Chronique urbaine, par Jean-François Tremblay…

20 novembre 2015

Insécurités et lectures lumineuses

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Installé devant mon moniteur, avec un café noir et la douce voix de Sarah Slean en arrière-plan, je me demande par où commencer.

Tout d’abord, s’il n’y a pas eu de chronique il y a deux semaines, c’est que j’étais en vacances Californie.   Au Coachella Valley Music and Arts Festival, le même où je m’étais rendu l’année dernière.

J’y allais pour me plonger dans trois jours de découvertes et d’extase musicale, mais aussi pour décrocher. J’en étais rendu au point où un collègue de travail m’a demandé, quelque temps avant mon voyage, si j’étais en burnout. C’est dire comment j’avais mauvaise mine…

En fait, l’hiver de merde que j’ai passé, et ce début de printemps tristounet (autant au niveau de la température que tout le reste) sont dus en grande partie à l’écriture des derniers paragraphes d’un chapitre important de ma vie.  Celui de ma vie à Montréal.  Je ne veux pas m’étaler sur le sujet. Je l’ai assez fait ici.

J’ai choisi d’aller vivre avec mon amoureuse là où elle travaille.   Je partirai à la fin juin. Il y a quelques années à peine, l’homme que j’étais n’aurait pu faire ce compromis. J’avais peur de m’enfermer à jamais dans une relation amoureuse.  Plus maintenant.  Pas avec elle.   Avec elle, je n’ai peur de rien.  Et avec elle, j’irais n’importe où.

J’ai également songé à quitter le Chat qui Louche. Je le dis tout haut ici pour la première fois.

La raison est simple : l’autocritique. Un sentiment profond d’inadéquation envers les bons auteurs de ce site. Mais ça aussi, j’en ai déjà parlé ici. Je me répète. Et il ne s’agit pas de la première fois où mes éternelles insécurités me causent des problèmes…  Mais je persiste et je reste. Je crois que la grisaille qui m’assaille depuis des mois va bientôt se dissiper.

Et d’ailleurs, j’aurai plus de temps à consacrer à l’écriture cet été, lorsque je serai à la recherche d’un emploi dans ma ville ontarienne. Tel que me l’a suggéré un ami, je bloguerai très certainement sur mes expériences là-bas.

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Roger Ebert

Au cours de l’hiver, j’ai lu trois livres qui m’ont grandement plu et ont apporté de la lumière dans ma vie. Trois livres par trois hommes vieillissants qui font parler leur cœur.  Laissez-moi vous en faire part.

Tout d’abord, il y eut Life Itself  de Roger Ebert.

Ebert est l’un des critiques de cinéma les plus reconnus dans le monde. Cet américain de 69 ans, gagnant du prix Pulitzer, est un auteur que j’admire énormément. Ses critiques sont toujours riches, détaillées, et extrêmement bien écrites. Avec la défunte Pauline Kael, il est probablement le critique américain le plus influent.

Son livre, une autobiographie, raconte sa vie en détail, divisé en chapitres thématiques. Auteur d’un blogue très populaire, il a repris diverses entrées et les a retravaillées, pour créer les chapitres du bouquin.

Avec sa verve teintée d’ironie, son don de conteur et sa mémoire fabuleuse, il nous raconte sans pudeur sa vie, son métier, sa famille, ses amis, et ses rencontres avec diverses célébrités. Il nous parle aussi de son cancer, de son alcoolisme, de son amour profond pour sa femme.

J’ai versé quelques larmes au cours de la lecture. J’ai aimé ce livre de tout mon cœur. Et je le recommande à tout le monde.

Ensuite, ma copine m’a offert en février, pour mon anniversaire, un livre du critique canadien David Gilmour intitulé The Film Club (L’école des Films, en français).

Il s’agit d’un fait vécu. L’auteur nous raconte dans ce livre la solution bien particulière qu’il a trouvée pour faire face aux graves problèmes que son fils adolescent éprouvait à l’école. L’entente entre le jeune homme et son père était que le fils pourrait abandonner l’école, mais qu’en revanche, il serait obligé de regarder au moins trois films par semaine avec son père. Des films choisis par ce dernier, dans le but de faire son éducation.

Le livre nous raconte donc cette période charnière dans la vie du fils de David Gilmour, du point de vue du père. On nous montre l’évolution du fils, mais aussi tout ce que le père a lui-même appris au fil de ces quelques années précieuses passées avec son fils.  Souffrant moi-même du grand vide laissé par mon père il y a quatre ans, j’ai été profondément touché par ce récit d’amour paternel. Le livre nous fait passer agréablement du rire aux larmes, et se lit en très peu de temps. Un petit bijou.

chat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, QuébecEt je viens de terminer, ce week-end, la lecture du long roman 11/22/63 de Stephen King.   Plus de 800 pages qui tournent autour, vous l’aurez deviné, de cette fameuse journée où JFK fut assassiné.

En 2011, un jeune professeur d’anglais au secondaire,  Jake Epping, apprend par le biais d’un ami restaurateur l’existence d’un passage vers le passé, plus précisément vers l’année 1958. Un passage qui se trouve dans le restaurant de son ami.  Celui-ci étant trop vieux et trop malade pour mener à terme son projet, il convainc donc Jake d’aller en 1958 et d’y rester jusqu’en 1963, et de tenter de sauver le président Kennedy. Et du fait même, de vérifier si Oswald a bien agi seul.

Et c’est ce que Jake, 35 ans, décide de faire.

Sur plus de 800 pages, on suit donc la vie de Jake Epping dans l’Amérique des années 60. Les magnifiques voitures, la musique, les cigarettes, les vêtements, le rythme de la vie moins effréné…  Ici, Stephen King est en mode nostalgique et sentimental. Il s’agit de l’un de ses romans les plus atypiques.

Il ne s’agit pas d’un roman parfait, loin de là. Il y a des longueurs. Et il a deux histoires auxquelles on s’intéresse à des degrés différents. Tout d’abord, il y a la mission de Jake, c’est-à-dire le travail de détective qu’il effectue : pendant des années, il suit Oswald et sa petite famille, tente de mieux connaître le futur assassin du président et de savoir, hors de tout doute, s’il est coupable ou non.

Et puis il y a la vie au quotidien de Jake, qui se trouve un boulot d’enseignant dans une petite ville, près de Dallas, et qui tombe amoureux de Sadie la bibliothécaire.

Cette histoire est certes plus intéressante que l’autre, et on en vient à ne plus vraiment se soucier de la mission de Jake, du moins jusqu’à un certain point. Quand ces deux histoires se déroulent en parallèle, on ressent de la frustration à passer constamment de l’une à l’autre. Mais lorsque les deux récits finissent par se rejoindre, le tout devient palpitant, et les quelque 200 ou 300 dernières pages sont des plus enlevantes.

Stephen King se permet de réécrire l’histoire, mais ceci ne se fait pas sans conséquence. La finale est déchirante et fait partie des choses les plus sensibles que King ait écrites. L’histoire d’amour au cœur de ce roman est l’une des plus belles qu’il a inventées. Et c’est cet élément que l’on retient le plus lorsqu’on referme le roman.

En cette fin avril, je vais de mieux en mieux.

On se revoit dans deux semaines.

Notice biographique

Jean-François Tremblay est un passionné de musique et de cinéma.  Dès un très jeune âge, il a fait ses études collégiales en Lettres, pour se diriger par la suite vers les Arts à l’université, premièrement en théâtre (en tant que comédien), et plus tard en cinéma.  Au cours de son Bac. en cinéma, Il découvre la photographie de plateau et le montage, deux occupations qui le passionnent.  Blogueur à ses heures, il devient en 2010 critique pour Sorstu.ca, un jeune et dynamique site web consacré à l’actualité musicale montréalaise.  Jean-François habite la métropole depuis 2007.   Il tient une chronique bimensuelle au Chat Qui Louche.