Balbutiements chroniques, par Sophie Torris…

Quelques ronds dans l’eau…

Cher Chat,

Je reviens tout juste de l’autre côté de la terre.  Je sais donc maintenant avec certitude qu’elle estchat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie ronde puisque j’ai dû faire demi-tour.  On ne peut hélas pas prendre la tangente indéfiniment.  Pour la forme, j’ai donc rejoint mon carré de terre où, je vous l’avoue, le Chat, je tourne un peu en rond.

Si vous avez lu les carnets de voyage que j’ai écrits en diagonale, vous savez que j’ai dorénavant mon rond de serviette dans quelques maisons chinoises.  Ce voyage a non seulement considérablement élargi mon cercle d’amis, mais aussi ma sphère de connaissances.  Voilà que j’ai de nouveaux centres d’intérêt et le désir d’en connaître un rayon sur l’Asie.  Les voyages ne formeraient donc pas que la jeunesse !

Je voudrais donc animer, pour mon retour, un petit cercle de réflexion autour du voyage, histoire de faire un petit tour d’horizon des différentes manières de se mettre en route pour l’Ailleurs.  Il s’agira donc d’une courte chronique n’ayant rien d’une circonférence au sommet.  Tout juste quelques ronds de jambe, histoire de se dégourdir à nouveau l’écriture.  C’est que le décalage horaire a mis sans dessous dessus mon axe des ordonnées et je sais, cher Chat, que, comme vous n’êtes pas obtus, vous ne me ferez pas une tête au carré si pour une fois, je ne cherche pas la quadrature du cercle.

À défaut d’une démonstration de théorème homérique, je m’en tiendrai donc aux grandes lignes du sujet, à savoir s’il faut, pour bien profiter d’un voyage, en baver des ronds de chapeau ou se faire arrondir les angles.  En d’autres termes, pensez-vous, le Chat, que le hasard et l’instinct soient de meilleurs guides de voyage qu’un tour opérateur ?

Certes, les voyages organisés font gagner du temps.  De belles lignes droites sûres et prévisibles qui mènent directement et sans écarts aux carrés d’as.  On nous offre d’avaler tout rond les plus beaux points de vue, les plus célèbres monuments, les plus grands musées.  Et quoiqu’on frôle parfois l’indigestion, on peut cependant prendre la mesure de tout le pays en un temps record, et ce, tout en restant entre nous.

Mais n’apprend-on pas mieux quand on quitte ses repères émotifs, quand on devient l’étrange, quand on voyage par soi-même ?  Je me souviens parfaitement de ma première nuit outre mère.  Le lendemain, j’avais grandi.

Je suis de celles qui aiment l’imprévisibilité de la route plus que la destination en elle-même, vivre le voyage cahin-caha et l’approche de chaque carrefour entre excitation et appréhension.  N’est-ce pas souvent au détour d’une ligne brisée que l’aventure commence réellement ?  Devant un paysage insoupçonné, une rencontre inopinée.  Il faut alors avoir du temps si l’on veut pouvoir rester là, comme deux ronds de flan, et apprécier l’exception.  Celle que l’on pourra partager à son retour comme la découverte de son propre triangle des Bermudes.

On sait tous d’où l’on vient.  50° 17’ Nord, 2˚ 46’ Est.  C’est là que je suis née.  Je peux encercler ces coordonnées sur une carte et la suspendre au mur.  Voici mes racines cadrées.  Alors, pourquoi, dites-moi, cher Chat, aurais-je besoin de savoir où je vais exactement quand je peux facilement retourner d’où je viens ?

J’ai donc vécu en Chine quelques journées au gré de ma fantaisie, j’ai cherché à m’y perdre parfois, afin d’aller un peu plus loin que moi-même.  Cependant, j’ai dormi tous les soirs dans le confort sans surprise du lit au carré d’un grand hôtel aseptisé.  Alors même si, ô, juste ciel ! j’ai trouvé cela agréable, je regrette cette époque, où, parce que sans un rond, je manquais rarement d’audace face à ma curiosité.

Sophie

Notice biographique

chat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonieSophie Torris est d’origine française, Québécoise d’adoption depuis dix-sept  ans. Elle vit à Chicoutimi, y enseigne le théâtre dans les écoles et l’enseignement des arts à l’université. Elle écrit essentiellement du théâtre scolaire et mène actuellement des recherches doctorales sur l’impact de la voix de l’enfant acteur dans des productions visant à conscientiser l’adulte. Elle partage également une correspondance épistolaire avec l’écrivain Jean-François Caron sur le blogue In absentia. (http://lescorrespondants.wordpress.com)

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche : https://maykan2.wordpress.com/)

1 Responses to Balbutiements chroniques, par Sophie Torris…

  1. Hélène Brunengo dit :

    Excellente chronique Sophie, perso je n’ai pas cadré mes racines, mais je partage ton goût pour l’aventure! Même si je suis bien obligée de reconnaître que les hôtels aseptisés n’ont rien pour me déplaire!
    J’avais hâte de lire !
    Bises de Toulouse

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