L’expérience subjective, par Alain Gagnon…

Propos sur l’oubli de soi…

Le Suprême veut que nous comprenions.  Il nous a faits ainsi.  La nature nous a dotés d’outils pour comprendre le monde, pour comprendre soi et pour comprendre cette présence transcendante qui gîte au fond de chacun et le fonde dans son humanité.

Le plus Vivant, au plus vivant de soi, veut la compréhension.  Vaut donc mieux errer que de ne pas chercher à comprendre.

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La science a déifié par sa méthode l’expérience objective, vérifiable, répétable, quantifiable…  Et cette méthode a accordé à l’humain des pouvoirs immenses de connaissance, d’utilisation et de transmutation de l’univers physique.  Cependant l’expérience subjective est tout aussi réelle, tout aussi valable.  Ce n’est parce qu’une expérience est subjective qu’elle n’existe pas.

Sur un quai du Bas-Saint-Laurent, s’assemblent, chaque soir de beau temps, naturels du lieu et touristes.  Lorsque le soleil s’enfonce derrière les

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Le regard intérieur

montagnes, à l’ouest, un silence religieux s’installe.  Les rires et les saillies font silence.  Tous entrent dans un étrange recueillement, âges confondus.  Cette expérience n’est ni quantifiable, ni répétable ; elle n’en est pas moins réelle, pas moins valable.

Tous ces gens qui se tassent dans les fauteuils souvent inconfortables des auditoriums pour entendre un concert, n’y vont pas tous par snobisme, par souci de s’y faire voir.  Beaucoup s’y rendent vivre une expérience subjective gratifiante, donc très réelle.

Dans un domaine plus terre-à-terre, dont je me suis un peu préoccupé, la qualité de la vie au travail, il est reconnu que la propension à s’automotiver ou à se laisser motiver d’un travailleur, dépend beaucoup de facteurs subjectifs : qualité des relations avec son superviseur immédiat, avec les collègues, sentiment de reconnaissance de son apport, importance sociale de sa contribution… (En fait, les employés seraient plus sensibles à l’humiliation qu’au salaire ou aux avantages sociaux.)  Toutes ces expériences subjectives comptent.  Leurs conséquences sont bien réelles : elles peuvent faire la différence entre profits ou pertes.

L’AUTEUR…

 

Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon du Livre du Saguenay–Lac-Saint-Jeanchat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, Québec pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Thomas K (Pleine Lune, 1998).  Quatre de ses ouvrages en prose sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale (2003), Jakob, fils de Jakob (2004), Le truc de l’oncle Henry (2006) et Les Dames de l’Estuaire (2013).  Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel (Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011).  En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010).  Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan, Chronique d’Euxémie et Cornes (Éd. du CRAM), et Le bal des dieux (Marcel Broquet).  On compte également plusieurs parutions chez Lanctôt Éditeur (Michel Brûlé), Pierre Tisseyre et JCL.  De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue.  Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche 1 et 2 (https://maykan.wordpress.com/).


4 Responses to L’expérience subjective, par Alain Gagnon…

  1. Jean-Marc Ouellet dit :

    À mon sens, cette expérience de bonheur qu’on ressent en entendant une belle musique, en regardant un beau coucher de soleil, une belle peinture etc., n’a de subjectif que l’opinion que les autres en ont. Pour celle ou celui qui la vit, il se passe à l’intérieur une réalité merveilleuse, tangible et bien objective. La science sait qu’un flux spécial de neurotransmetteurs survient dans des zones particulières du système nerveux, comme un moyen de transport pour goûter à l’Absolu.

    Jean-Marc O.

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    • Alain Gagnon dit :

      Le flux des neurotransmetteurs provoque-t-il l’émotion ? Où les neurotransmetteurs répondent-ils à l’émotion ?

      Alain G.

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      • Jean-Marc Ouellet dit :

        En fait, voilà le noeud du sujet à mon avis. Comme une coupure sur la peau crééra un changement de la réponse neuronale qui mènera l’information jusqu’au cortex où la douleur sera objectivée, il existe, je pense, une coupure, une transformation du lien obscur qui existe entre le soleil se couchant sur la mer et le sens, l’oeil, qui le perçoit. Cette brisure, qu’on qualifiera d’immatérielle ou même peut-être de spirituelle, provoquera ce flux heureux dans le système nerveux. Ce flux nerveux est tangible, objectivé et objectivable. Mais cette brisure relationnelle, la beauté, ce qui crée du bonheur à l’intérieur comme je l’ai déjà écrit dans le CQL1, ne peut être mesurée puisqu’il est antérieur à nos sens imparfaits, imperceptible même pour nos instruments de mesure encore rudimentaires.Sans doute que c’est là que la subjectivité se situe, alors que la sensation enivrante et euphorique ressentie existe vraiment de manière objective.

        Sans doute que des plus philosophes expliqueraient tout ça mieux que moi.

        Jean-Marc O.

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      • Alain Gagnon dit :

        Vous vous expliquez très bien.

        Cette discussion m’a rappelé ce passage du Chien de Dieu :
        « Excellent article : États de conscience, phénomènes psi et santé mentale de François Leduc. Il rapporte les propos du psychologue chercheur A. J. Mandell sur le phénomène des conversions religieuses. Mandell soutient que c’est dans le continuum d’ondes lentes, hypersynchrones, à l’intérieur du circuit hypocampe-septum-formation / réticulaire-raphé que repose la constellation neurobiologique essentielle, sous-jacente à des sentiments positifs allant jusqu’à l’extase.

        « Ainsi, l’extase et le sentiment de conversion religieuse peuvent être induits par l’utilisation de techniques qui désinhibent ce circuit. Mandell émet l’hypothèse que ces ondes hypersynchrones puissent être associées à de l’extase, à un climat intérieur indicible et à une expérience spirituelle primordiale. Il remarque aussi que ces expériences produisent des changements significatifs et durables dans la personnalité et la façon de vivre . »

        Le fait de pouvoir induire un état, par des substances chimiques ou par des impulsions électriques, ne signifie en rien que ce même état ne puisse être vécu réellement, de façon naturelle. Chez certains patients en perte d’appétit, on doit induire artificiellement la faim. La faim n’en existe pas moins naturellement chez la majorité des humains. J’en sais quelque chose… De même pour les phénomènes d’ordre religieux. De même pour l’érection qui peut être induite, soutenue par le Viagra, mais qui n’en existe pas moins, au naturel, chez la majorité des mâles de l’espèce ! »

        Bonne soirée,

        Alain G.

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