début du 20e siècle.  D’ailleurs, le château abrite une exposition permanente sur les découvertes de ce noble en Égypte.

Mais le simple fait de nous trouver sur les lieux de tournage de Downton Abbey était suffisant pour nous émerveiller, ma copine et moi.  Nous sommes de grands amateurs de la série, et cette visite avait quelque chose de surréaliste pour nous.

Trop de choses à raconter, trop de merveilleux souvenirs…  Ce que je viens de faire dans ce texte, c’est une relation très superficielle.  Il est donc très probable que je vous reparle de ce voyage une prochaine fois…

Notice biographique

Jean-François Tremblay est un passionné de musique et de cinéma.  Il chat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, Québec  a fait ses études collégiales en Lettres, pour se diriger parla suite vers les Arts à l’université, premièrement en théâtre (en tant que comédien), et plus tard en cinéma.  Au cours de son Bac. en cinéma, Il découvre la photographie de plateau et le montage, deux occupations qui le passionnent.  Blogueur à ses heures, il devient en 2010 critique pour Sorstu.ca, un jeune et dynamique site web consacré à l’actualité musicale montréalaise.  Jean-François habite maintenant Peterborough.   Il tient une chronique bimensuelle au Chat Qui Louche.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche : https://maykan2.wordpress.com/)