Une nouvelle de Cécyl…

La  veuve et l’orphelin…     

Le nom de la ville, Cuidad Juarès, la cité de la drogue, la cité du meurtre, la cité de l’alcool et de la prostitution. Cuidad Juarès, un nom qui vous chat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, Québecracle la gorge, et vous l’enflamme, tout comme le crépitement infernal d’un AK47.

Cuidad Juarès, la ville natale de Tobias, un petit garçon de 10 ans qui espionne pour un clan de narcotrafiquants, afin de gagner un peu d’argent.

Tobias, il n’a plus de papa, il n’a plus de maman, il n’a plus de famille. Il dort dans une grange, prêtée par un ancien voisin, un ancien ami de ses parents, en rêvant au temps jadis, à l’époque où son papa et sa maman étaient encore en vie.

Tué son papa. Tuée sa maman. Tués tous deux, au même instant, par une rafale tirée au hasard. C’est comme ça qu’ils s’amusent les narcotrafiquants, pour faire passer le temps, entre deux livraisons, entre deux règlements de compte. Ils s’amusent en tirant au hasard, dans les rues solaires de cette citée maudite, n’importe où, n’importe quand.

Le gentil voisin aimerait bien que Tobias retourne à l’école. Mais Tobias sait bien que retourner à l’école, c’est aussi retourner à l’orphelinat. Il ne reste à Tobias que la rue. Il ne reste à Tobias que l’errance du serpent.

Adelina perdit son fiancé, Felipe, par un soir d’été caniculaire. Alors que Felipe rentrait du travail, par malchance, et manque de prudence, il klaxonna un dealer qui traitait dans sa voiture, à l’arrêt, à un stop. Le dealer, par la glace de la portière, pointa un fusil sur Felipe, et lui tira dessus, en explosant le pare-brise. Felipe mourut quelques heures plus tard, sous les yeux meurtris d’Adelina.

chat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, QuébecAdelina n’était pas originaire de Cuidad Juarès, elle était venue dans cette ville pour trouver du travail. Il y a toujours du travail à Cuidad Juarès, ce n’est pas parce qu’il y a des meurtres chaque jour, que Cuidad Juarès ne doit pas continuer à vivre.

Adelina travaillait dans une blanchisserie. La patronne de la blanchisserie recevait régulièrement des visites assez musclées du clan dirigeant le quartier. Adelina se cachait, ou fuyait à chaque fois, de peur de se faire violer.

À longueur de journée, Tobias surveillait sa rue. Tous les matins, il voyait Adelina entrer dans la blanchisserie pour travailler. Tobias, assis sagement sur son banc, rêvait de lui et d’Adelina. Il imaginait qu’il était son fils chéri, qu’Adelina était sa maman chérie.

Puis un jour, lors de son rapport journalier au clan, Tobias apprit que la blanchisserie allait bientôt flamber. Il ne comprenait rien aux histoires des grands Tobias, mais comprenait la finalité de leurs histoires. Aussi, il décida d’attendre Adelina devant la blanchisserie, le lendemain matin, avant son ouverture.

À l’arrivée d’Adelina, Tobias se plaça devant elle, et lui dit : « Tu veux être ma maman ? » Adelina se baissa, le regarda dans les yeux, et lui répondit : « Tu n’as pas de maman ? » Tobias se retint de pleurer, et répéta : « Tu veux être ma maman ? » Puis ajouta : « Si tu acceptes d’être ma maman, je te dis un secret. » Adelina acquiesça de la tête, et lui tendit l’oreille. Tobias vint y chuchoter : « Maman, il vaut mieux partir, la blanchisserie va bientôt brûler. »

Adelina se releva, prit Tobias par la main, et rentra tranquillement chez elle. Elle remplit un sac de voyage d’affaires personnelles, fit une rapidechat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, Québec prière d’adieu, et s’en alla aussitôt, en compagnie Tobias, pour la gare routière. « On va où, maman ? » lui demanda-t-il. « On va loin, très loin mon chéri », lui répondit-elle.

Le bus toussota, démarra enfin, puis se mit à rouler dans un grand nuage de poussière. Adelina referma ses paupières, quelques larmes ruisselèrent sur ses joues, puis elle redressa la tête, et caressa les cheveux de Tobias, en lui disant : « Mon petit amour, y’a forcément un endroit dans ce pays, où les garçons de ton âge ne grandissent pas dans la rue, un endroit où la vie est plus précieuse qu’un sachet de poudre blanche, qui n’offre que la mort pour avenir. »

Notice biographique :

chat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, QuébecCécyl est né en 1976.  Il vit à Vannes, en Bretagne. L’écriture, la poésie en particulier, s’est imposée à lui, soudainement, à l’âge de 23 ans. « Une inspiration foudroyante, enivrante, mystérieuse et obsédante », explique-t-il. Son profil Facebook lui permet d’adresser ses poèmes à un large public. Occasionnellement, il participe à des recueils collectifs de poésie ou de nouvelles. On retrouve l’ensemble de ses publications sur le blogue : cecyl.over-blog.com. Actuellement, il cherche un éditeur pour un court roman  sur le Darfour, intitulé : L’écho des jours fragiles. Texte qui s’inscrit à la croisée des cultures, porté par ce qu’il nomme : la littérature globale.

49 Responses to Une nouvelle de Cécyl…

  1. dany tremblay dit :

    Alors là je suis soufflée. Une rythmique surprenante.
    Magnifique texte!

    Dany

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  2. Jean-Marc Ouellet dit :

    La violence et l’injustice existent et doivent être criées au grand jour. Ce texte rapporte une réalité troublante et par sa lucidité, son humanisme et son rythme, il égratigne notre sensibilté. Efficace et extrêmement agréable à lire.

    Très beau texte. Bravo.

    Jean-Marc O.

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  3. Jean Guy O. dit :

    bravo pour ce récit « live »…je réfère le lecteur d’autres récits de ces « horreurs inhumaines » auxquelles j’ai été exposé lors de mes deux longs séjours dans ce pays confronté à ce « mercantilisme homicidaire »

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  4. Karine Gelais dit :

    C’est très touchant!

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  5. Blanc dit :

    Texte émouvant et plausible (à moins qu’il ne soit un vrai récit).

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  6. Le choix d’Adelina n’est pas un choix au hasard, n’est-ce pas….Une chanson populaire également au Mexique !

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    • cecyl dit :

      Peut-être… Sinon, recherchons l’origine des prénoms…
      ADELINA signifie NOBLE : ce qui pose la question de l’âme noble, de l’être digne, de ce qui fait qu’une personne devient pleinement consciente et responsable de sa vie, ainsi que de celles qui l’entourent…
      TOBIAS signifie DIEU EST BON : ce qui pose la question du sens de la vie, du rapport et du dialogue entre l’être humain et son créateur, et de la façon d’obtenir un mieux être de la part du destin face aux épreuves d’ici-bas…

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  7. Chassot dit :

    C’est touchant comme c’est pétillant, çà se lit très vite, mais tellement de fraîcheur et de spontanéité et tellement émouvant, de la poésie en relief !

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  8. Bianco dit :

    J’aime beaucoup cette nouvelle. Vivante, réaliste, émouvante et pleine d’espoir. Bravo

    Cordialement
    BB

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  9. Bonsoir,
    Je découvre cette nouvelle par l’intermédiaire d’over-blog…

    Je ai bien aimé la simplicité qui s’en dégage. A mon avis, elle pourrait faire une bonne introduction à une plus longue histoire…

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  10. L17 dit :

    Bonsoir Cecyl

    Un message d’Overblog (Communauté Cœur de lumière) me fait découvrir votre magnifique texte que j’ai lu avec beaucoup d’émotion.
    Félicitations ! J’ai apprécié le rythme de ce récit au ton juste : une belle histoire pleine d’espoir qui fait chaud au cœur. Un grand merci.
    Je vais vous rendre visite sur Overblog.
    Bonne continuation.

    Bien cordialement – MV.

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  11. Poblète Pablo dit :

    ce très correctement écrit, on voit trop la préoccupation de l’auteur pour bien écrire, pour suivre l’histoire correctement. à mon avis, il manque de liberté  » linguistique » laisser partir la plume , plus d tension, de nerf,
    et surtout ,mais c’est un avis très subjectif de moi, j’accroche plus à l’écriture avec « sublimation » et moins reportage linéal, mais, ça aussi peut être un style, l’écriture de roman en tant que description journalistique.
    mais ce juste un extrait, donc ce valable que pour cet extrait, peut-être oui, peut-être non! il faut continuer, il y à de la matière ,de la bonne!

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    • cecyl dit :

      Réelle interrogation… Qu’est-ce que l’écriture ? Y a-t-il un formatage plus pertinent qu’un autre ? N’est-il pas plus facile de se complaire dans un récit nombriliste et métropolitain, plutôt que de s’intéresser et essayer de comprendre ce qui fait l’actualité de notre époque, et ainsi s’y inscrire pleinement ? Pourquoi faudrait-il posséder un DEA de sociologie et avoir travailler durant 5 ans au Mexique pour être crédible et publiable ? De nos jours, est-ce la littérature qui modèle le savoir ou le savoir qui accrédite la littérature ?

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  12. Eric Darsan dit :

    Rythmé, concis, sans fioriture ni concession : un texte remarquable dont on ressort imparablement touché. Bravo.

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  13. Marie A dit :

    C’est un très beau récit, qui mériterait pourtant d’être plus long. Ainsi présenté, cela ferait un très beau conte de Noël.

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  14. Hélène dit :

    Bravo, l’ambiance et le rythme sont rapides et bien adaptés au sujet. Cependant, j’aurais aimé la fin un peu plus longue.
    Cordialement

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  15. Muriel dit :

    Beau texte et si tu souhaite te faire publier tu as les éditions velours en france mais faut que tu avance 2500euros de frais qui te seront rendu par tes ventes si cela marche bien

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  16. argoul dit :

    L’espoir, toujours renaît. Entre les êtres qui savent se trouver.

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  17. Patrick Fetu dit :

    Des morts et des morts… mais que de vie dans ce texte !

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  18. Hans-Peter dit :

    Alors et la suite? Que deviennent Adelina et Tobias? Où va le bus? Comme tu vois j’ai aimé le style simple et percutant et maintenant que tu les as fait naître, fais les vivre. Courage Cécyl et bravo.

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  19. kimcat dit :

    Coucou Cecyl
    C’est si terrible ce qui se passe dans cette ville mexicaine, qu’on ne reste pas insensible à cette rencontre entre Tobias et Adelina.
    Bien cordialement.

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  20. Un style incisif, en coups de poing, redoutablement efficace. Merci pour la touche d’espoir final.

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  21. Philomène dit :

    Court ! Trop court mais si prenant. Cette nouvelle je l’ai vécu comme si j’y étais…

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  22. havet dit :

    Très agréable lecture sur une réalité quotidienne en amérique du sud…
    j’espère qu’il y aura d’autres « bébés » de cette veine.Cordialement.

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  23. Trés interessant par la symbiose des thèmes qui constituent une intrigue ou le bien ,confronté au mal ,finit par triompher .
    Le thème de l innocence y est présent aussi .
    Merci Cecyl

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  24. luc merandon dit :

    Si je peux me permettre, voilà l’exemple type d’une écriture bien trop lisse pour ce genre de texte, il manque la liberté de ton et la rage du narrateur (narratrice ?).
    J’ai déjà lu cette histoire avec d’autres personnages mais toujours au Mexique, dans un album de Corto Maltese. Mais je suis sûr qu’il s’agit d’une coïncidence !

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  25. Annaris dit :

    Cette nouvelle ne laisse insensible que ceux qui sont capables de tirer sur les êtres humains en s’amusant. A cause de ce vilain jeu, Tobais à perdu les êtres les plus chers , ses parents. Et Adelina a perdu l’amour de sa vie. Mais , manquant d’affection et d’amour maternel , Tobias le cherchait chez Adelina. Celle ci le lui a offert et lui, en guise de récompense l’a sauvée d’une mort atroce . Il s’est sauvé en la sauvant. Ils se sont sauvés. Et leurs destins , converti en un seul ,en se fusionnant, a pris un autre virage . Espérons, vers la bonne direction.

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  26. Marc dit :

    Emouvant récit. Chronique d’une violence ordinaire qui ne devrait pas l’être. Et au font du gouffre, une petite lumière. Celle d’un pâle espoir…

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  27. Marc dit :

    Emouvant récit. Chronique d’une violence ordinaire qui ne devrait pas l’être. Et au fond du gouffre, une petite lumière. Celle d’un pâle espoir…

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  28. MYR dit :

    Fascinant comme le sujet et en plus tout simplement troublant

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  29. beatrice breard dit :

    tu m’as surprise…je connais l’amérique latine j’y ai retrouvé ses odeurs, chercher une main…la suivre dans son errance l’enfance , la tendresse,
    tout cela au milieu de cette désespérance

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    • cecyl dit :

      Comme je sais que tu laisses rarement impressions et petits mots en public, cela me ravit bien plus encore. C’est beau une relation qui dure dans le temps, même étiquetée du virtuel…

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  30. Anonyme dit :

    court, digeste, mais très touchant. Bravo !

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  31. patricia goud dit :

    superbe…belle histoire d’amour..bisatoi mon ami

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  32. Elo dit :

    Ton histoire me plait beaucoup. Elle m’a rappelé un film de fiction documantaire sur cette ville et le débat qu’il y avait eu au ciné après avec Amnesty international…
    BRAVO !!!! Bises

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  33. Anonyme dit :

    Pour moi, il s’agit ni plus ni moins d’un conte, un conte moderne, contemporain, d’actualité, un conte avec ses cruautés, ses injustices et son espoir et sa morale.
    Pour ça peu importe si c’est une histoire vraie. 9a se lit bien et ça veut dire ce que ça veut dire, avec du bonus si j’ai bien compris le sens des prénoms!
    J’ai néanmoins remarqué quelques détails qui me gênent, des images un peu forcées ou convenues : l’AK qui crépite, le serpent qui erre, le car qui toussote ainsi que la façon de faire arriver Adelina dans l’histoire un peu maladroite et peut-être aussi le « rêvait de lui » qui pourrait être un « rêvait de lui-même ». Bonne continuation. Rémy Verneuil.

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  34. mikobashop dit :

    Très beau texte, très prenant.. Bravo !

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  35. Dominique dit :

    Merci car lorsqu’on aime un texte et qu’il nous fait réagir, il faut remercier l’auteur pour ce qu’il nous donne et ce bien devient une pierre sur le chemin que nous empruntons. C’est simple (ne pas prendre ce mot au sens littéraire) comme une vie qui n’a pas été choisie, ni ses parents… ni la ville ou on naît quelque part…
    Les images sont superflues et me perturbent mais je les ai supprimées et Tobias est parti dans le bus du futur.. Bon vent malgré les embruns bretons !

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  36. Un texte tout en rafales . Merci pour ce textes plein
    d ‘enseignements et d ‘émotions .

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  37. Jeaf dit :

    Bonjour
    Je ne sais pas si c’est bien une « nouvelle »… cela ressemble tant à une actualité.
    Ce récit est touchant, émouvant et se lit comme un conte, conte des temps modernes, conte des temps mortels mais si nourri d’espoir qu’il laisse entrevoir au lecteur qu’on peut finalement, et malgré tout, échapper à l’indigne réalité.
    Merci pour cette agréable lecture, que le style fluide rend très prenant, et merci pour le partage.

    Jeaf

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  38. poète James dit :

    Bonjour cher ami

    Je viens de lire une prestigieuse nouvelle , merci beaucoup votre plume est remplie de talent James

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