Rétrospective : Chronique de Porto de Clémence Tombereau…

L’art et la folie

Quel livre, même roman autobiographique, peut se vanter de proposer un portrait double, Janus inédit, de deux mondes habituellement bien distincts: l’art et la psychanalyse?

A ce jour je n’en connais qu’un: Un fou dans l’art, de Jean Albou (Editions La Martinière).

Il ne s’agit pas ici pour l’auteur de se livrer à une analyse psychique et farfelue d’œuvres d’art -méthode déjà éprouvée par certains curieux imaginatifs, mais plutôt de proposer une vision originale et honnête de l’art et de l’âme perturbée.

Dans ce roman, ce qui compte, ce qui domine tout, c’est l’extrême lucidité de l’auteur sur les deux univers. Ces Confessions d’un Serial collectionneur sont hors-normes mais d’une richesse inouïe pour le lecteur.

On plonge au fil des pages dans l’étonnant univers du marché de l’art, pendant qu’en filigrane un homme atteint de PMD (Psychose Maniaco Dépressive, diagnostiquée bien tardivement malgré les alertes évidentes) décrit sans misérabilisme les manifestations de cette troublante maladie. La bipolarité est reconnue aujourd’hui comme une affection mentale. Albou en a souffert, beaucoup, à un degré extrême, mais ne cherche à aucun moment à soutirer au lecteur quelques larmes de compassion.

Avec un sens du récit captivant, il règle ses comptes avec la psychanalyse et les marchands d’art, et truffe sa vie romancée d’anecdotes savoureuses qui permettent d’entrevoir, comme si nous étions dans les coulisses du spectacle, les travers et les dérives d’un marché de l’art qui se prend pour une place financière.

César, le sculpteur qu’Albou a bien connu, y est touchant; une visite guidée au Prince Rainier offre un grand moment de rire jaune. En crise maniaque l’auteur peut être, bien malgré lui, hilarant. En dépression il nous interpelle, met les mots exacts sur ce gouffre qui n’est jamais loin de tout être humain sensible.

Ce livre est l’expression d’un courage fou.

Peu de gens ont une telle vie. Peu de gens seraient capables de relater aussi habilement ces extravagances qui cachent une pathologie. Albou réalise ici un tour de force. Le livre est passionnant, poignant malgré lui, et tout être un tant soit peu intéressé par l’art ou la psychanalyse devrait s’y plonger sans tarder. Il en ressortira grandi.

Un fou dans l’art. Confessions d’un serial-collectionneur, Jean Albou, La Martinière.

Notice biographique

Clémence Tombereau est née  à Nîmes en 1978. Après des études de lettres classiques, elle a enseigné le français en lycée pendant cinq ans.  Elle vit désormais à Porto au Portugal.  Finaliste du prix Hemingway en 2005, lauréate cette année du concours littéraire organisé par le blogue Vivre à Porto, elle a contribué à la revue littéraire Rougedéclic (numéro2) et elle nourrit régulièrement un blogue que vous auriez intérêt à visiter : le Clémence Dumper :http://clemencedumper.blogspot.com/

3 Responses to Rétrospective : Chronique de Porto de Clémence Tombereau…

  1. Dominique B. dit :

    J’ai entendu parler de ce livre comme d’un chef-d’oeuvre…

    Merci Clémence de le confirmer aussi bellement.

    Agréable week-end à vous.

    D.B.

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  2. frederic0566@hotmail.com dit :

    Bravo pour ce beau texte qui nous donne le goût de lire le roman.
    Frédéric

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  3. […] On plonge au fil des pages dans l'étonnant univers du marché de l'art, pendant qu'en filigrane un homme atteint de PMD (Psychose Maniaco Dépressive, diagnostiquée bien tardivement malgré les alertes évidentes) décrit …  […]

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