Dires et redires… par Alain Gagnon…

La Beauté (4)…alain gagnon, Chat Qui Louche, maykan, francophonie, littérature

L’intelligence purement discursive se perd dans les lacis de labyrinthes sans fin et se prend dans les rets de ses propres avancées logiques. La raison permet une utilisation poussée du monde matériel. Elle fournit à l’humain les outils, la technique, les concepts opératoires qui permettent une profitable appréhension du réel sensible. Toutefois, lorsqu’il s’agit de valeurs, de beauté, de sacré, d’éthique supérieure, l’intelligence analytique doit se soumettre à l’intuition supérieure, sinon elle morcelle et détruit tout, vide valeurs et beauté de toute substance. Elle se transforme en « scalpel fou », ainsi que la désigne Alexis Carrel dans son Journal. Rien d’humain ne lui résiste. Aucune valeur, aucune institution, aucun lien naturel entre les êtres. (Le chien de Dieu)

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Danse éternelle [du Monde].

 Pour les pieds trop lourds, le temps et l’Histoire regorgent de poubelles et dépotoirs. La beauté et l’énergie ne sont jamais insultées : elles sont victoires perpétuelles – malgré les errements tangentiels des nostalgiques, des échinés de l’existence, dont elles se rient et se nourrissent.  (Le chien de Dieu)

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Le temps se tapit, tel un chancre, en chaque joie, pour lui donner un goût amer. Toute beauté nous jette à la figure : « J’existerai, et tu ne me verras plus. » Quotidiennement, les corps aimés et notre propre corps nous rappellent la décrépitude assurée de la chair. Et nous continuons à respirer en sachant que chaque respiration en est une à déduire de toutes celles que Brahma nous a accordées.  (Le chien de Dieu)

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Qui va oser me dire ? : – Don Quichotte et Ulysse ne servent à rien ; sont des fantoches pitoyables où se complaisent nos rêves ; des éléments excrémentiels que les songes éveillés abandonnent aux jours gris des oisifs obèses ? Celui-là, je le malmènerai, lui lancerai des pierres, maudirai son nom face à la mer, aux quatre vents. Et je pleurerai sur lui, sur son désespoir raisonnable ; lui, à qui échappe la beauté ambiguë, la beauté triste du monde appelant, en attente de son achèvement.  (Le chien de Dieu)

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Baudelaire

Comme croyant, je me devrais, selon certains, d’avoir une éthique face aux œuvres. « Vous ne devez pas aimer les œuvres du caniveau… », me faisait-on remarquer. Au contraire. Je crois que la foi amène un surcroît de conscience, une plus grande soif de vérité. Les bluettes, les ouvrages convenus et de bons sentiments m’exaspèrent – je ne les termine pas, même si un ami les a écrits. L’immondice a sa vérité et sa beauté – La charogne de Baudelaire. C’est dans l’infrahumain d’un quotidien magnifié par l’esprit que jaillissent souvent les dynamismes qui confortent la foi – relire La puissance et la gloire de Graham Greene. Les immondices et les bassesses humaines sont moins nocives que les discours réducteurs, jolis et académiquement acidulés des Barthes, Lacan, Derrida…  (Le chien de Dieu)

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